-4 mars 1644-
Je suis restée enfermée dans ma chambre toute la fin de la journée. Je n'ai donc pas participé au bal qui a eu lieu hier soir. Je ne me suis pas remise d'hier. J'ai été tellement outrée par ses propos que je n'ai pas su me contrôler... Avait-il raison ?
Je me rhabille lentement en observant les petites princesses s'amuser ensemble. Elles sont posées sur des coussins et tripotent leurs doigts.
Je tousse bruyamment et m'assois dans un fauteuil. Alarmée par ce bruit, la jolie brune lève son regard glacé sur moi. Elle me rappelle tristement quelqu'un. Je lui souris et commence à leur raconter ma journée d'hier, même si je sais qu'elles n'y comprennent pas grand chose.
Je me pose devant mon piano et commence à jouer quelques notes. Avec le temps, j'ai fini par y prendre goût. On toque à ma porte.
- Entrez.
Aréna entre en larmes et me jette un regard des plus haineux. Je soupire, me doutant de la suite des événements.
- Pardonnez-moi, Aréna... Je... Je n'ai vraiment pas fait exprès ! Ce n'est pas ma faute, c'est celle de mon v-
- Cessez ! ordonne-t-elle.
Maintenant qu'elle est Reine de France... Je baisse les yeux sachant pertinemment que quoi que je dise, j'aurais tort.
- Personne n'ignore que la scène que vous nous avez prodigieusement jouée, hier, était prévue ! C'est sûrement encore l'un de vos caprices... Je vous le dis plus que sincèrement, Eléonore, vous êtes une misérable ! Vous ne vous rendez pas compte, je crois... Vous venez de gâcher le moment censé être le plus important de ma vie, sanglote-t-elle. Vous ne pouvez pas vous empêcher d'accaparer l'attention. C'était mon moment ! Le mien ! Je... Ca me dépasse.
Je la regarde, blessée par ses propos et me tais. Elle respire et se retourne vers moi, la tête haute.
- En tout cas, ma chère, maintenant, vous êtes sous mon autorité et je n'hésiterai pas à faire sanctionner le moindre petit défaut de votre part ! Je vous remercie pour votre écoute et prends votre silence pour une excuse..., s'exclame-t-elle en partant aussi vite qu'elle est arrivée.
Je ne viens pas de rêver, là ?! Une comtesse vient réellement me faire la loi ?! Ca ne se passera certainement pas comme cela ! Je me précipite dans les appartements de mon frère avant de le trouver torse nu dans sa chambre, en train de se rhabiller. Une femme à ses côtés effectue la même action. Je ressors immédiatement en bredouillant des petites excuses. Simon se lance à ma poursuite tout en reboutonnant sa chemise.
- Eléonore, crie-t-il à travers les couloirs étroits du château.
Je me retourne vivement et lui fais face.
- C'était quoi ça ? dis-je froidement.
- Quoi "ça" ?
- Qu'étais-tu en train de faire avant mon arrivée ?
- Oh, rit-il. Mais cela ne te concerne en rien ma soeur.
- Simon... Ce n'est pas que j'apprécie énormément ta nouvelle épouse mais... tu pourrais être un peu plus délicat ! C'est une femme, que fera-t-elle si elle l'apprend ?
- Rien, rien du tout. C'est mon droit.
- Mais ne fais pas ça maintenant ! Pas le lendemain de votre mariage.
- Bref, qu'étais-tu venue me dire ? me coupe-t-il sèchement.
- Ta femme. Elle vient de me rendre visite et m'a annoncé très clairement que c'est elle qui commande, ici ! Elle m'a fait des menaces.
- Et alors ? soupire-t-il. Elle n'en fera rien.
- Pardon ? Il est hors de question qu'elle contrôle tous mes faits et gestes !
- Bon, tu veux que je fasse quoi ?
- Dis-lui qu'elle n'a aucun pouvoir sur moi et qu'elle n'a pas intérêt à me faire quoi que ce soit.
- Ecoute, je n'ai pas la force de me lancer dans votre querelle. Ne me demande pas de prendre parti entre ma femme et ma soeur ! Et puis... Tu sais très bien que ce serait elle que je choisirais.
- Pourquoi ?
- Par devoir ! souffle-t-il, agacé, en s'apprêtant à retourner dans sa chambre.
- Non, non et non ! Je ne vais pas me faire marcher sur les pieds par une comtesse ! Enfin, c'est tout de même un peu fort !
- Eléonore ! Quand vas-tu cesser de te plaindre ?! s'écrie mon frère. Pas étonnant qu'elle soit allée te voir ce matin ! Tu as fait un scandale le jour de notre mariage et tu n'es pas allée danser. Tu ne t'es excusée devant personne, ni même moi. La première chose que tu m'as dite c'était "C'était quoi ça" ! Même pas un bonjour... Directement tu m'as fait un reproche. Et ma femme a tous les droits, désormais. Toi, cela fait longtemps que tu n'es plus concernée par le gouvernement français.
Il marque une pause avant de reprendre.
- Je suis désolé pour mon langage cru mais il faut que tu comprennes. Elle est parfaitement en droit de te demander une attitude convenable !
- Une attitude convenable ?
- Une attitude de femme de la Cour, se reprend-il. Que tu ne restes pas enfermée dans ta chambre à longueur de journées. Il faut que tu montres que tu n'es pas une femme délaissée et en manque de compagnie. Il faut que tu aies l'air noble, bon sang !
- Tu insinues que je n'ai pas l'air d'une femme noble ? dis-je en un souffle, attristée.
- Non ce n'est pas-
- Oh que si, tu l'as parfaitement formulé... C'est ce que tout le monde pense de moi, n'est-ce pas ? Que je suis une femme "délaissée" ?
- Oui, murmure-t-il.
Je recule lentement en apprenant cette nouvelle avant de me cogner à un mur. Ma gorge est nouée. Aucun mot ne veut sortir.
- Eléonore, ne te braque pas, c'est pour t'aider...
Je me rapproche doucement du sol, le regard vague. Je lance un dernier regard à mon frère.
- C'est que... je ne sais pas être douce et aimante ! Je suis toujours d'humeur maussade...
- C'est faux, ma chère soeur, et tu le sais tout autant que moi... Lorsque nous étions plus jeunes, tu riais, dansais, jouais et chantais ! Qu'il fasse nuit ou jour, beau temps ou mauvais, fatiguée ou pas, malade ou en pleine forme, tu étais vivante !
- Tu as raison... Mais j'ai oublié. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même...
- Avec de la volonté. Tu es une femme forte, je n'en ai jamais douté, alors souris ! Apprécie ce que la vie a à t'offrir. Aime.
Je lui souris gentiment et me relève.
- Merci pour tout Simon. Pour tout. Et... encore mille fois désolée pour hier mais tu sais, il y a un homme que je n'appré-
- D'accord, d'accord. C'est très mignon tout ça mais j'ai autre chose à faire, tu m'excuses ?!
Je croise son regard implorant et lui embrasse la joue.
- Vas-y.
Il court et je retourne dans ma chambre, le coeur léger. Mais il reste une ombre... Une pourriture qui n'aurait jamais dû exister. Eric.
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Secrets Royaux
Narrativa StoricaFrance, 1642. Le royaume fait faillite à cause d'une guerre perdue... À cette époque, les mariages arrangés sont de coutume alors c'est la solution que l'on juge la plus raisonnable pour sauver la France. C'est malheureusement la cadette de la fami...