-4 décembre 1643-Après qu'il m'ait rassurée, je toque à la porte de la chambre de ma mère.
Le médecin sort et m'autorise à rentrer.
Encore chamboulée, j'atteins son lit dans l'obscurité de la pièce.
Elle est éveillée et me regarde sereinement comme s'il ne s'était rien passé.- Mère, vous nous avez fait tellement peur..., je commence d'un ton instable.
- Pourquoi ? me demande-t-elle en prenant ma main.
- Vous... vous avez fait un malaise...
- Oui mais je vais mieux maintenant. Même si le docteur dit que je dois rester deux semaines au lit, je me sens au meilleur de ma forme !
Je la regarde étrangement. Serait-elle réellement en train de devenir folle ? Je n'espère pas...
- Mère, vous sentez-vous-
- Eléonore, ma fille, aurais-tu l'amabilité de me jouer du piano, s'il te plaît ? me coupe-t-elle inconsciemment.
- Mais cela fait longtemps que je-
- Je t'en prie, me murmure-t-elle, presque suppliante.
- Bien..., dis-je en m'éloignant d'elle.
J'avais seize ans lorsque je jouais du piano pour elle. Elle ne savait pas en jouer alors elle me demandait souvent d'en jouer pour l'apaiser. C'est un souvenir que je n'aime pas remémorer car mes cours n'étaient tout simplement pas une partie de plaisir. J'avais un professeur exécrable et j'avais beau insister pour ne plus assister aux cours, mère m'ordonnait d'y aller.
J'avais terriblement peur de ce professeur dont je ne me souviens même plus du nom.Je retire le drap qui couvrait le piano jusqu'à lors, inutilisé.
J'inspire profondément avant d'ouvrir la partition. Mon pouls s'accélère tandis que j'exécute les premiers accords...
Mes doigts tremblent sur l'instrument et mon souffle se fait irrégulier. Des souvenirs surgissent dans mon esprit.
Mais je continue. Ma mère semble radieuse. Elle s'est relevée et me regarde avec enthousiasme.
Les minutes défilent pendant qu'elle ne se lasse pas du spectacle.
Je m'arrête, essoufflée, et attends qu'elle parle.
Voyant qu'elle semble dans ses pensées, je dépose un baiser sur son front et me dirige vers la porte.
Au dernier moment, elle me retient.- J'aimerais que tu reviennes toutes les semaines, me faire une heure de piano.
- Si tel est votre désir, je murmure en un souffle tandis que je retourne dans ma chambre.
Je retrouve Laure et mes enfants.
- Pourrais-tu me faire un feu de cheminée, s'il te plaît ? Je ne tiens pas à ce que mes filles tombent malades, j'ordonne à Laure.
- Bien, madame.
Les flammes sont rallumées et la pièce est baignée dans une douce chaleur.
Astrid se remet à pleurer.
Je la prends délicatement dans mes bras et lui donne le sein.
Je fais de même pour Héléna.
Une servante m'informe que le dîner est servi.
Je me rends dans la salle à manger.
Nous dégustons les plats de Gustave tranquillement. Nous ne parlons que très peu.
Aréna est à ma droite.- Dites-moi, commence-t-elle. Comment faites vous surveiller vos filles lorsque vous n'êtes pas dans votre chambre ?
Cette question m'étonne. Je la regarde, intriguée et réponds :
- C'est ma dame de compagnie qui les garde. C'est Laure.
- Elle a l'air efficace car je n'entends pas de pleurs.
Pourtant elles ne s'arrêtent pas.
Je hausse les épaules.- J'ignore si elle est très efficace mais elle ne parle que très peu...
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Secrets Royaux
Historische RomaneFrance, 1642. Le royaume fait faillite à cause d'une guerre perdue... À cette époque, les mariages arrangés sont de coutume alors c'est la solution que l'on juge la plus raisonnable pour sauver la France. C'est malheureusement la cadette de la fami...