May It Be

La lutte

Le duplex de Vera était situé à environ trente minutes de marche selon le GPS de mon téléphone. Il faisait froid, la nuit était sombre, mais je ne voulais pas rester immobile à attendre que l'un des Sharks vienne me descendre. Je crois que je n'avais jamais exercé un métier durant une si courte période : deux jours, il avait fallu si peu de temps pour que je les mette tous en danger.

Pendant que j'affrontais le froid hivernal, mes pensées tournaient dans mon esprit. J'étais tellement honteuse d'avoir fouillé dans les affaires de Princeton, je lui avais volé son intimité, un de ses secrets. Les vieilles habitudes ont la vie dure car en réalité, lors de missions d'infiltration, j'avais eu à m'intéresser au passé de nombreuses personnes. Il fallait que j'apprenne leur arbre généalogique par cœur, leurs faiblesses, leur dossier médical, le montant de leur compte en banque... Princeton m'avait fait confiance et je l'avais trahi.

Le logement de Vera n'était plus qu'à quelques minutes et je n'attendais qu'une chose : pouvoir me rouler en position fœtale sous une couverture, avec un délicieux chocolat chaud. Quand j'arrivai à destination, il était cinq heures du matin. Mes doigts étaient engourdis par le froid et mes joues me brûlaient. Je frappai timidement à la porte et attendis. Je pus percevoir une sorte de son à l'intérieur du duplex : la télévision était en marche. Vera aussi était sensible aux insomnies ? Je n'eus pas à rester dehors longtemps car la porte s'entrouvrît et le visage familier de Vera m'apparut. Elle avait détaché ses cheveux et je ne pensais pas qu'ils étaient aussi longs. De larges cernes soulignaient son regard et ses lèvres, normalement agrémentées d'un rouge à lèvre discret, étaient légèrement bleutées. Elle haussa les sourcils en me voyant et prit un ton inquiet :

- Ellie ? Mais qu'est-ce que tu fais ici ? Je t'ai cherché partout aujourd'hui, j'ai cru que j'allai prévenir la police, mais on sait toutes les deux que l'efficacité n'est pas leur marque de fabrique... Je me suis inquiétée pour toi ! Tu aurais pu appeler, envoyer un message, je ne sais pas, tu aurais pu faire quelque chose pour que je ne pense pas que tu étais toute seule dans un caniveau à te vider de ton sang !

- Vous avez l'esprit tordu, Vera...

- Ne joue pas à ce jeu avec moi jeune fille !

La colère de Miss Hampton se comprenait et j'en fus même touchée. Elle s'était faite du souci pour moi...

« Et puis rentre ! Tu vas nous attraper quelque chose avec le froid polaire qu'il y a dehors ». À peine je pénétrai dans l'appartement que j'osai faire une chose, que je n'avais effectué qu'une seule fois dans ma vie avec Miss Hampton. Je la serrai dans mes bras et me mis à pleurer... Je ne pouvais pas arrêter les sanglots et à ma grande surprise, Vera m'enveloppa d'une étreinte maternelle, et me laissa évacuer toute la tension que j'avais accumulée ces dernières vingt-quatre heures.

*****

Quand j'eus fini de raconter toute l'histoire à Vera dans les moindres détails, je fus soulagée. Il y avait au moins une personne qui pouvait me comprendre. La vieille femme m'avait servi un excellent chocolat chaud, surmonté de guimauve et de cacao en poudre. J'avais grandement besoin d'une boisson comme celle-ci : réconfortante, chaude et préparée avec amour. Miss Hampton ne dit pas un mot mais en réalité je n'en avais pas réellement besoin. Sa simple présence suffisait et je ne pouvais que la remercier de m'accueillir chez elle.

La dernière fois qu'elle m'avait aidé de la sorte, les choses étaient bien plus graves... Tout cela s'était passé il y a un an.

*****

Il y a un an

Je sentais les petits coups que ma petite fille me donnait depuis quelques temps. Une sorte de connexion s'était établie entre elle et moi, l'amour que je lui portais était déjà puissant. Jamais l'idée ne me serait venue que la fibre maternelle était une de mes attributions, pourtant, quand je voyais mon ventre arrondi, que je comprenais qu'un petit être allait dépendre de moi, mon cœur se serrait.