"J'ai fait mon deuil"

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-28 mars 1645-

Je marche nerveusement dans les couloirs du château et porte une main à ma bouche, pensive. Je scrute une fenêtre, terriblement indécise.

- Eh bien, sourit un garde dans mon dos, sa majesté paraît inquiète, pour une fois !

Je me retourne, furieuse qu'un garde ose me parler d'une telle manière.

- Comment..., je me fige en reconnaissant la chevelure blonde de la personne qui se tient en face de moi. Jon ?!

- Tout à fait, se réjouit-il.

- Mais que... que faites-vous là ? dis-je, abasourdie. Enfin, je dois avouer que depuis le début de la guerre, je ne vous ai point vu nulle-part.

- Il est vrai que la guerre a entraîné de grosses complications dans ma famille... Je... Mon père a perdu la vie durant ces batailles acharnées, débite-t-il.

- Oh, je suis vraiment navrée, je ne pensais pas... Pardonnez-moi.

- J'ai fait mon deuil, répond-il gentiment. Il n'y avait plus personne pour gérer notre bien modeste demeure. Ma mère et ma sœur s'occupaient des lessives, de l'entretien de la maison et de la cuisine, mes petits frères aidaient mon père dans les champs et à la ferme mais en ce qui concerne le côté administratif, il était seul à la tâche. Grâce à votre époux, j'ai pu retourner auprès d'eux et tout reprendre en main. Ce ne fut pas facile, mais maintenant nous sommes en situation plutôt stable et je peux reprendre mes services au château.

- Votre histoire est des plus malheureuses, je déclare tristement. Si je peux faire quoi que ce soit pour vous, surtout n'hésitez pas.

- Je verrai peut-être plus tard, sourit-il malicieusement. Enfin, quand est-il de vous ? J'ai appris que vous aviez eu des enfants...

- C'est exact, des jumelles. Je les ai eues lors de l'invasion des... des Suédois au palais. C'était un véritable cauchemar... Mais je suis bien vivante, conclus-je avec un mince sourire.

- Ces deux dernières années n'ont pas été les plus simples pour vous non plus, n'est-ce pas ?

- Non, mais je pense que c'est pareil pour tout le monde.

- Sûrement, murmure-t-il en passant une main dans ses cheveux.

Nous nous taisons un instant. Je le sens me dévisager alors je me retourne vers la fenêtre, tentant d'échapper à son regard brûlant. Il ne neige plus depuis longtemps mais le froid reste le même et les révoltes ne s'arrangent pas. Je soupire brusquement, sans me rendre compte que Jon m'a certainement entendue.

- Vous êtes anxieuse, ma reine ? laisse-t-il échapper de ses lèvres.

Je me tourne vers lui difficilement, le regard baissé.

- Les temps sont durs, dis-je en croisant ses yeux.

- Vous n'avez pas à vous soucier de cela, ce n'est pas votre rôle dans l'histoire.

- Ah oui ? Et quel est mon "rôle" précisément, mis à part enfanter évidemment ? A quoi suis-je censée servir ?

- Vous vous posez les mauvaises questions, marmonne-t-il. Pensez à autre chose, amusez-vous. Par exemple, le 23, il me semble que c'était votre anniversaire.

- Ça l'était. Vous vous en souvenez bien...

- Et comment ! Les anniversaires de sa majesté sont incontestablement les plus grandioses...

Je souris brièvement et place discrètement une main sur mon ventre que je caresse inlassablement.

- Effectivement, c'était fantastique, je murmure, me rappelant la fête qui avait eu lieu le soir-même de mon anniversaire, il y a quelques jours.

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