Secrets Royaux

"Tu l'aimes ?"

-10 novembre 1644-

Je descends les escaliers le plus rapidement possible et arrive devant les cuisines. J'entends le souffle saccadé de la jeune Laure qui s'épuise à la tâche. Elle frotte, rince et sèche.

- Bonsoir, dis-je d'une voix mal assurée.

Elle sursaute et se retourne.

- Je t'ai fait peur ?

- N-non... Qu'est-ce qui se passe pour que vous me rendiez visite aussi tard ?

- J'ai quelque chose à t'avouer... Mais d'abord j'aimerais savoir si ton français s'est amélioré et si tu t'es bien intégrée aux servantes d'ici.

- Oui... L'on m'a appris à maîtriser la langue française, s'essouffle-t-elle. Mais maintenant, je n'ai plus besoin de cours... Cela fait plus d'un an que nous sommes ici. Et les autres servantes sont indifférentes devant moi. Elles ne font pas vraiment attention.

- Qui t'a appris le français ?

Elle baisse la tête et se concentre sur la vaisselle.

- Je ne sais plus... Cela remonte à tellement de mois.

Je soupire, elle n'a pas changé.

- Tu sais, Laure, cela fait longtemps que l'on se connaît et, avec le temps, j'ai appris à savoir lorsque tu mens et lorsque tu ne mens pas... Là, je vois très clairement que tu mens, par exemple !

Elle soupire à son tour, et une larme vient glisser le long de sa joue.

- C'est... votre frère, le Roi, qui m'a appris, finit-elle par avouer.

- Nous en venons au prochain point... Je suis au courant pour votre liaison, enfin... ex-liaison.

- Je... je le savais déjà. Votre frère me l'a dit. Vous étiez là, le soir où tout s'est arrêté...

Ses lèvres tremblent et ses mains s'activent. Ses joues rosies par l'effort se soulèvent et s'abaissent.

- J'ai cru comprendre que tu avais décidé de mettre fin à votre relation car tu ne supportais plus de trahir Aréna ?

- C'est cela, en effet, souffle-t-elle.

- Tu as également changé de poste...

- Il... Il me rappelait trop votre frère...

- Pourquoi ne prononces-tu jamais son nom ?

Elle hausse les épaules.

- Tu sais... Je ne t'en veux plus du tout pour l'incident avec mes filles.

Elle hausse de nouveau les épaules. 

- Vous avez eu des nouvelles d'Edward ? demande-t-elle soudainement.

- Non... Pas depuis que Philipp Hàvard ne soit venu l'hiver dernier, je murmure. Pourquoi cette question ?

- S'il s'avérait que vous pouviez retourner en Norvège, pourriez-vous m'emmener avec vous ?

- Comme il te plaira. La France ne vous réjouit guère ?

- Non, ça n'est pas cela. C'est votre frère, il me mène la vie dure...

- Qu'a-t-il encore fait ce bougre d'imbécile ?!

Elle sourit tristement face à ma remarque. Je m'assieds sur un tabouret et attends patiemment qu'elle trouve ses mots.

- Il me jette des regards méprisants, demande à ce que je sois mal nourrie et m'humilie devant les autres servantes et devant sa femme...

Elle se met alors à sangloter.