-17 novembre 1645-Nous approchons lentement de la place publique où le duc de Montvent sera exécuté. Le brouhaha des villageois me rappellent quelques bribes de souvenir. La dernière fois que je me suis rendue sur une place publique était il y a de nombreux mois et j'ignore maintenant si le peuple m'acclamerait ou s'il m'injurierait s'il me voyait sortir du carrosse. Nous nous y rendons mais notre sortie n'est pas rendue officielle car si elle l'était, il faudrait expliquer la raison de notre venue et je n'y tiens pas vraiment.
Lorsque nous arrivons enfin sur la place pavée, je m'approche de la portière et observe le gibet planté au milieu de l'endroit. D'autres carrosses stationnent près du notre mais le reste de la place est envahie par la foule sûrement intéressée par le spectacle qui adviendra dans quelques minutes. Je me demande si à chaque exécution, la place est autant occupée par les villageois.
Pour ma part, c'est la première fois que j'assiste à une pendaison. J'aperçois mes mains trembler près de mon ventre. J'essaie de les dissimuler en enfilant des gants. A mes côtés, Edward demeure silencieux et attend patiemment que les exécutions se produisent.Au bout de quelques minutes, les prisonniers sont amenés à quelques mètres de la potence, le bourreau et le greffier étant déjà présents dessus. Un confesseur accompagne pathétiquement ces condamnés.
Le greffier commence alors à lire le motif de l'arrêt de chaque homme. Lorsque vient le tour du duc, une fausse accusation est dite et finalement, c'est mieux pour sa réputation comme pour la mienne. Il lit ensuite les différents testaments des captifs. Je ne parviens pas à saisir tout ce qu'il prononce à cause des plaintes et des exclamations bruyantes de la foule mais je comprends à peu près.Un premier homme monte alors sur le gibet et le bourreau lui enfile la corde autour du cou. J'observe le spectacle se dérouler sous mes yeux, d'un air horrifié mais également étrangement fasciné.
- Es... Es-tu sûre de vouloir voir cela ? me murmure Edward en posant une main contre ma nuque.
- Oui, dis-je fermement. C'est... important pour moi.
- Je comprends mais la mort des autres prisonniers te concerne peu. Ce n'est pas nécessaire que tu les voies toutes..., souffle-t-il en me caressant tendrement la joue.
Je ne réponds pas et plante mon regard sur le gibet. La trappe s'ouvre sous les pieds de l'homme et son corps demeure suspendu au-dessus du vide. Mon cœur bat de plus en plus fort et mon sang se glace. Mais mes yeux restent rivés sur l'homme encore vivant il y a quelques secondes. On retire son corps et le place dans une charrette.
- C'est le genre d'image qu'on n'oublie pas si facilement, reprend Edward dans mon dos. Et je suis le mieux placé pour te le dire car j'en ai vu des hommes mourir sous mes yeux. Je t'en prie, viens t'asseoir près de moi.
- Je n'arrive pas à... décrocher mes yeux de cela..., dis-je, tremblante.
- Viens, soupire-t-il en me prenant par la taille.
Il me place à côté de lui, de sorte à ce que le gibet se trouve dans mon dos et que je n'y ai pas accès du regard. Il me prend dans ses bras affectueusement et me caresse le dos. Quelques instants plus tard, de nouvelles plaintes résonnent. Ainsi, je devine qu'un autre des prisonniers vient d'être exécuté... Je ferme les yeux douloureusement. Il fallait finalement mieux que nous ne nous rendions pas à ces exécutions.
- Pardonne-moi, dis-je contre son épaule. Je pensais me sentir mieux après cela mais...
- Je comprends, me coupe-t-il doucement. Je pensais également soulager ma grande peine en tuant ma belle-mère mais ça n'a pas été le cas...
Après trois autres pendaisons, je le sens se crisper contre moi.
- C'est lui ? je demande en un souffle.
VOUS LISEZ
Secrets Royaux
Historical FictionFrance, 1642. Le royaume fait faillite à cause d'une guerre perdue... À cette époque, les mariages arrangés sont de coutume alors c'est la solution que l'on juge la plus raisonnable pour sauver la France. C'est malheureusement la cadette de la fami...