ELENA
Malgré la fatigue, la rage me faisait avancer. Je courrai dans les hautes herbes où j'étais sûre qu'Irina était passée. En effet, il n'y avait pas besoin d'être un génie pour observer les traces de son passage, les fleurs sauvages avaient été écrasées pendant sa course et nous n'avions plus qu'à suivre le chemin.
Mais à mesure que nous avancions, l'espoir de la rattraper s'affaiblissait. Et si elle avait appelé quelqu'un pour l'extraire en urgence ? Après tout, elle nous avait prouvé qu'elle possédait de nombreux contacts et qu'elle avait toujours une myriade de plans préprogrammés dans son esprit détraqué.
Au moment où j'allais abandonner, je la vis, debout face à nous, le pistolet braqué sur moi et une haine peinte sur son visage faussement angélique.
- Décidément vous êtes de sacrés magiciens dans la famille David. Où est mon collier ?
- C'est moi qui l'ai, mais tu es finie Irina. Admets-le au moins, tu as perdu.
- Elena, toujours optimiste, à croire que le monde est rose bonbon, que les gens sont tous gentils au fond d'eux, qu'il faut les sauver de leurs malheurs. Tu me fais pitié.
- Très honnêtement Irina, c'est toi qui me fais de la peine. Tu n'as plus rien.
La colère se lisait sur son visage et elle avait du mal à garder son habituel sang-froid. Alors que je la croyais inébranlable, elle se montrait sous un tout autre jour à présent. Elle fut encore plus déstabilisée quand elle vit sa mère émerger des hautes herbes.
- Tiens Maman ! Tu as changé de fille finalement... C'est pratique.
- Tu n'es plus ma fille Irina. Tu ne mérites même plus le nom que j'ai donné à ce magnifique bébé il y a plus de vingt-cinq ans. Regarde-toi !
Je sentis que les paroles de Vera l'avaient blessé car elle vacilla légèrement. Elle avait même du mal à regarder sa mère dans les yeux. Irina était épuisée et dépassée et il fallait s'en servir contre elle. J'avais demandé à Jacob et à Princeton de faire le tour pour pouvoir la prendre à revers si les choses dégénéraient. Je voyais leur silhouette se déplacer discrètement juste derrière ma pire ennemie.
- Tu es cernée Irina alors il est temps de te rendre et de me donner la poterya.Nous avons finalement le même but toutes les deux, je veux moi-aussi dénoncer ce monde corrompu. Qu'est-ce qui t'empêche de me le donner ? Ce n'est pas pour ça que tu t'es battue ? Ou alors, es-tu simplement égoïste et complètement timbrée ? Finalement, je suis certaine que la véritable raison de ta croisade c'est de semer la mort, la douleur et la tristesse parce que tu ne supportes pas que les gens soient heureux autour de toi pendant que toi tu souffres le martyre.
- La ferme !
- Oh non je vais continuer ! Tu es tellement narcissique, tu ne veux pas venger ton père, tu veux te venger TOI et toi seule, alors n'utilise pas sa mémoire pour justifier tes actes parce que c'est honteux de ta part ! Tu es devenue complètement folle et égocentrique, à ne penser qu'à ta petite vengeance alors que tu aurais pu gagner à la loyale !
- Tu ne sais pas ce que j'ai vécu !
- La douleur est universelle grande sœur et crois-moi, des gens qui souffrent il y en a des millions sur cette terre, mais ça ne leur donne pas le droit de semer la mort sur leur passage !
- Ma petite sœur qui me fait une leçon de morale ! Qui es-tu pour me juger ?
Je refusai de répondre et préférai continuer à la fixer. Je la haïssais du plus profond de mon être et il serait tellement plus simple de la tuer sur le champ, de la voir s'éteindre devant mes yeux et mettre fin à ce cauchemar. Mais ce serait la solution de facilité, celle que cette femme a choisi toute sa vie et je refusais de m'imaginer devenir comme elle, aveuglée par mes émotions, perdue dans ma souffrance, dévorée par la haine.
Alors que je m'y attendais le moins, elle avança lentement vers moi, le pistolet toujours pointé en direction de ma tête. Plus elle se rapprochait, plus mon envie de la tuer était forte. Mais il fallait que je me contrôle, j'allais simplement la désarçonner et lui prendre ce fichu boîtier.
Cependant, encore une fois, les choses allèrent trop vite. Alors que je croyais qu'elle allait me tirer dessus, elle prit soudain son couteau et poussa un hurlement en se dirigeant avec fureur vers moi, les yeux révulsés par la haine. Elle avait l'air d'un monstre, un démon sorti de l'enfer et je n'eus pas le temps de réagir lorsque j'entendis une détonation. J'avais fermé les yeux mais j'entendis distinctement le corps lourd d'Irina tomber sur le sol, juste à quelques centimètres de là où nous étions, moi et Vera.
Quand j'osai à nouveau soulever les paupières, je vis Princeton courir dans ma direction, suivi de près par Jacob. En voyant la fumée s'échapper du fusil de ce dernier, je sus que c'était mon « frère » qui m'avais sauvé la vie et qui avait mis fin à ce cercle infernal.
- Oh mon dieu Elena !
Princeton se précipita vers moi et me serra dans ses bras, aussi fort qu'il le put, m'étouffant de tout son amour. Je pleurais à chaudes larmes et inondais son tee-shirt de toute l'angoisse que j'avais accumulé, la fatigue avait ouvert les vannes de mes émotions et je me laissai aller contre ce torse si réconfortant. Il m'embrassa tendrement et calma automatiquement le tremblement de mes lèvres. La chaleur de son souffle était un remède miracle et je devais avouer qu'à cet instant, ce fut comme si nous étions dans notre bulle, soignant nos blessures respectives. Une fois remise à peu près de mes émotions, je m'avançai vers Jacob et l'étreignais doucement. Il paraissait sous le choc de ce qu'il venait de faire et je caressai doucement son dos pour détendre tous ses muscles et l'aider à surmonter cette épreuve. Tuer quelqu'un n'était jamais facile mais il m'avait sauvé la vie, et pour cela je lui serai éternellement reconnaissante. Dans cette bataille, ma famille s'était agrandie et finalement, toute cette horreur avait permis que je me sente à nouveau vivante.
Cependant, quand je revins brusquement à la réalité, je vis Vera à même le sol, le visage de sa fille posé sur ses genoux. Irina était mourante mais elle était encore assez consciente pour avoir une dernière discussion avec sa mère, et malgré tout ce qu'elle nous avait fait subir, ses dernières paroles me déchirèrent le cœur.
- Maman ? C'est toi ?
- Je suis là ma chérie...
- J'ai froid. J'ai tellement froid...
- Je sais, tu peux te reposer maintenant. Tout va bien se passer.
- J'ai peur.
- Papa, Zachary et Ivan t'attendent ma princesse, il faut que tu les rejoignes. Покойся с миром,моя принцесса (Pokoysya s mirom, moya printsessa : « repose en paix ma princesse »)
- Я люблю тебя мама(YA lyublyu tebya mama : « je t'aime maman »)
- Je t'aime aussi Irina... Dors paisiblement maintenant...
De grosses larmes roulaient sur les joues de Vera et je n'osai imaginer la douleur qu'elle devait ressentir. Perdre sa fille une seconde fois devait être une torture pour elle. À cet instant, je pensais à Lucy, mon petit trésor que j'allai pouvoir élever, aimer et protéger. C'était pour cela qu'il fallait que je transmette les fichiers de la poteryaà la CIA ou tout du moins à un organisme qui saurait gérer toutes ces informations. Je voulais vivre dans un monde plus sûr, un monde où le danger ne serait pas à chaque coin de rue. Même si cela semblait idyllique, j'avais envie d'y croire et le fait que ce soit le dernier vœu de mon père me confortait dans cette idée.
Irina finit par fermer les yeux pour toujours et Vera poussa un cri déchirant. Je m'agenouillai à côté d'elle et la pris dans mes bras, tentant comme une éponge d'absorber sa douleur, mais je savais qu'il faudrait l'humanité toute entière pour pouvoir contenir toute la tristesse de cette mère.
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May It Be
Mystère / Thriller"Prix de l'Histoire la plus Innovante" au concours des Wappies (Wappies Award - Édition 3) Gagnante "The Story of 2019" (WattyContestFR) Elena est une jeune new-yorkaise de vingt-cinq ans. Diplômée en sciences criminelles comparées en France, elle a...