-10 novembre 1644-
Assise sur mon tabouret de piano, je joue tranquillement. Ma mère à côté me sourit fièrement. Il s'est écoulé beaucoup de temps, et j'ai compris que ce n'était pas elle la fautive et me suis excusée. Elle est surveillée constamment et je ne crains plus rien pour mes filles. Je continue donc à lui jouer du piano. J'aimerais que ce moment dure une éternité. Je me sens flotter en-dehors de toute réalité... La porte de sa chambre s'ouvre. Je tourne la tête et trouve Léonard. Il vient s'asseoir dans un fauteuil et baille.
- Comment allez-vous, mère, aujourd'hui ?
- Bien. Viens près de moi, le son est meilleur !
Je souris face à cette phrase totalement absurde. Mon frère étouffe un faible rire. Mais il se lève et s'approche de son lit.
- Simon m'a dit que vous aviez quelque chose à nous dire, dit-il.
- Hum, réfléchit-elle. Ah oui, demain je pars en Espagne.
- Quoi, demain ?! fais-je, abasourdie par la simplicité avec laquelle elle a prononcé cette phrase.
- Eh bien, oui. Cela dérange quelqu'un ?
- Je ne pense pas, mais vous ne pouviez pas nous prévenir plus tôt ?
- Je n'y ai pas pensé.
- Et vous revenez quand ?
- Je l'ignore... Je me rends là-bas pour une de mes soeurs. Nuria, elle est souffrante... Mais vous ne l'avez jamais connue. Eric ne voulait pas que je me rende en Espagne, soupire-t-elle en se remémorant de douloureux souvenirs. C'était bien là son seul défaut... Il voulait que j'oublie mon ancienne patrie. Enfin... C'est du passé, je suis libre.
- Vous lui souhaiterez un excellent rétablissement de notre part, dit Léonard.
- Je n'y manquerai pas.
Ma partition terminée, je relève la tête et ferme le piano.
- Bonne journée, je lance simplement en sortant de la pièce avant d'être rejointe par Léonard.
Nous marchons tranquillement dans le couloir avant qu'il ne brise le silence.
- Elle va beaucoup mieux ces derniers mois, tu ne trouves pas ?
- Si, c'est vrai. Mais il faut dire que Laure s'occupe très bien d'elle.
En effet, il me semble avoir compris que Laure, voulant couper tout pont avec Simon, a postulé pour devenir la servante attitrée de notre mère. Aréna s'est trouvée une autre servante et Simon ne vit pas bien ce qu'il lui arrive... Aréna non plus d'ailleurs. Le couple royal de France se porte mal. Je n'ai pas le point de vue de Laure, j'aimerais en savoir plus sur ce qui l'a poussée à se séparer de mon frère.
- Sais-tu d'ailleurs pourquoi Laure a préféré s'occuper de mère plutôt que de Simon ? demande-t-il.
- Non... Peut-être ne supportait-elle plus les caprices d'une Reine de France ? dis-je en plaisantant.
- Arrête..., sourit-il. Notre Reine est au bord d'une grosse dépression.
- Tout le monde est à bout en ce moment... Et l'hiver arrive.
- Couvre-toi bien, je n'ai pas envie que tu tombes malade.
- Qu'est-ce qui te fait dire cela ?
- Eléonore, regarde-toi... Tu as encore maigri !
- Mais je ne suis pas si maigre que ça, dis...
- Non, tu es toute jolie, mais fais attention, reprend-il sérieusement.
VOUS LISEZ
Secrets Royaux
Historical FictionFrance, 1642. Le royaume fait faillite à cause d'une guerre perdue... À cette époque, les mariages arrangés sont de coutume alors c'est la solution que l'on juge la plus raisonnable pour sauver la France. C'est malheureusement la cadette de la fami...