La collision des âmes (partie 4)

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IRINA

La jeune femme, après avoir verrouillé la porte, avança dans le grand salon de la suite où elle avait emménagé ces derniers mois. La décoration minimaliste donnait une ambiance froide, à l'image de son cœur. Les nuances de gris et de blanc se mélangeaient pour former de belles arabesques. Les meubles étaient, soit en verre, soit en bois d'ébène, et les tapis au sol ressemblaient à la fourrure d'un ours polaire.

Adam était coincé dans l'entrée, en train de se battre avec une simple petite fille. Cette dernière gigotait dans ses bras et semblait presqu'avoir pris le dessus.

Quand Irina apparut devant eux, les deux s'immobilisèrent brusquement, aux aguets des prochaines directives de la maîtresse des lieux.

La petite Sacha prit un air interloqué et, de sa propre initiative, se détacha des bras d'Adam pour aller observer de plus près la jolie russe. Irina lui laissa doucement prendre conscience de qui elle avait en face d'elle.

Pourtant, sans aucune sommation, la petite guerrière donna un violent coup de pied dans le tibia d'Irina en hurlant : « Où est mon frère ? Et où est Elena ? ».

Irina, perdant un peu de sa patience, posa sa main sur le haut du crâne de la petite fille, et l'obligea à stopper ses assauts inutiles. Remuant des bras, ce petit lionceau ne se laissait pas faire, mais face à la puissance d'années de combat au sein des services secrets, ce n'était que des battements d'ailes aussi fragiles que des brindilles.

Soudain, Irina perdit un peu de sa contenance quand elle vit ce que la petite tenait dans sa main. Cet ours en peluche, elle pourrait le reconnaître entre mille. C'était la mascotte des jouets du Detski Mir, le plus grand magasin pour enfants de Moscou. C'était là où son père lui avait acheté le sien, un magnifique ourson brun qu'elle gardait tout le temps avec elle.

La jeune femme en déduit soudain quelque chose : l'ouverture à l'arrière de la peluche ! Est-ce que ? Non impossible...

Irina lâcha Sacha brusquement, cette dernière tomba lourdement sur le sol en poussant un petit cri de chaton. La jeune russe lui arracha sans ménagement la peluche des mains, et entreprit d'examiner le jouet de plus près. La fermeture ! Elle était là !

Les larmes aux yeux, elle tira doucement sur la petite languette et en sorti un minuscule boîtier noir. Irina en eut le souffle coupé, pour la première fois en quinze ans, elle tenait entre ses mains la fameuse « poterya ».

BRYAN

Qui aurait pu croire que finalement, c'était grâce à sa mère si Bryan avait rencontré l'amour ? Certes, il était malade et plutôt mal en point ces derniers jours, mais Rose était sa bouée de sauvetage, un avenir qui lui ouvrait grand les bras.

Dans ses plus beaux rêves, il s'imaginait sortir de ce lit infâme, et promettre un véritable rendez-vous à celle qui faisait battre son cœur.

Il voulait emmener Rose au cinéma, faire une simple balade en ville à ses côtés, dîner dans un de ces restaurants chics... La jeune blonde lui avait dit un jour que s'il gardait confiance en l'avenir, il pourrait soulever des montagnes, combattre des tornades, et faire face au plus violent des tsunamis. Elle lui avait enseigné tant de choses sur la vie. Il avait appris qu'elle était orpheline de père et de mère, elle avait également perdu ses deux jeunes frères. Cela avait été un véritable déchirement pour elle. Son cœur ne battait que pour eux à une certaine époque, elle les aimait de toute son âme. Souvent, la jeune blonde répétait que si l'on pensait suffisamment aux gens qui avaient compté pour nous, ils continuaient à vivre à travers nos paroles et nos actes.

Bryan s'était senti immédiatement en sécurité aux côtés de Rose, il était protégé, et sentait un apaisement l'envahir à chaque fois qu'elle franchissait la porte de sa chambre. Certaines fois elle se comportait plus comme une mère que comme une petite amie, mais c'était une femme extraordinaire...

Alors qu'il n'attendait aucune visite aujourd'hui, Bryan fut surpris de voir un médecin, qu'il ne connaissait pas, entrer dans sa chambre. Il lui sourit timidement mais ne dit pas un mot. Il semblait relativement mal à l'aise et angoissé...

Bryan eut un mauvais pressentiment et tenta d'attraper la sonnette située à côté de sa perfusion. Néanmoins, le jeune médecin fut plus rapide et l'éloigna suffisamment pour qu'elle soit hors d'atteinte.

Bryan sentit son rythme cardiaque s'accélérer, des gouttes de sueur commençaient à descendre le long de sa nuque et ses mains devinrent moites.

-       Qui êtes-vous ?

-       Je suis le Dr Tracy, le professeur Grayson m'a informé qu'il fallait que l'on vous transfert au plus vite en salle d'opération.

-       Depuis quand un oncologue s'occupe des transplantations ?

-       Je...

-       Pourquoi mon médecin habituel n'est-il pas au courant que vous avez trouvé un foie compatible ?

-       Il est absent... Mais nous avons la bonne nouvelle de vous annoncer, qu'effectivement, nous avons la possibilité d'enfin vous guérir Mr Sutherland.

Les yeux du jeune homme s'illuminèrent, mais pourtant il avait une boule coincée en travers de la gorge qu'il n'arrivait pas à faire partir. C'était exactement la sensation qu'il avait ressenti toute son enfance, lorsque sa mère était dans les parages et qu'elle rentrait dans sa phase de démence.

Pourquoi Princeton n'était pas là ? C'était lui qui aurait dû être prévenu le premier, d'ailleurs il n'aurait raté cela pour rien au monde.

-       Pourrais-je avoir un moment pour que je puisse appeler mon frère ?

-       Je crains que nous n'ayons pas le temps Mr Sutherland...

-       Il doit être présent !

Bryan commençait sérieusement à perdre son calme, ses nerfs étaient à vif et il sentait qu'un piège se refermait peu à peu sur lui. La situation était hors de contrôle, et le jeune homme n'avait pas du tout confiance envers le Dr Grayson... Le père de Gordon était connu pour ne pas être un ange de bonté avec son fils, en témoignaient ses nombreux hématomes.

-       Écoutez, je ne veux pas que vous m'emmeniez en salle d'opération avant que j'ai pu parler à mon frère.

-       Ils retiennent ma femme...

-       Pardon ?

-       Je vous en supplie laissez-vous faire Mr Sutherland... Il ne vous arrivera rien, vous serez sauvé.

Bryan ne comprenait rien et fut interloqué par la voie terrorisée du jeune médecin. D'ailleurs, il n'eut pas le temps d'assimiler l'information que ce dernier lui avait fourni. Le Dr Tracy avait déjà sorti une seringue, rempli d'un liquide transparent.

-       Je vais vous injecter un sédatif assez puissant. Quand vous ouvrirez à nouveau les yeux, je peux vous promettre que votre vie sera bien meilleure.

Bryan n'avait pas assez de force pour repousser le médecin et, à peine le liquide fut injecté dans ses veines, que ses yeux se fermèrent d'eux-mêmes. Bryan sombra dans un sommeil profond et ne pensa qu'à une chose : il espérait que son frère et sa sœur étaient en sécurité, et que Rose serait là à son réveil.

May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant