Cauchemar et réalité (partie 2)

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Il fallait avouer que Princeton s'était appliqué et avait désinfecté, avec douceur, la moindre de mes blessures. Ensuite, sans un mot, il s'était levé pour ranger et jeter les compresses. Je restai seule un moment avant qu'il ne revienne avec une mine gênée. Il se gratta la nuque avec sa main bandée en fixant le sol devant lui. C'était d'ailleurs souvent un mouvement qu'utilisait les hommes pour se donner une contenance quand ils étaient mal à l'aise.

« Bon... -commença-t-il- je n'aime pas poser trop de questions, surtout que la plupart du temps les histoires des autres ne me passionnent pas, mais j'ai tout de même des mystères à résoudre après cette journée tourmentée... ».

J'avalai difficilement ma salive. Je n'avais pas envie qu'il aborde cela, pas ce soir, pas lui...

« Écoute... Je ne te demanderai pas tous les détails de ta vie mais est-ce que je pourrais avoir au moins une explication. ». Princeton me fixait à présent et ses yeux semblaient vouloir sonder mon âme. Il me parlait en égale pour la première fois et pas une seule fois dans ses paroles, je n'avais entendu ce « Miss David » qui m'insupportait au plus haut point.

Je gardais néanmoins mes lèvres scellées. Je me frottais l'intérieur du poignet pour me détendre. Je le fis avec tant de force que ma peau commença à me brûler. C'était une mauvaise habitude dont j'avais du mal à me débarrasser. Comprenant mon angoisse, il se rapprocha de moi mais cette fois je voulus l'éloigner le plus possible. Je remettais mon armure et me préparais à attaquer quand il me désarma : 

« Tu es quelqu'un de bien, ça se sent, tu nous as tous sauvé aujourd'hui, et j'aimerais connaître les salopards qui ont essayé de s'en prendre à un pauvre gosse comme David ».

Mon rire fut amer. S'il savait à qui il aurait à faire s'il s'engageait dans cette guerre, il partirait en courant et me jetterait dehors sans la moindre hésitation.

« Un conseil : ne fouille-pas, Princeton.

- C'est une menace ? Parce que j'aime bien les défis habituellement ».

Il s'était levé lui aussi et se rapprochait dangereusement de moi. Je le stoppai et ma main se posa sur son torse puissant. Je sentais battre son cœur à un rythme impressionnant et à présent je ne contrôlais plus rien.

« Ce n'est pas un jeu Princeton. Ces hommes sont près à tuer père et mère pour leur business et leur désir de vengeance. Je vous ai défendus parce que c'était la seule chose que j'avais à faire. J'espère simplement que vous ne me prenez pas pour une folle ou... »

« Chut... Je ne te prends pas pour une folle mais j'aimerais simplement mieux comprendre pourquoi tu as une manière de te battre digne d'un agent secret et que tu tiens tant à te cacher. Tu m'intrigues Elena David... ».

Il soupira : « Écoute je te propose un jeu...

- Je n'aime pas les jeux.

- Tout le monde aime les jeux ; c'est juste que tu es trop froussarde pour m'affronter et enfin dire la vérité.

- Je suis quelqu'un d'honnête ! Cacher des choses ce n'est pas pareil que mentir !

- La frontière est tout de même mince entre les deux...

- Je ne suis pas d'accord mais bon, je suppose que j'ai une dette envers toi pour avoir brisé le crâne de l'enflure qui allait m'étrangler dans le couloir, et pour David. Après je ne te serais plus redevable.

Il me lança un sourire enjôleur et me prit la main qui était encore posée sur sa poitrine. Nous avançâmes vers le centre de la pièce quand Princeton me fit tomber par terre sur l'épais tapis rouge. Je ris de surprise et me relevai pour m'asseoir en tailleur face à lui. Le feu de la cheminée crépitait à côté de moi et m'aidait à dissiper mes angoisses.

- Bon, voilà... Je te dévoile une partie de mon histoire si toi tu m'en dévoiles une et ainsi de suite. Franchement, je te fais une fleur parce que je ne parle jamais de moi à personne donc on peut dire que tu es une petite veinarde.

- Tu seras obligé de répondre ?

- On a le droit à un seul joker.

- Ok. »

Mais qu'est ce qui me prenait ? J'allais jouer à un jeu stupide en risquant de dévoiler toute ma vie à un homme qui m'était presque inconnu. Il allait falloir que je la joue fine et que je ne me laisse pas avoir.

- Honneur aux dames.

- Pourquoi tu me détestes, toi et les autres de la classe que j'étais censée animer.

- Je ne te déteste pas. Au début, j'ai cru que tu serais comme toutes les autres, à nous prendre pour des enfants pourris-gâtés à qui la vie ne fait jamais de crasse. Je pensais que ton esprit était réducteur et je voulais m'amuser. Les autres, je n'en sais rien, mais je sais que Jacob s'en voulait beaucoup de ne pas t'avoir répondu quand tu lui as parlé pour la première fois. Diana est une fille superficielle qui aime bien attirer l'attention sur elle et Gordon la suit comme un bon petit toutou. Ces deux-là, par contre je suis sûr qu'ils ne t'apprécient pas du tout – il me dit cette dernière phrase en souriant de manière ironique.

- Mais pourquoi ils...

- Chut... On ne triche pas ! C'est à moi de poser une question maintenant ! ».

Il m'avait gentiment réprimandé et regardait à présent le feu dans la cheminée en réfléchissant à la question qu'il allait pouvoir me poser. Les flammes se reflétaient dans la noirceur de son regard ce qui le rendait encore plus saisissant. Sans détourner les yeux de l'âtre où les bûches se consumaient doucement, il me posa une simple question :

« Où as-tu appris à te battre comme ça ?

- J'ai été entraînée par ma mère depuis mes treize ans et plusieurs entraineurs professionnels jusqu'à ce que je parte de chez mes parents définitivement, c'est-à-dire à mes dix-huit ans... - je repris mon souffle et lui assenai une autre question sans lui laisser digérer ce que je lui avais révéler – Pourquoi il n'y a aucune photo dans l'appartement de ton père ?

- Je ne suis pas adepte des portraits de famille, je trouve qu'ils ne font que montrer des scènes remplies d'hypocrisie. Pourquoi serions-nous obligés d'aimer les gens sous prétexte qu'ils partagent le même sang que nous ? ».

Sa réponse me fendit le cœur. Je savais qu'il occultait un grand nombre d'informations mais c'était le jeu. Il avait répondu en un sens.

Princeton se remit de ses émotions et me posa une question à laquelle je ne m'attendais vraiment pas :

« De quoi as-tu si peur Elena... ? »


May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant