Quand la vérité éclate (partie 1)

500 79 21
                                    

VERA – Il y a 15 ans

Mon dieu, si elle s'était douté une seule seconde que son mari était sur la même affaire qu'elle, elle n'aurait jamais accepté de travailler pour Nicolas David. À présent seule dans le salon, un thé entre ses mains glacées, elle repensait à tout ce qu'elle n'avait pas dit à son mari. Lui qui croyait qu'elle était une simple enseignante adorant la danse classique et les ballets, il serait bien surpris d'apprendre pour qui elle travaillait.

Vera adorait la manière dont Andreï la regardait, une femme innocente, dévouée à ses enfants et menant une vie calme et sans encombre. Quelle ironie... Il avait couché avec la femme de son patron, celle pour qui Vera avait eu de la peine pendant toutes ces années... Elle avait feint l'ignorance devant son amour mais elle tremblait de terreur à l'idée qu'il découvre que, celle qu'il avait finalement aimé durant trente ans de mariage, n'était autre qu'une imposteur.

Certes, cela avait été compliqué au début de garder ses activités. Il fallait trouver une raison à chacun de ses déplacements, être rentrée aux heures où il arrivait. Les choses s'avéraient plus difficiles maintenant qu'Irina était plus grande et en âge de comprendre quand les choses ne tournaient pas rond. Sa jeune fille lui avait souvent poser la question de ses séjours à l'étranger, de ses absences soudaines, de son accoutrement quand elle n'avait pas eu le temps de se changer en rentrant d'une mission. Irina était loin d'être idiote et un jour, peut-être, Vera lui avouerait tout.

Sa famille avait toujours été très discrète sur ses activités secrètes. Son père avait d'ailleurs jubilé quand il avait appris que sa fille allait s'unir à un agent du KGB. Pour lui, Vera pourrait suivre les affaires de près et ainsi prévenir d'éventuelles opérations qui allaient à l'encontre de l'organisation. Jamais elle ne s'était servie de tout ce que lui racontait Andreï, et elle n'aurait pas pu rester avec un homme dont elle se servait, jour après jour, pour les intérêts de criminels. Elle avait été bercée dedans depuis son plus jeune âge dans ce monde fait de corruption, de meurtres, de mensonges et de trahison. Elle aurait voulu s'échapper, mais les choses étaient loin d'être aussi simples. Le moindre geste de sa part était surveillé. Elle s'était donc construit une identité secrète en France, pour être au service de quelqu'un qui ne connaissait pas son père ou ses acolytes. C'est à partir de cet instant où la machine infernale s'était enclenchée, l'entraînant dans un tourbillon malsain dont elle ne pouvait s'en sortir indemne. Les choses s'étaient avérées encore plus horrifiques quand elle avait appris que son mari voulait faire tomber son patron. Certes, elle en avait envie, peut-être encore plus que lui, mais elle savait qu'elle tomberait elle aussi... Le seul homme qu'elle avait tendrement aimé dans sa triste vie allait la faire tuer.

Elle avait tenté d'user de milliers de stratagèmes afin de l'empêcher de continuer sa quête, sa soif de justice, mais en vain. Andreï était quelqu'un de droit qui se faisait un devoir d'anéantir tous les criminels de ce monde. Maintenant qu'il avait en mains toutes les armes pour mettre au sol Nicolas David, il allait lui rendre visite. Une terreur s'était emparée de Vera lorsqu'elle avait appris qu'il se rendait en France. Il allait se faire tuer, elle en était certaine. Nicolas David avait toujours un coup d'avance. La seule manière de préserver son amour était de prendre un billet elle aussi, mais elle ne pouvait pas laisser les enfants seuls dans une situation pareille. Irina et les jumeaux étaient ses lumières qui éclairaient l'obscurité de son cœur, et c'était ce qui l'aidait à affronter toutes les horreurs du monde dans lequel elle avait évolué.

-       Maman ?

Vera se retourna et vit sa jeune fille, qui avait grandi si vite, s'approcher d'elle en se frottant les yeux. Ses longs cheveux blonds étaient tout ébouriffés, et ses yeux bleus brillaient dans la pénombre.

Irina s'approcha et vint s'installer, elle aussi, sur le canapé. Encore à moitié endormie, elle laissa tomber sa tête sur les cuisses de sa mère. La voyant trembler de froid, cette dernière entreprit de prendre la couverture qui trônait sur le fauteuil à côté, pour en recouvrir le corps frigorifié d'Irina. Elle caressa tendrement la tête de sa fille dans un geste qui se voulait apaisant. Il fallait la préserver, la protéger, elle et ses petits frères. Pourquoi lorsque l'on voulait à tout prix bien faire, les démons familiaux nous rattrapaient toujours ? Quelle était cette funeste malédiction, qui avait décidé que Vera et Andreï seraient à jamais englués dans le monde du crime ?

-       Où est-ce qu'est parti Papa ? C'est la veille de Noël demain... Les garçons auraient voulu le voir.

-       Je sais ma chérie, mais... Il reviendra tout de suite après Noël. Il... C'est le travail.

-       C'est toujours le travail... Mais j'ai un mauvais pressentiment...

-       Pourquoi ma chérie ?

-       Quand papa part... J'ai toujours peur qu'il ne revienne jamais mais là, c'est différent, je n'ai pas peur, je suis terrifiée...

Vera tentait de maintenir son calme. Il fallait qu'elle la rassure, qu'elle la protège. Seulement, elle ne savait pas si elle en était encore capable.

-       Ton père reviendra. Il me l'a promis.

-       Où est-ce qu'il est parti ? Dans un pays lointain ?

-       Pas si lointain que ça ma puce, il est en France.

-       J'adorerais visiter Paris...

-       Moi aussi...

-       Je t'aime Maman

-       Je t'aime aussi mon trésor.

Ce soir-là, Irina s'était endormie dans les bras de sa mère, la tête posée sur ses cuisses, encore empreinte de l'innocence qui la rendait si belle. Vera souhaitait que cela dure pour toujours.

May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant