La lutte (partie 2)

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De fortes lueurs blanches irritaient mes pupilles lorsque j'essayais d'entrouvrir les yeux. Je sentais que j'étais ballotée dans tous les sens. Un homme criait : « Urgence absolue, préparez le bloc D, la mère est enceinte de huit mois et demi, perforation dans l'abdomen et hémorragie interne... Préparez pour la transfusion ». Tout allait si vite... Je ne ressentais plus aucune douleur si ce n'était celle de mon coeur meurtri. Mon bébé... Pitié sauvez mon bébé...

Une voix de femme cette fois s'éleva, elle ne m'était pas inconnue mais je n'avais pas la force suffisante pour me concentrer : « Je vous en supplie, sauvez-là, si vous devez choisir, sauvez-là elle... ». Non ! Je ne méritais pas de vivre, je ne voulais pas passer mon existence à pleurer sur la tombe de mon bébé... Aucun son ne sortait de ma bouche, je ne pouvais plus prononcer un mot. Une forme de résignation m'imprégna. La mort m'attendait et je voulais qu'elle m'accueille dans ses bras.

*******

Le bruit du vibreur de mon téléphone me réveilla en sursaut. Je m'étais assoupie sur le canapé de Vera mais je ne me souvenais pas avoir pris une couverture. Cette femme était un ange.

Quand je vis l'heure s'afficher sur l'écran d'accueil : 11h30, je sursautai. La journée d'hier avait véritablement dû m'éreinter parce que jamais dans ma vie je n'avais fait de grasse matinée. Le correspondant qui essayait de me joindre était Harold Smouth... Je n'étais vraiment pas d'humeur mais il fallait que je réponde. Dans toute situation, aussi horrible soit-elle, il fallait prendre ses responsabilités.

« Allo ? »

« Ellie ? Je vous dérange ? ». J'étais étonnée que la voix du professeur soit aussi douce. Il aurait dû m'en vouloir à mort pour ce qui s'était passé hier. Après tout, j'avais mis la vie de ses élèves en danger.

« Heu. Non. Avant que vous ne disiez quoi que se soit pour hier, je peux vous assurer que je suis vraiment désolée. Je vous promets de donner ma lettre de démission à l'Université à la première heure demain matin ! ».

« Je ne comprends pas Ellie. Vous n'avez pas aimé travailler avec mes étudiants hier ? ». Il se fichait de moi, ce n'était pas possible autrement. Ils avaient failli se faire tuer par ma faute ! Il repartit sur sa lancée :

« Avant de vous contacter j'ai appelé Princeton et Jacob pour leur demander leurs impressions sur cette première activité... ». Aïe. Je sentais que l'un des deux garçons n'avait pas dû être tendre à mon sujet.

« Ils ont adoré ! ». Quoi ? J'étais en train de rêver ?

« J'étais sûr que vous pourriez les passionner ! Princeton a même fait appel à l'un de ses contacts pour que le petit David Keywast puisse obtenir une nouvelle identité ! Vous les avez poussés à l'altruisme, pour moi c'est un exploit non négligeable ! ». Le ton de sa voix était euphorique, il était fier de moi. J'étais horriblement mal mais je ressentis un pincement au coeur quand j'appris que Princeton avait plaidé ma cause. Peut-être ne m'en voulait-il pas tant que ça ? Néanmoins, ce n'était pas raisonnable que je continue ces cours. Je les mettais tous en danger et je ne pourrais jamais me le pardonner s'il arrivait quelque chose à l'un d'entre eux. C'est pourquoi je décidai de parler franchement au professeur Smouth. Je pris une grande inspiration :

« Écoutez professeur... Je sais que cet atelier compte beaucoup pour vous mais je ne vais plus pouvoir assurer les cours. Je... » Devais-je lui dire la vraie raison ? Il ne fallait peut-être pas qu'il en sache trop. J'allais être complètement décrédibilisée si les gens savaient qu'un criminel était à ma poursuite, et je ne pourrais plus aider personne. Je choisis donc de mentir :

« J'ai beaucoup trop de travail au service juridique. Vera et moi ne sommes que deux pour gérer des centaines de dossiers. Ces adolescents ont besoin de moi. Je suis désolée, je pensais pouvoir assumer les deux postes mais le service juridique est beaucoup plus important pour moi. J'espère que vous comprendrez ma décision. ». J'entendis le professeur soupirer. J'allais prendre congé quand il reprit la parole :

« Je vous propose quelque chose. Mes élèves sont brillants, ils ont une connaissance du droit théorique exemplaire. Je pense qu'ils pourraient vous être d'une grande aide dans la gestion de vos dossiers. Laissons tomber les cours magistraux, mais je vous en prie, je vous propose de ne gérer que les activités pratiques. ». Soudain, j'eus une idée. Pour éviter à tout le monde de découvrir la réelle raison pour laquelle je refusais :

« Très bien mais je veux que ce soit sur la base du volontariat. Les dossiers me tiennent à coeur et j'aimerais vraiment que ces élèves défendent avec autant de passion que moi mes adolescents. ». Le professeur réfléchit quelques minutes. Je savais qu'avec cette protection du volontariat, aucun élève ne viendrait et ainsi je protégerais ces jeunes gens et mes secrets.

« C'est d'accord. Je leur en parlerai lundi. Venez à huit heures tapantes, on se rejoint dans la salle où vous étiez vendredi. Je vous souhaite un très bonne après-midi Ellie »

« Merci, professeur ». Je raccrochai, soulagée de la disparition d'un énorme poids sur mes épaules.

Vera entra dans la pièce armée d'un plateau rempli de viennoiseries. Je devais avoir faim car quand mes yeux virent cette abondance de nourriture, mon ventre émis un bruit qui signifiait qu'il fallait que j'engloutisse au moins la moitié de ces trésors gastronomiques.

« Merci. Je ne sais pas comment vous remercier. Mais il va falloir que je parte, si je reste ici je vous mets en danger ».

La vieille dame ne dit rien et posa le plateau sur la table basse en face de moi et me regarda avec des yeux qui en disaient long : elle était inquiète.

« Écoute-moi bien jeune fille, je ne le dirais qu'une fois : TU RESTES ICI. ». Son ton était sans appel, et même si je connaissais son côté acariâtre, je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit aussi brusque. Elle me fixait avec un air de défi, comme si elle voulait m'empêcher de protester. Cette dame avait un sacré caractère !

« Mais il va me retrouver Vera, il est très fort et je ne veux pas vous créer de problèmes ».

« C'est ma mission Ellie ». Comment ça sa mission ? Soudain je la regardai avec méfiance. Notre échange silencieux fut interrompu par plusieurs coups frappés à la porte.

Vera se leva et alla ouvrir à l'inconnu. Je me levai, déjà prête à en découdre. Cependant quand la porte s'ouvrit, je restai tétanisée, incapable de faire le moindre mouvement ni de prononcer un seul mot. J'avais devant moi un fantôme. Elle n'avait pas changé. Elle était vêtue de manière très sophistiquée, une robe crayon noir, des escarpins rouges et un sac en cuir de grande marque. Sa classe m'avait toujours impressionnée, elle était d'une beauté rare. Son regard vert émeraude était insondable et mystérieux. Ses cheveux blonds étaient remontés en un chignon strict et ses lèvres rouge vifs m'adressèrent un sourire charmeur :

« Ellie... Ça fait longtemps. »

« Maman... ».

May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant