May It Be

Le plan machiavélique (partie 3)

TIFFANY

Elle ne savait pas où aller mais elle avait préféré continuer sa route à pieds. Certains bars étaient ouverts même en pleine journée. C'était un repère pour les âmes en peine. Tiffany se sentit concernée quand elle vit la pancarte d'un pub irlandais lui faire de l'œil. Certes, avec sa valise de luxe, ses vêtements excentriques et sa tête d'asiatique, elle faisait tâche dans cet univers. À peine avait-elle passé la porte que déjà tous les regards se posèrent sur l'étrangeté qui venait de pénétrer dans leur repère. Ils avaient les yeux injectés de sang et Tiffany évita soigneusement leurs regards pour aller s'installer tout au fond du bar. Elle s'attabla à l'un des tabourets, qu'elle essuya avec un mouchoir avant de s'asseoir. Une quinquagénaire vint prendre sa commande. Son air était tout sauf affable, et Tiffany dût faire un effort surhumain pour ne pas s'énerver face à cette dame qui la regardait avec dédain. Elle demanda une bière, la spécialité de la maison, et pria pour que la serveuse ne crache pas dans son verre avant de la servir.

La chope entre les mains, Tiffany repensa à toutes ses années. Qu'avait-elle fait finalement, si ce n'est contourner la loi, mentir à ses amis, jouer dans une pièce de théâtre rédigée à l'avance pour elle. La jeune asiatique souhaitait retirer le masque et se consacrer aux choses plus essentielles. Pour une fois dans sa vie, elle voulait faire le bien. Il fallait qu'elle contacte à nouveau Princeton et Elena mais avant elle devait en savoir plus. Elle avait transféré les données collectées plus tôt dans la journée sur son smartphone. Pendant qu'elle buvait elle consulta notamment le dossier de ce fameux Docteur Grayson, le père de Gordon. Il faisait effectivement partie d'un trafic d'organes humains à grande échelle. Les territoires visés étaient les États-Unis, le Canada, mais aussi plusieurs pays d'Europe. Soudain Tiffany tomba sur quelque chose d'intéressant qui l'envahi d'un sentiment d'horreur. Elle devait prévenir Princeton sur le champ !

Elle était sur le point de composer le numéro de son ami, quand un homme s'approcha d'elle et lui adressa un large sourire charmeur. Oh non... Ce n'était pas vraiment le moment.

- Bonjour chère demoiselle, puis-je vous offrir quelque chose d'un peu plus classe qu'une chope de bière ?

- Je vous remercie mais j'allai partir, je suis pressée.

- Je vous en prie, ne me ridiculisez pas en public. Acceptez juste un verre avec moi, ça ne vous engage en rien.

Les beaux yeux du jeune homme la fixaient avec gentillesse. Il ne paraissait pas être une menace mais Tiffany n'avait vraiment pas la tête à tout cela. Même si Georges Clooney lui avait proposé un expresso à cet instant, elle aurait refusé.

- Je suis désolée, mais je dois partir.

La jeune femme avait l'impression de se répéter et cela l'agaçait. Soudain, les yeux du jeune homme qui lui avait fait des avances, changèrent en un souffle. Il ne s'agissait plus d'un regard bleu océan mais de lames d'acier vous tranchant sur place. Avant qu'elle n'ait eu le temps de s'échapper, il lui attrapa le bras et l'obligea à se rasseoir. Sa poigne était puissante et Tiffany savait qu'elle n'avait aucune chance d'obtenir de l'aide.

- Vous auriez pu coopérer, ça aurait été plus agréable pour vous, tout du moins au début...

- Qu'est-ce que vous me voulez ?

- J'ai besoin, enfin mon patron et moi, avons besoin que vous fassiez une sorte de « piratage » pour nous.

- Je n'ai pas mon matériel sur moi.

- En réalité ce que je te demande est simple petite idiote : est-ce qu'Elena possédait des informations importantes sur une organisation appelée « La Parada ».

Tiffany ne lâcha pas un mot. Ses lèvres restèrent scellées. Elle ne se ferait plus jamais avoir. À présent, cela ne marcherait plus sur elle.

- Je te conseille de parler sale bridée !

À présent, ce jeune homme si beau aux premiers abords, lui apparaissait monstrueux. Son visage était déformé par la colère et la haine. Son emprise se resserra autour du bras de la jeune femme et soudain il se leva pour l'emmener à l'arrière du bar. Personne dans la pièce ne fit la moindre protestation. Ils devaient sans doute penser qu'il s'agissait simplement d'une dispute entre amoureux. Quand, ils furent à l'air frais, Tiffany et son assaillant se situaient dans une rue déserte. Ils étaient sortis par la porte de service.

- Je te le répète une dernière fois : as-tu obtenu des informations importantes sur « la Parada » et si oui, est-ce que tu sais si Elena possède une sorte de clé, ou un logiciel, contenant des dossiers sur les membres de l'organisation ?

Tiffany resta muette. Elle savait très peu de choses finalement, mais elle avait la satisfaction de faire croire à son agresseur qu'elle était détentrice d'un grand nombre d'informations.

- Putain... J'ai jamais aimé les femmes dans ton genre. En fait, pour le coup tu ne me sers strictement à rien... Ni à moi ni à personne.

La jeune femme ne vit pas le coup partir. Elle sentit juste une douleur aigüe au niveau du ventre. Un liquide chaud était en train d'humidifier entièrement son chemisier. Son manteau était ouvert et elle put voir l'étendue de la blessure lorsque le jeune homme s'éloigna d'elle. Automatiquement elle ramena une main sur la plaie, mais l'intérieur de sa paume fut trempé en un rien de temps. Elle avait froid, ses jambes ne la portaient plus et elle s'effondra à genoux sur le sol. Elle vit le silencieux que tenait dans les mains son assassin. Tiffany comprit que son heure était arrivée. Son seul regret était qu'elle ne pourrait pas prévenir Princeton... Sauf si... Une fois son crime commis, le jeune homme au regard océan s'empressa de quitter les lieux. C'est cet instant que choisit Tiffany pour sortir le portable de la poche de son manteau. Ses gestes étaient faibles et la douleur était si grande, qu'elle s'allongea dans la ruelle pour reprendre des forces. Elle composa le numéro de son ami et tenta de ne pas sombrer dans le sommeil éternel...