Cauchemar et réalité (partie 4)

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Quand je me réveillai, des larmes chaudes roulaient sur mes joues. Mon cœur se serra et je pus à peine reprendre ma respiration. Je hoquetai de douleur et tentai de me relever, mais mes forces m'abandonnèrent et je retombai mollement sur le matelas.

Je regardai le réveil qui était situé sur la table de nuit à côté du lit de Princeton : il n'était que trois heures du matin, et, une chose était certaine, je n'allais pas pouvoir me rendormir. J'utilisai encore le peu d'énergie que j'avais pour enfin réussir à me redresser et allumer la petite lampe de chevet.

Autour de moi s'étalaient des étagères remplis de livres. Princeton avait l'air d'être un passionné de lecture. Une grande baie vitrée donnait sur une terrasse où trônait une table en fer forgé et deux magnifiques chaises.

Le bureau du jeune homme, qui était situé dans un coin de la chambre, était caché sous une montagne de divers dossiers, cahiers, et livres encore ouverts. Je décidai de jouer les curieuses et d'aller voir sur quoi exactement portaient ses recherches si intenses. Je fus surprise quand je vis le logo de la police de New-York sur plusieurs dossiers ainsi que des compte-rendus médicaux. Par ailleurs, tous les livres qui étaient ouverts parlaient tous de la même chose : de médecine. Il était étrange pour un étudiant en droit de posséder de tels ouvrages. Surtout, les dossiers d'enquête étaient tous reliés à une seule et même personne : une femme, Susan Sutherland. Il était impossible de se tromper sur les liens de sang que partageait cet être humain et Princeton. Elle avait de long cheveux noirs couleur jais et un regard aussi profond que celui de son fils. Elle était d'une grande beauté et, même sur la photo prise par la police, on pouvait deviner que Susan Sutherland était une femme raffinée.

Je savais que c'était mal mais il était impossible de calmer mon envie de savoir le fin mot de l'histoire. J'entrouvris un des dossiers pour lire les chefs d'inculpation : maltraitance, tentative d'assassinat et séquestration. Mon dieu ! Mais qui était cette femme ? Qu'avait pu subir Princeton ?

Je n'eus pas le temps de fouiller davantage que j'entendis la porte d'entrée de l'appartement claquer. Mon sang se glaça et j'adoptai immédiatement une posture défensive. Je m'approchai de la porte entrouverte pour écouter ce qu'il se passait.

« Jacob ! Putain, tu fais chier mec, tu m'as réveillé ! »

« Désolé... ».

« Comment il va ? ». La voix de Princeton n'était qu'un murmure et il était difficile d'entendre toute la conversation.

« Mal. Ils n'ont pas voulu... le remonter dans... la liste... ». Je remarquai que lorsque Jacob était en présence de Princeton, il bégayait moins, il semblait plus sûr de lui et en confiance. J'entendis la voix du beau brun ténébreux jurer et Jacob le consoler en lui disant qu'il avait fait son maximum. Au bout de quelques minutes ce n'était plus des injures que je perçus mais des sanglots. Princeton pleurait...

Malgré mon sens moral qui me suppliait d'arrêter, j'étais retournée à mes investigations. Là, j'étais tombé sur un dossier médical au nom de Bryan Sutherland. Il n'y avait aucun doute, ce jeune homme était la copie conforme de Princeton en plus âgé. En effet, selon le dossier, il avait vingt-sept ans. Il souffrait d'une grave insuffisance rénale et il lui fallait une greffe de foie. Apparemment il était hospitalisé au « New York Presbytarian Hospital » à Manhattan. Maintenant, je comprenais de quoi parlait Jacob quelques minutes plus tôt : la liste. Bryan devait être sur la liste des demandeurs d'organes, mais hélas, ces listes étaient remplies, et il n'y avait pas une seconde vie qui attendait tout le monde...

« Qu'est-ce que tu fais ? ». Je me figeai. J'étais tellement happée par ce que je venais de découvrir que je n'avais pas entendu Princeton entrer dans la chambre. Je me retournai lentement et croisai son regard aussi sombre que les ténèbres. Il était furieux. Instinctivement, quand il s'approcha de moi, je me protégeai en levant mes deux bras, m'attendant à prendre un coup. Il s'arrêta net et me regarda avec un air interloqué.

« Tu as cru que j'allais te frapper ? ». Sa voix était toujours remplie de rancune mais je pus sentir dans son ton une certaine douceur. J'osai lever la tête et me préparai à affronter sa colère.

Au lieu de me parler, il préféra me contourner et entrepris de ranger les documents éparpillés un peu partout sur son bureau. Ses gestes étaient violents, maladroits, nerveux. J'entrepris de sortir de la pièce quand il m'interrompit dans mon élan :

« Que sais-tu exactement ? ». Que tu as souffert. Comme je ne pouvais décemment pas lui dire une chose pareille, je choisis de jouer la carte de la franchise factuelle :

« Ta mère a été arrêtée par la police de New-York pour maltraitance, tentative d'assassinat et séquestration. Ton grand frère, Bryan, est en danger de mort, il est sous dialyse et il lui faut un foie de toute urgence. Je t'ai aussi entendu pleurer après que Jacob t'ait annoncé qu'il n'avait rien pu faire afin de remonter le nom de ton frère dans la liste et... »

« Dégage. ».

Le ton de sa voix était froid, il reprenait ses distances et m'échappait complètement.

« Princeton... »

« Tu n'as pas entendu Elena David ? Je t'ai dit de foutre le camp de mon appartement ! ». Cette fois il avait hurlé. Sa fureur était telle que ses yeux semblaient lancer des éclairs. Une chose était certaine : sa foudre m'avait, à cet instant, frappé en plein cœur.

Il n'eut pas à me le dire une troisième fois. Je pris mes chaussures que j'avais laissé au pied du lit. Je les enfilai à la hâte, m'habillai le plus rapidement possible et sortis presqu'en courant de cette chambre. Je croisai Jacob dans le couloir, qui paraissait un peu surpris de me voir m'enfuir de la sorte. Cependant aucun mot ne franchit ses lèvres. Je lui souris malgré le chagrin qui me transperçait les entrailles et je quittai rapidement cet appartement.

Une fois en dehors de cet immeuble, je me retrouvai seule... Je n'avais nulle part où aller, et ce n'est pas le peu d'argent que j'avais dans mon sac, qui allait m'aider à trouver une chambre d'hôtel digne de ce nom. Soudain, j'eus une idée. Il me faudrait au moins une heure de marche, mais une seule personne était capable de me recueillir dans les pires moments : Vera Hampton.

May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant