Sauver David (partie 1)

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La matinée passa lentement. Je restais dans la salle à travailler sur le dossier de David quand quelqu'un frappa à la porte. Je n'avais même pas vu qu'une personne se tenait là et quand je vis de qui il s'agissait je n'eus qu'une envie : fuir. "Regard d'ébène" me fixait. Je ne savais pas quoi dire. Je m'étais tellement ridiculisée ce matin que je restai muette. Il entra dans la salle d'un pas nonchalant tout en continuant de me regarder. Il prit une chaise et s'assit juste en face de moi, le dossier devant lui et le menton appuyé sur ce dernier. Mais que voulait-il à la fin ? Ne pouvait-il pas juste me laisser tranquille ? Cependant, dans cette position, je pouvais le regarder de plus près. Ses cheveux ondulés lui descendaient légèrement dans la nuque. Il arborait la coiffure de quelqu'un qui se lève le matin, et qui passe juste deux coups de peigne pour se donner une apparence correcte. Ses traits étaient fins, mais son visage ne trahissait aucun sentiment. Il semblait ne pas vouloir que l'on s'imisce dans son intimité, comme s'il avait érigé une muraille entière autour de lui. Ce qui était le plus saisissant, c'était son regard. Il était aussi noir que l'obsidienne, mais je pus apercevoir de minuscules ombres argentées qui habillaient ses iris. Finalement, ses yeux reflétaient parfaitement son caractère : un mélange de noirceur couplé à des notes doucereuses.  

Il commença à parler qu'au bout de quelques longues minutes de silence :

« - Vous n'êtes pas partie ? »

C'était une blague. Ils croyaient m'avoir autant intimidée que cela ? Je compris qu'ils avaient tous cru que je partirai en courant et que je ne reviendrai jamais... C'était qu'ils me connaissaient mal. Mais ils allaient apprendre à leurs dépens que je prenais l'arrogance et le mépris comme une sorte de défi.

« Pourquoi serais-je partie ? Parce que des étudiants m'ont dit de le faire ? Pitié... »

Il s'esclaffa. Décidément avec ce garçon j'avais l'impression de jouer un sketch en direct. Mais il se reprit vite et recommença à me fixer avec un regard intrigué : «

- Franchement vous n'êtes pas à la hauteur. Acceptez-le et laissez-nous avec le professeur Harold Smouth. Cela fait des années qu'il dirige cet atelier, pourquoi changerait-il maintenant ?

- Peut-être parce qu'il est fatigué d'avoir à faire avec des petits prétentieux arrogants comme vous ? »

C'était sorti tout seul. J'aurais voulu retirer mes paroles mais mon sale caractère me disait le contraire. C'est ce moment qu'il choisit pour se lever, poser ses mains sur mon bureau et se pencher vers moi avec un regard suffisant :

« Si je peux vous donner juste un conseil, au lieu de nous demander nos prénoms la prochaine fois, allez avant votre cours de lundi demander à l'administration de l'université le trombinoscope de notre classe, ce sera plus facile... ».

Il était trop près, son visage n'était qu'à quelques centimètres du mien et je sentais mon cœur s'emballer. Je me relevai immédiatement de ma chaise pour mettre de la distance entre nous. Je ne supportais pas sa présence et pourtant il dégageait de lui une puissance qui le rendait terriblement attirant. Soudain je me rendis compte qu'il avait mentionné le cours de lundi... Cela voulait dire qu'ils m'avaient accepté ? Qu'ils allaient tous revenir ? Je voulus lui poser la question mais je n'eus pas le temps de sortir le moindre mot qu'il commençait déjà à se diriger vers la sortie.

Avant de s'engager dans le couloir il se retourna et me lança : « Ne croyez-pas que l'on vous laissera tranquille. Il va falloir que vous fassiez vos preuves, Mlle David, et je vous jure que nous sommes de nature très exigeante dans cette université. J'ai réussi à convaincre Gordon et Diana de vous laisser une chance mais ce n'est pas par gentillesse ni par pitié, c'est simplement que j'ai besoin de m'amuser un peu. Vous voir vous débattre est un pur délice Miss David ». Je n'eus pas le temps de dire quoi que ce soit que déjà il s'éloignait à grandes enjambées. Mon dieu, dans quoi m'étais-je fourrée...

C'était noté, à la première heure lundi matin j'irai chercher ce fichu trombinoscope. Je supposais que les deux prénoms que m'avait donné ce beau brun ténébreux appartenaient au géant impoli et à la blonde glaciale qui m'avaient rembarrée...

Je sortis de la salle avec la ferme intention de retourner au service juridique. Je croyais avoir trouvé la solution pour protéger au maximum David. Mais pour cela, il fallait que j'aie rendez-vous avec un juge assez influent pour qu'il puisse accepter de prendre en compte la vulnérabilité de cet adolescent, et son droit à une nouvelle identité. Il y avait urgence car je savais que David serait libéré dans exactement cinq heures. Les Sharks ne mettraient pas longtemps à retrouver sa trace et à exercer leur activité favorite : l'assassinat.

Je m'apprêtais à rejoindre ma voiture et à rentrer chez moi mais mes plans furent vite déjoués. Mes pneus avaient été crevés et quelle ne fut pas ma surprise quand je découvris que tout le côté gauche de la caisse avait été gravé. Il était écrit : « P.S WITH LOVE »... C'était une plaisanterie... Le parking était rempli de voitures de luxe et il fallait que ce soit la mienne, qui avait plus de 100 000 kilomètres au compteur, qui soit vandalisée. Je n'étais pas idiote, j'étais persuadée que ce n'était pas un hasard et que cela était forcément lié à mon cours de ce matin, mais je ne les pensais pas assez stupides pour me vandaliser.

Le principal problème était que je n'avais aucun autre moyen de locomotion et que l'endroit où était situé le service juridique n'était pas beaucoup desservi par les transports en commun. Il fallait donc que je prenne un taxi, ce qui allait me coûter cher...

Soudain je me retournai brusquement en entendant que l'on chuchotait presque mon nom derrière moi. Je m'attendais à tomber nez à nez avec l'insolent au regard noir mais quand je me retournai, je vis une silhouette frêle et voûtée qui me fixait. Jacob...

Il avait l'air gêné, je le sentais, mais au moins il me regardait droit dans les yeux. D'ailleurs il semblerait qu'il ait même prononcé mon nom.

« Jacob ? Que puis-je faire pour toi ? ». Mince... Je lui avais parlé peut-être un peu trop familièrement... J'avais tellement l'habitude de traiter avec des adolescents que j'avais oublié que je ne m'adressais pas dans cette université au même public. Je voulus me reprendre mais Jacob me coupa dans mon élan :

« Je... Je... Suis... Suis... Désolée... pour... votre... votre voiture ».

Sa voix était faible, hésitante et je sentais que cela lui demandait un effort énorme de me parler, mais j'appréciai le geste et j'en fus même émue.

« Merci. Mais maintenant il va falloir que je paye un taxi pour rentrer chez moi et on sait tous qu'à cette heure, en pleine heure du déjeuner, les tarifs sont loin d'être avantageux ».

Jacob ne me répondit pas mais se tordaient les mains et semblait angoissé. J'attendis patiemment pour savoir s'il allait me dire à nouveau quelque chose. Je pressentais que c'était rare pour lui de s'adresser aux gens et je mettais cela sur le compte de la peur des moqueries, de son jeune âge ou même d'une plus sombre raison dont je ne connaissais pas l'origine. Il me regarda de nouveau et inspira profondément avant de s'adresser à moi de nouveau :

« J'ai... j'ai... J'ai une voiture... Si.... vous... vous voulez... Je peux.... vous... vous... ramener ». Même si l'idée m'enchantait, je ne savais pas s'il fallait que j'accepte. De plus, mon appartement et le service juridique devaient sans doute être loin par rapport à l'endroit où il habitait. Je ne voulais pas en profiter pour uniquement ne pas avoir à débourser un centime. Néanmoins, je voyais dans cette offre l'opportunité de faire plus ample connaissance avec ce garçon énigmatique, et me faire un allié au sein de la classe que je devais diriger.

« C'est d'accord Jacob. C'est très gentil à toi. Mais j'ai peur que cela te fasse faire un grand détour, je ne voudrais pas te retarder... Je pourrais te payer le déjeuner si tu veux ? » Hé mince... Je l'avais encore pris pour un de mes adolescents... Les mauvaises habitudes ont la vie dure...

Il ne dit rien mais il me fit un sourire timide. Il s'approcha de moi et me prit soudain mon sac des mains. Il me dépassa pour se diriger vers une magnifique berline allemande bleu nuit. Waouh ! Je n'étais jamais montée dans un bolide pareil et je ne voyais certainement pas Jacob conduire une telle voiture.

May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant