-4 janvier 1644-
Je jette un regard vers la fenêtre du château. La neige tombe indéfiniment depuis trois jours. Natasha s'en va rejoindre son époux demain. Il a une propriété au Danemark. Ils comptent s'y installer. Elle ne l'a toujours pas rencontré. Je passe une main dans mes cheveux détachés.
- Eléonore ? Reprends, que se passe-t-il ?
Ma mère me lance un regard interrogateur. Je baisse les yeux et inspire bruyamment avant de reprendre le morceau que je jouais au piano. Elle est complètement rétablie mais exige toujours de moi du piano. Je continue de jouer pendant une longue heure. Un frisson me parcourt le corps et coupe soudainement la musique.
- Excusez-moi mère. Mais je ne me sens pas en état de poursuivre... Pourrions-nous faire une pause ?
- Bien sûr, je comprends que tu sois fatiguée. N'en fais pas trop pour moi. Viens par là, dit-elle tendrement en tapotant un coussin à sa droite pour que je m'y installe.
Laure ajoute du bois dans ma cheminée et me couvre d'un châle que je m'empresse de déposer sur mes épaules. Je me place doucement aux cotés de ma mère et prends un livre. Au bout de quelques instants, elle pose son début de broderie sur ses genoux et se tourne vers moi.
- Eléonore, tu sais que j'aime beaucoup ta présence au château et... voir tes petites filles grandir est un réel plaisir pour moi-
- Mais ? je murmure, sachant pertinemment qu'elle cherche à me faire une critique.
- Il..., elle inspire et reprend. Je pense sincèrement qu'il serait bon pour toi que tu te remaries...
- Quoi ?! Non, non, non, non et non ! Je suis déjà mariée !
- Mais enfin... Tu ne vois pas qu'il ne reviendra jamais ?! Ce n'est nullement pour te blesser, ma fille, mais il y a peu de chances qu'il soit encore en vie ! Et puis, tu assurerais une bonne éducation pour tes filles et... tu pourrais peut-être envisager, enfin, un héritier.
- Il n'est pas mort ! C'est Philipp Hàvard qui l'a dit !
- Mais cet homme est reparti, il y a bientôt un mois de cela ! Eléonore, prends un peu tes responsabilités, pour une fois ! Fais-le pour tes enfants...
- Mes enfants ont uniquement besoin de Leur père ! Pas d'un homme que je connais point !
- Tu es restée une enfant capricieuse.
- Très certainement, ma mère.
- Quelle fille ai-je devant moi ? murmure-t-elle. Sûrement pas la mienne... Eléonore, tu me rends folle ! Des dizaines de jeunes hommes demandent ta main et toi... Tu te prélasses dans ta chambre jour et nuit, à jouer la pauvre épouse qui pleure l'absence de son mari. Tu-tu... Tu n'es plus la même. Je ne te reconnais plus ! Il faut que tu te reprennes en main et vite !
- Ah ça, ce n'est pas à vous de me dire quoi faire ! Je suis une adulte, à présent.
- Alors agis en tant que telle, finit-elle sévèrement en quittant ma chambre.
Je m'effondre lourdement sur mon lit, mes larmes brouillant ma vision. La manière dont m'a parlé ma mère m'a donné l'impression de retourner en enfance. Suis-je redevenue une enfant ?
Les personnes qui m'entourent ont des avis tellement opposés. Je repense à ce que me disait Léon. Qu'il ne fallait surtout pas perdre espoir... Puis à ma mère qui m'a fait me remettre en question. Et tous les autres qui m'imposent leurs avis sur la vie que je mène alors que je ne le leur ai nullement demandés.
J'essuie mes larmes et dépose Astrid et Héléna sur mon lit. Je saisis quelques marionnettes et les fais bouger et parler pour faire rire mes filles.
VOUS LISEZ
Secrets Royaux
Fiksi SejarahFrance, 1642. Le royaume fait faillite à cause d'une guerre perdue... À cette époque, les mariages arrangés sont de coutume alors c'est la solution que l'on juge la plus raisonnable pour sauver la France. C'est malheureusement la cadette de la fami...