"Pour les beaux yeux d'une inconnue"

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-18 novembre 1645-

- Majesté, la marquise de Haugland est arrivée, dois-je la faire patienter ? déclare un garde dans l'encadrement de la porte.

- Non, je vous remercie, dis-je en me tournant vers lui, je vais l'accueillir moi-même.

Il se retire et je sors à mon tour de la pièce, anxieuse. Je descends les longs escaliers et atteins finalement l'entrée principale. Je l'observe lentement avant de venir vers elle. Elle semble perdue et ignore où accrocher son regard, elle titube lorsqu'elle me voit arriver vers elle. Ses beaux cheveux bruns habituellement étincelants ont perdu de leur éclat et sont relevés en un pauvre chignon strict. Sa peau blanche demeure fade alors que d'ordinaire, ses joues ont une légère touche rosée quoique quand elle riait, elles prenaient une teinte un peu plus foncée. Ses yeux noirs semblent cacher de terribles secrets alors que Dagny est plutôt une femme simple.
Elle semble presque effrayée de se rendre à nouveau au château alors qu'elle y a passé de longs mois en ma compagnie. Mais en si peu de jours, j'ai le sentiment qu'elle me regarde et me parle comme si je lui étais parfaitement étrangère.
Elle me fait une longue révérence gracieuse et me sourit timidement et maladroitement.

- Bonjour Dagny, je murmure en la détaillant du regard longuement. Venez, avez-vous besoin de quelque chose ? Le chemin n'a pas été trop long ?

- Non et... non, sourit-elle gentiment. Je vous en remercie.

- Bien, il me semble que j'ai quelque mésaventure fâcheuse à vous conter, voulez-vous bien me suivre ?

- Je sais déjà tout, reprend-elle calmement.

- Tout... ? je répète sans comprendre.

- Oui, tout, affirme-t-elle fermement. Votre époux, le roi m'a fait parvenir l'histoire... Mais peut-être a-t-il omis quelques informations dont vous voudriez actuellement me faire part.

- Je ne sais pas, dis-je, gênée. Suivez-moi tout de même...

Elle acquiesce lentement et je l'emmène dans l'un de ces salons habituels où j'accueille les personnes que je reçois. Nous nous asseyons chacune dans un fauteuil dans le silence le plus total. Nous sommes si loin l'une de l'autre et pourtant nous paraissons partager un moment de confidentialité. C'est d'ailleurs ce que nous nous apprêtons à faire.

- Bien, commence-t-elle, ce que je sais sur cette fameuse nuit, c'est que mon époux... hum, défunt époux, anciennement duc des Normands, nommé Eric Montvent est venu vous trouver dans votre chambre. Concrètement, il n'avait pas de but précis mais il venait tout de même pour vous convaincre de partir avec lui. Vous avez naturellement refusé. Ainsi, il... il a menacé votre jeune fils et vous-même. Il avait un... un poignard et il vous l'a mis dans le dos. Peu après, il s'est mis en quête de vous... de vous... souiller. Mais il n'y est point parvenu car votre époux vous a sauvée à temps et l'a blessé au ventre et à l'épaule. Il a été transféré dans une cellule après avoir été jugé. Et... mon époux est mort hier pour ce qu'il a commis envers votre personne.

- Vous avez bien résumé, je murmure tristement. Était-ce aussi bien détaillé dans la lettre que mon mari vous a envoyée ?

- A peu près, soupire-t-elle. Je suis navrée pour vous, Eléonore. Croyez-moi, je ne vous en veux pas, il...

Elle ne termine pas sa phrase, la laissant en suspend. Elle triture ses doigts amèrement en serrant la mâchoire sûrement pour s'empêcher de pleurer.

- Il... ? je l'encourage à finir en me mordant la lèvre inférieure.

Je redoute fortement ce qui va suivre.

- Il n'a pas été délicat avec moi, non plus, lâche-t-elle finalement en croisant mon regard peiné. Oh, je vous en prie, n'ayez pas pitié de moi, il ne m'a pas frappée ou autre folie mais... il n'a pas été tendre avec moi lors de...

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