Secrets Royaux

Escapade nocturne

-28 mars 1644-

Cela fait quelques jour que je suis alitée. Je suis malade, fortement. Mes filles m'ont été enlevées. Elles sont nourries, habillées et choyées par trois jeunes servantes toutes adorables. Elles vivent quelques pièces à côté de ma chambre, alors je les entends souvent pleurer. J'aimerais tant les prendre dans mes bras et les rassurer mais je pourrais les rendre malades et elles n'y survivraient pas. Pourtant, d'après un médecin, je ne suis pas contagieuse mais bon... Mieux vaut me tenir loin d'elles. Elles ne s'en porteront que mieux.

Je reprends doucement ma lecture quand on frappe.

- Entrez.

Une personne entre. J'ai du mal à la reconnaître car la pièce est faiblement éclairée mais une fois que je m'aperçois de qu'il s'agit, mon visage se déforme par la colère.

- Eric, sortez immédiatement de cette chambre !

Il se rapproche, son éternel sourire diabolique aux lèvres.

- Allons... Cela fait longtemps que nous n'avons pas tenu de conversation ensemble, dites-donc !

- Oui et je dois dire que cela ne me réjouit guère de revoir votre tête d'ingrat.

- Malade mais en pleine forme, rit-il.

- Je vous en prie, laissez-moi. Je n'ai pas besoin de vous...

- Mais vous ne m'avez même pas laissé le temps de m'excuser l'autre jour.

- Vous comptiez vous excuser ?

- Mais oui.

- Je n'ai que faire de vos excuses. Voyez de quoi j'ai l'air, à présent, aux yeux de la population.

- D'une princesse jeune et capricieuse qui ne supporte pas d'être moins mise en valeur qu'une autre femme ?

- Oui et je ne le suis point !

- En êtes-vous certaine ?

Je souffle et ferme mes yeux.

- Vous n'avez rien à faire ici.

- Vous non plus ! Votre place est aux côtés de la mienne dans un grand manoir !

- Vous ne m'aurez jamais... Mon frère m'a laissé encore un an.

- Eh bien, j'attendrai ! Comme on dit : tout vient à point à qui sait attendre.

- Vos efforts sont vains, mon prince.

- On verra bien cela, ma princesse, sourit-il.

Je le scrute un moment avant qu'il ne s'en aille. L'attente est beaucoup trop longue... Je n'en peux plus. Vais-je mourir avant qu'il ne revienne me chercher ?

J'aperçois, à travers les rideaux de ma chambre, la pleine lune. Je ferme mes yeux pendant ce qui me paraît une éternité avant de me rendre compte que je n'arriverai pas à m'endormir si facilement. Sur un coup de tête, je sors de mon lit. Je prends une simple robe rouge que j'enfile et me tresse les cheveux. Je suis décidée, je vais en Norvège !

Personne n'en saura rien avant demain au petit matin. Je me munis d'un sac en toile que je trouve dans une vieille commode et y fourre diverses robe ainsi qu'une brosse. Je sais que mes filles sont entre de bonnes mains alors je n'ai aucun souci à me faire de ce côté-ci. J'allume une bougie. Je sors de ma chambre, la démarche tremblante et marche le plus délicatement possible. Personne ne doit être averti. Je traverse les longs couloirs. Je m'apprête à rejoindre l'escalier quand j'entends du bruit un peu plus loin. Je me glisse derrière une armure de chevalier, souffle la bougie et retiens ma respiration. Des pas se font plus pressants et se rapprochent de moi. Des petits pas légers. Que je reconnais immédiatement. Laure. La jeune et ravissante Laure que j'ai renvoyée... Je l'imagine, courant à travers le couloir, les cheveux au vent, la respiration haletante, les joues rougies par l'effort qu'elle fait et sa tête se retournant sans cesse en arrière pour vérifier que la personne qu'elle cherche à fuir n'est pas derrière elle. Mais qui cherche-t-elle à fuir en pleine nuit ?