May It Be

Que la partie commence ! (partie 1)

SACHA

Ne pas pleurer. Ne pas soupirer. Être la plus silencieuse possible. Sacha se répétait en boucle ces trois phrases afin de ne pas se faire repérer. Elle savait qu'il fallait qu'elle garde son calme. Tout ce qu'elle espérait c'est qu'Elena ne lui en voudrait pas d'avoir pris le fameux ourson rose, avant de se cacher sous le lit. Il dépassait encore de son sac quand elle avait couru vers la chambre. 

Quand ils avaient commencé à se battre, Sacha avait mis les deux mains devant sa bouche pour ne pas crier. La peur lui nouait l'estomac et elle était incapable de faire le moindre mouvement. L'angoisse s'était décuplée quand elle avait entendu un bruit sourd puis le silence.

Elle serrait fort le petit ourson contre elle. Princeton lui avait toujours offert des peluches quand elle était petite. Il la rassurait en lui disant qu'elle serait toujours hors du danger, que ses oursons, et ses divers animaux en polyester, la protégeraient. À présent qu'elle était plus grande, elle se rendait compte que cela n'avait aucun sens. Pourtant, à cet instant précis, elle avait à nouveau besoin de retomber dans cette innocence des premiers âges. Avoir ce jouet tout près de son cœur l'aidait à ne pas flancher et hurler de terreur.

Alors qu'elle rouvrit ses yeux, elle vit deux boots militaires noires rentrer dans la chambre. Elle remit une main sur sa bouche pour éviter qu'il n'entende son souffle. Où était Elena ? Que lui avait-il fait ?

- Sacha ?

Comment ce monstre connaissait-il son prénom ? Elle ne l'avait jamais vu de toute sa courte vie, du moins pas dans ses souvenirs les plus anciens. Des larmes commencèrent à couler sur les joues de la petite fille. Elle tremblait de peur... La seule idée de mourir la glaçait d'effroi. Sacha savait que s'il la trouvait, il n'hésiterait pas à lui faire du mal.

- Allez mon petit chou, ne te fais attendre... Il y a des gens très importants qui m'ont demandé de t'emmener dans un lieu sûr.

Les chaussures se déplaçaient dans la chambre à pas lents et mesurés. Sacha refusait de bouger. Soudain il s'arrêta de marcher. Plus aucun son n'était perceptible. Sans qu'elle n'ait le temps de s'enfuir, l'homme se pencha brusquement pour regarder sous le lit. La petite fille hurla à plein poumon quand elle vit son visage. Il était couvert de sang et, comme il lui souriait, elle observa ses dents qui lui faisaient penser à celle d'un dragon, une créature mystique. Elle tenta de s'échapper mais il lui prit fermement la cheville gauche afin de la ramener à lui. Sacha se débattit comme une tigresse, mais cela sembla plus amuser l'être cruel qu'elle avait en face d'elle, que le faire reculer.

Elle serrait toujours le petit ours rose contre elle...

PRINCETON

Princeton accourra dans la rue que lui avait indiqué Elena. Si quelqu'un prenait son pouls à cet instant précis, il était sûr de casser l'appareil de mesure. La dernière fois qu'il avait éprouvé une telle peur, c'était lorsque son frère avait perdu connaissance brusquement il y a sept ans. La rue était sombre, comme si la lumière était terrifiée d'investir les lieux. C'était sinistre et on sentait une odeur rance d'alcool vieillie. En se mettant un bras devant le visage, il avança lentement jusqu'à distinguer un corps à même le sol, entouré d'une gigantesque mare de sang. Tiffany !

Il se précipita vers son amie qui agonisait. Elle avait encore le téléphone dans sa main droite et était allongée sur le flanc. Princeton n'osait pas la déplacer de peur de lui faire plus de mal que de bien. Elle respirait difficilement et son regard avait perdu tout son éclat, sans parler de son visage qui était d'une pâleur mortelle. Il s'agenouilla près d'elle pour évaluer les dégâts. Une large marque pourpre lui barrait le ventre, où son autre main était posée, afin de ralentir sûrement les saignements. Princeton prit rapidement son téléphone pour composer le numéro d'urgence. Soudain, les yeux de Tiffany se tournèrent lentement vers lui, alors qu'il portait son portable à l'oreille. Elle lui sourit. Comment pouvait-elle avoir une telle expression sur son doux visage alors qu'elle était au bord de la mort ?

- Tiffany... Reste éveillée, il ne faut pas que tu fermes les yeux. Parle-moi ! Non ne parle pas ! Je t'en prie, ne t'en vas pas ! Écoute ma voix !

- Price....

Sa voix était tellement faible que le jeune homme se rapprocha pour entendre ce que son amie avait à lui dire.

Soudain, il entendit le standard des urgences dans le combiné. D'une voix paniquée, il indiqua sa position et l'étendue des blessures de Tiffany, puis il raccrocha. Il refusait d'entendre une voix inconnue lui dire de se calmer ou de ne pas s'affoler... Il l'avait entendu trop de fois dans sa vie pour la supporter à cet instant précis, devant son amie qui tentait de respirer...

- Price... Approche...

À présent, Tiffany murmurait plus qu'elle ne parlait. Princeton était prêt à l'écouter mais sûrement pas à entendre ce qu'elle avait à lui dire.

- S'il te plaît... Laisse tomber... Je suis foutue... Bryan... Jacob...

- Je sais, je sais Tiffany ! Mais ne dis pas n'importe quoi ! Il faut juste que tu gardes les yeux ouverts et tout va bien se passer !

- Arrête tes conneries... Va sauver ceux qui sont encore capable de survivre... Tu as fait...

Elle se tint brusquement le bas du ventre et son visage devint encore plus pâle. Visiblement, parler la faisait encore plus souffrir. Dans un dernier effort, elle prit de sa main ensanglantée celle de Princeton et lui adressa, ce qui semblait être, ses dernières paroles.

- Dégage Price...

À cet instant, le jeune homme hurla de désespoir. S'il était arrivé plus tôt, si elle était restée avec eux, s'il ne l'avait pas appelée pour qu'elle leur vienne en aide... Tout cela ne se serait pas passé. Tiffany était la douceur incarnée, elle ne pouvait pas finir ses jours dans un rue miteuse, où les odeurs étaient tout juste supportables et où les rats grouillaient parmi les poubelles. La vie était vraiment injuste. Celui qui avait fait cela allait payer, il se le promis à lui-même et serra la main de son amie. Il sentit peu à peu que son étreinte devenait à sens unique. Les beaux yeux noirs de Tiffany devinrent vitreux et sa tête reposa sur le sol, inerte. La vie l'avait quitté... Princeton lâcha des larmes de regret et de tristesse. C'est à cet instant qu'il entendit les sirènes des urgences se rapprocher. À partir de cet instant, tout devint plus rapide, une équipe médicale et des policiers débarquèrent dans la ruelle et avant même qu'ils ne l'interrogent sur les circonstances de l'accident, le jeune homme courût pour rejoindre l'appartement. Il allait devoir jouer un rôle important. Il devrait protéger les personnes qu'ils aimaient le plus au monde afin qu'elles ne finissent pas comme Tiffany. Elena, Sacha... Ces deux prénoms résonnèrent dans sa tête et le poussèrent à accélérer la cadence de sa course.

Quand il sortit de la ruelle et qu'il s'engagea sur le grand boulevard, il fut interpellé par un van noir garé sur une place non autorisée. Quand il le dépassa, un homme armé d'un taser le pris par surprise et il s'effondra sur le sol, assommé par la décharge électrique.