May It Be

Les démons du passé (flashback 2)

Il y a dix ans

Ma mère avait attaché ses longs cheveux blond cendré en une couette haute. Elle transpirait à peine alors que pour ma part la sueur perlait dans mon dos et mes cheveux étaient poisseux. Je n'avais qu'une seule envie c'était de prendre une bonne douche. Mon pantalon de sport me collait à la peau et mes gestes étaient de moins en moins assurés.

Cependant, ma mère avait bien insisté, il fallait que je maîtrise le combat armé rapproché entièrement d'ici deux semaines. Elle m'avait promis que ce serait ma première mission et que j'allais rendre un énorme service à la famille et plus particulièrement à mon père.

Quand je l'avais vu pour la première fois à mes dix ans tuer un homme, je l'avais prise pour une folle mais étrangement quand elle m'avait demandé de fermer la porte derrière moi, elle m'avait expliqué que cet homme était un ennemi de la famille, qu'il refusait de payer à mon père ce qu'il lui devait et qu'il détenait des secrets qui ne devaient à tout prix ne pas être dévoilés. Elle avait fait cela pour notre sécurité.

Les jours suivants, mes deux parents m'avaient inclus dans leur cercle et m'expliquaient leurs affaires, leur rôle à chacun d'entre eux sur l'échiquier de notre vie. Moi, j'étais la pièce qui leur manquait, et pour mon père j'étais essentielle à leur plan. Depuis cette époque, je m'entraînais tous les jours à plusieurs arts martiaux, j'avais appris six langues en plus du français et ma mère m'avait donné plusieurs cours sur les techniques d'infiltration et d'espionnage.

Je ne m'étais jamais sentie aussi importante à leurs yeux. Ma vie était passionnante, je me sentais exceptionnelle, forte et invincible. Mon père me regardait avec fierté et ma mère s'occupait de moi. Je croyais que ma vie était enfin sur le point de s'améliorer pour de bon et que je deviendrais une femme puissante en plus d'être une fille qui faisait honneur à ses parents. Je m'appliquais à suivre tous les conseils que ma mère me donnait lors de nos combats et en tant qu'élève je progressais vite, je le savais.

« Elena concentre-toi sinon je te préviens tu vas finir à terre en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

- Pardon maman... Vas-y c'est bon reprends ».

Ma mère ne me laissa pas le temps de reprendre mon souffle, elle se jeta sur moi avec un poignard émoussé spécialement fabriqué pour l'entraînement. J'effectuai la manœuvre qu'elle m'avait apprise la semaine dernière : je lui attrapai le poignet et effectuai une clé rapide afin de passer sur son flanc gauche, je lui donnai un coup net et précis au niveau du radius afin qu'elle lâche le poignard. Une fois l'arme au sol, je lui sautai dessus et enroulai mes jambes sur son ventre en la faisant basculer. Une fois affalées sur le parquet de la salle d'entraînement, je resserrai mon bras autour de son cou frêle. Elle frappa trois fois sur ma cuisse me signalant que j'avais gagné le combat. Je la libérai assez fière de ma prestation. D'ailleurs, j'entendis un applaudissement qui s'élevait derrière nous. Mon père. Il arborait un sourire de satisfaction et vint nous rejoindre pour nous prendre toutes les deux dans ses bras.

« Agnès, tu as fait des miracles avec notre fille, bientôt elle te surpassera !

- Elle est plus jeune ce qui lui vaudra des déboires si elle se déconcentre ne serait-ce qu'une seconde.

- Ne t'inquiète pas, je suis sûre que ma petite Ellie accomplira sa mission à merveille, n'est-ce pas mon ange ?

- Oui papa ! Je ne te décevrai pas !

- Je l'espère bien ma grande... Je l'espère bien... D'ailleurs à ce propos, la mission est avancée, il faut qu'Ellie parte aujourd'hui ».

Mon cœur rata un battement. J'étais à la fois surexcitée et angoissée. Mes parents ne m'avaient pas expliqué cet aspect. Je savais juste que dans deux semaines j'aurais dû prendre l'avion en direction de la Chine afin de m'introduire dans un hôtel. Mais il s'agissait pour moi d'une mission d'infiltration et non d'une mission d'assassinat.

« Elle n'est pas prête, Nicolas. Elle ne sait pas encore tuer, elle n'en sera pas capable le moment venu. C'était ce à quoi je voulais la préparer ».

Comment ? Tuer ? Il n'avait jamais été question de cela ! Je devais juste maîtriser quelqu'un pour obtenir une clé USB contenant des informations capitales sur un fond d'investissement chinois. Ces informations valaient des milliards et mes parents comptaient s'en emparer pour leur client, un expatrié qui venait de Singapour et qui s'était installé à Monaco. Mon père recevrait vingt pour-cents de l'apport si la mission était menée à bien.

« Allons Agnès, nous n'allons pas laisser notre fille de quinze ans commettre son premier meurtre si jeune. Je propose à Ellie de faire comme il était convenu, elle s'introduit dans la chambre du chinois, s'empare de la clé USB cachée dans le coffre dont la combinaison sera craquée par le biais d'un de nos satellites ainsi que de nos meilleurs hackers, et elle s'en va sans se faire remarquer ».

Le plan avait l'air simple, on me l'avait expliqué il y a de cela trois semaines et la raison de mon entraînement était uniquement à visée défensive. L'avantage de mon âge était que je passerai inaperçue et que je pourrai me faufiler avec aisance dans les bouches d'aération de l'hôtel où résidait la cible.

« Nicolas, je te préviens ! si jamais il lui arrive quelque chose je...

- Il ne lui arrivera rien mon amour, Simon sera là pour terminer le travail et surveillera les arrières de notre progéniture. Et puis... - il se tourna vers mois avec un large sourire – notre fille est exceptionnelle, c'est une coriace, elle y arrivera, j'en suis persuadée ».

Je souris malgré moi. Mon père était fier de moi et je sentais que j'étais la clé du succès de la mission. Il ne fallait pas que j'échoue car je ne supporterais pas la déception dans le regard de mes parents.

Qui ne rêverait pas à quinze ans de faire partie d'une opération comme celle-ci. Je vivais dans un film. Sauf que la bande ne pouvait pas s'arrêter si l'on appuyait sur le bouton « stop » d'une télécommande. Une fois les choses enclenchées, il était impossible d'en réchapper indemne, mais cela, je ne l'avais pas compris assez vite...