La piste à suivre

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ELENA

Princeton, le visage grave, me regardait avec incompréhension. Ma vue commençait à se brouiller à force de pleurer toute la tristesse que j'avais appris à cacher, tant bien que mal, ces dernières années. S'en était trop, voir le trésor de ma vie que je n'avais pas eu le temps de connaître, avait été le déclencheur.

Vera vint me serrer dans ses bras. Elle aussi avait du mal à retenir ses émotions.

- Ma chérie, on va le trouver... Ne t'inquiète pas je suis là.

Elle me berçait doucement dans ses bras et ce sentiment de chaleur m'apaisa. Princeton se leva soudain. Il fit les cent pas dans le petit appartement en se frottant les tempes vigoureusement.

- Franchement je ne pige rien à tout ce merdier...

Il n'était pas le seul mais j'étais incapable de réfléchir à ce stade. Il fallait que je me calme. Comme si l'ambiance n'était déjà pas assez explosive, ma chère mère fit son entrée. Elle s'arrêta net dans son avancée quand elle vit mon visage gonflé par les larmes que j'avais versées. Sa première réaction fut de se tourner vers Princeton et de le dévisager tel un dragon prêt à cracher un feu puissant. Avant qu'elle ne le réduise en cendre, j'entrepris de stopper ses pensées :

- Je crois qu'il est trop tard maman pour tenir ton rôle de mère-poule. Princeton n'a rien à voir là-dedans.

- J'espère bien.

Je soupirai et pris les affaires qui m'avaient été envoyées, ainsi que le paquet de Diana, et allai m'isoler dans une chambre.

- Tu as besoin d'aide chérie.

- Non maman. La seule chose que vous pourriez tous m'accorder c'est de me laisser seule. Je suis désolée, mais j'ai besoin de me retrouver.

Personne ne protesta, et je me dirigeai finalement dans la chambre d'ami du duplex de Miss Hampton. C'était la pièce qu'elle m'avait laissée pendant les mois qui avaient suivi mon agression. Les murs roses poudrés et le sol blanc cassé donnait une ambiance feutrée et douillette. Elle me ramenait en enfance, à l'âge où je n'étais qu'une petite fille innocente, rêvant à un avenir bien meilleur que celui que je possédais actuellement. Au lieu de m'apitoyer sur mon sort, je choisis la meilleure manière de m'évader : trouver l'enflure qui me menait une vie impossible depuis plusieurs jours.

Je m'effondrai sur le lit et éparpillais le contenu des deux paquets sur la couverture blanche. Je mis à part les fioles de cheveux et les tubes à essais, et entrepris de relier les images entre elles. Je mis en première position les quatre jeunes hommes dont on avait prélevé le sang. Aucun lien avec moi si ce n'était qu'ils avaient violé Diana, une de mes « élèves ».

Ensuite ce fut au tour des photos de moi et Adam. La nostalgie s'empara de mon âme, et je les fixais bien plus longtemps que je ne l'aurais voulu.

Je les classai dans l'ordre chronologique. Je pensais que le sourire d'Adam, sa gentillesse passagère et sa volonté de s'améliorer, suffiraient à ce qu'il devienne l'homme dont je rêvais. Ses crises de colères étaient fréquentes mais il y avait des moments où il était tellement adorable, que je ne pouvais que lui pardonner. J'avais vraiment cru qu'il m'aimait lui aussi.

Je tremblai quand je pris entre mes mains les photos de l'échographie de ce qui aurait été ma fille.

C'est ce moment-là que choisit Princeton pour faire son apparition. Je soupirai d'agacement.

- J'ai expressément signalé que je préférais rester toute seule.

- Tu me prends vraiment pour un idiot ?

- Mais de quoi tu parles ?

- Tu crois que je suis ton caniche ? Je ne vais pas te suivre comme un con sans te demander ce qui se passe ! Tout cela te concerne ! J'aimerais vraiment comprendre ce qui se trame. Est-ce que mon frère est en danger, et Jacob ? Où est Gordon et pourquoi Diana a tenté de se suicider ? D'autant que je me souvienne c'est la fille la plus sûre d'elle que je connaisse.

- C'est souvent les gens qui en montrent le moins qui ont le plus à cacher, on ne te l'a jamais dit ?

Je comprenais son agacement et c'est pour cela que je ne protestai pas quand il vint regarder les pièces à conviction que j'avais réuni sur le lit.

- C'est ton ex je suppose ?

Il avait montré la photo d'Adam et moi en train de manger une glace sur Park Avenue. Comme je ne répondis pas, il réitéra sa question mais cette fois de manière beaucoup moins subtile :

- C'est lui qui est à l'origine de tout ? Il veut se venger ? Qu'est-ce que tu lui as fait ?

Il était sérieux ? Qu'est-ce que moi je lui avais fait ? Je lui avais simplement apporter tout mon amour et il avait tenté de m'assassiner, mais ce n'était qu'un détail évidemment.

- Tu poses trop de questions

- Et toi tu ne me donnes pas assez de réponses...

- Franchement Princeton, tu ne me sers à rien.

- Oula ! Je ne savais pas que tu te prenais pour Einstein ! Tu crois que tu vas pouvoir résoudre l'affaire à toi toute seule ? Surtout, tu penses que je vais attendre bien sagement que quelqu'un vienne me buter, moi ou mon frère ? Remarque, tu auras une nouvelle pièce à conviction : mon autopsie.

Je détestais son cynisme mais dans un sens il avait raison. À présent, cela ne me concernait pas uniquement. D'autres personnes étaient impactées et je ne devais pas réagir comme une égoïste. À contrecœur je lui montrai avec exaspération les pièces les unes après les autres, espérant qu'il voit quelque chose d'autre que moi. Après tout, un regard extérieur est parfois très bénéfique. Princeton lut la lettre avec gravité et en resta interdit. Il ne dit rien sur les photos d'Adam et moi mais il ne put s'empêcher de m'interroger du regard pour les échographies.

- C'est ma fille.

- Tu es maman ?

- Non... J'ai failli l'être.

- Oh. Je suis désolée Elena, je ne savais pas...

- Ne t'excuse pas. Je n'ai pas envie d'en parler. Pas maintenant.

Le beau jeune homme reporta son attention sur les messages que m'avait adressé le tueur.

- Tu as des origines russes ?

- Non. Le seul homme qui m'a appelé « printsessa » est un vieil ami qui est mort il y a quinze ans. Je ne sais pas comment ce malade l'a su... Et la citation : « la mort n'est pas derrière les montagnes, elle est derrière nos épaules » est aussi un proverbe russe. Je n'ai pas encore compris le lien. Franchement Princeton je suis aussi perdue que toi.

- J'espère que tu as au moins vu que derrière ce mot il y avait des numéros qui indiquent une position GPS ?

Oh mon Dieu ! Je n'avais même pas retourné le papier pour savoir ce qui était écrit au dos. Pour un remake de Sherlock Holmes, le premier rôle ne serait sûrement pas pour moi. Je pris le mot des mains de Princeton. Ce dernier soupira et entra les coordonnées GPS dans son téléphone.

- Il va falloir que l'on bouge si tu veux savoir ce que ce message cache. On a rendez-vous dans l'Upper East Side !

May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant