"Le peuple n'attend que vous"

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-9 avril 1645-

J'aperçois la robe de Dagny voler à chacun de ses mouvements, à travers les souterrains, devant moi. Les gardes ouvrent le chemin et avancent silencieusement, portant difficilement les coffres. Je frissonne en me rapprochant d'eux.
Quelques enjambées plus tard, nous atteignons la sortie. L'un des hommes poussent la maigre porte en bois et nous sortons. L'herbe fraîche mouille les bas de ma robe mais je n'y fais pas attention et regarde autour de moi. Cela fait si longtemps que je ne suis pas sortie... Deux carrosses se tiennent devant nous, un cocher sur chaque.
Je souris, soulagée que tout se passe à la perfection comme dans mes plans. Du moins, pour le moment.

- Dépêchez-vous, s'écrie Dagny, me sortant de mes pensées en me tirant le bras. Nous n'avons aucune minute à perdre.

Elle m'ouvre la porte du premier carrosse, j'y entre et elle me suit tandis que les hommes chargent le second carrosse des trois coffres et y montent. Mon amie ordonne aux cocher de se presser et les chevaux partent à l'instant, galopant à travers les bois.

- Les gardes du comte de Myklebust ne sont-ils pas un peu à l'étroit dans l'autre carrosse ?

- Non, ne vous souciez pas d'eux, murmure-t-elle en plantant son regard vers la forêt.

Je me laisse reposer sur le siège, le souffle saccadé, et observe Dagny. Ses cheveux bruns étaient, quelques minutes auparavant, coiffés en une longue et majestueuse tresse. De cette coiffure, il ne reste qu'une mince natte d'où s'extirpent des dizaines de mèches. Son grand nez allongé est tout aussi rouge que ses joues rebondies. Et son souffle est irrégulier.
J'abaisse mon regard vers ses mains entrelacées et constate qu'elles frémissent.

- Vous tremblez, fais-je remarquer à mon amie.

- Toute cette histoire a... le don de me rendre nerveuse, se justifie-t-elle, confuse. C'est vous qui devriez appréhender la suite pourtant.

- C'est vrai, et je suis inquiète mais je ne pense pas que cela puisse vraiment mal tourner...

- Vous croyez ? murmure-t-elle, pensive.

- Je ne sais pas. C'est si incertain. Il se peut que ce soit la fin de tout, mon règne, mon amour, ma vie... Mais cela peut également se présenter différemment. Si nous convainquons le peuple, nous pourrions en sortir plus que vainqueurs. Aussi égoïste que cela puisse paraître, j'espère peut-être que j'aurais enfin une place concrète au sein du gouvernement comme membre du Conseil...

Elle se met à sourire doucement puis abaisse ses yeux et fixe le sol tristement.

- Vous riez, dis-je, amusée, mais ce n'est pas impossible, admettez-le.

- Nous en avons déjà parlé, il me semble..., rappelle-t-elle tristement. Quoi que vous puissiez faire, n'importe quel exploit, succès, aussi glorieux soit-il ne vous positionnera jamais au-dessus ou à l'égal d'un homme. Nous sommes ainsi faites, un jour cela changera, j'en suis certaine. Mais ce n'est pas aujourd'hui.

- Vous rendez-vous réellement compte des mots que vous prononcez ? je murmure, estomaquée.

- Malheureusement, je pense bien que oui, souffle-t-elle en fuyant mon regard. 

Un silence s'installe dans le carrosse et me laisse dubitative. Mes nausées reprennent et je déglutis difficilement en fermant les yeux. 

- Mais ne parlons plus de cela, s'excuse Dagny, légèrement gênée. 

- Parlons alors de vous, dis-je péniblement. Qu'en est-il advenu de ce... duc de Normandie ? Est-ce bien cela ?

- Oui, il a dû retourner en France... Sa dernière lettre était vague mais il me semble que l'un de ses proches vient de perdre la vie au cours de quelque révolte.

Secrets RoyauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant