Tout le monde a ses secrets (partie 3)

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ELENA

Cette fois, ce fut Princeton qui prit le volant et il me demanda de monter à l'arrière avec Sacha. Toutes les deux minutes il me demandait de prendre son pouls et de regarder ses conjonctives à la recherche d'un signe d'une quelconque anomalie. J'exécutais ses ordres sans rien dire tout le long de la route afin de l'apaiser. Sacha n'avait pas l'air malade mais en revanche elle était bouleversée. Avant que Princeton ne gare le van, dans une rue où un laboratoire était installé juste en face, je m'aperçus que la fillette s'était réfugiée dans mes bras.

Nous descendîmes tous en même temps et je me rendis à l'accueil, où une vieille femme releva ses lunettes vers moi afin que je m'annonce.

- Bonjour, j'aurais besoin d'une analyse toxicologique pour un morceau de sandwich et un verre qui a contenu du jus d'orange.

- C'est pour une enquête ?

- Euh... Oui ! Je fais partie d'un service juridique et j'aurais besoin de savoir si l'on n'a pas tenté d'assassiner mon client...

La vieille dame me scruta avec méfiance mais me tendit finalement un formulaire à remplir. Quand j'eus fini, elle me demanda un acompte de cinq-cents dollars sur les deux-mille qu'ils demandaient. Je n'avais pas autant d'argent sur moi et j'avais oublié mon portefeuille chez Miss Hampton. Quel boulet...

- C'est bon, laisse. Occupe-toi de Sacha.

Je n'avais même pas entendu Princeton s'approcher de moi. Il sortit une carte American Express Gold et, effectivement, je dus m'incliner. Décidemment nous ne jouions vraiment pas dans la même cour...

Je me retirai, gênée, et entrepris de rejoindre la jeune fille qui s'était installé sur l'un des sièges de la salle d'attente du laboratoire. Son regard était vide, et même si à présent ses yeux étaient secs, je sentais qu'elle se sentait vraiment mal.

Je m'assis doucement à côté d'elle et essayai de lui faire la conversation.

- Alors, c'est Sacha ton prénom, c'est ça ?

- ...

Bon, il était vrai que la question était stupide et que je me maudissais d'être aussi nulle avec les enfants, mais j'essayai de créer une sorte de contact.

- Tu es dans quel pensionnat ? Moi aussi, j'ai été dans un de ces établissements quand j'étais petite.

- C'est nul.

Enfin ! Elle m'avait parler ! J'avais peut-être une chance de lui tirer plus de deux mots.

- Oui je te le confirme, c'est vraiment nul. Les autres enfants ne sont pas toujours très gentils et les professeurs sont trop exigeants.

- Et à la cantine, c'est vraiment dégoûtant...

- Si ça n'a pas changé depuis, oui effectivement c'est dégueulasse.

La jeune fille gloussa devant mon juron et sembla se détendre en ma présence. Elle me posa même une question à laquelle je ne m'attendais pas :

- Tu crois que ma mère est méchante ?

Je ne savais pas quoi répondre. Je n'avais aucune idée de ce qui était arrivé à Bryan, mais je me doutais que la mère n'était pas innocente dans l'histoire.

- Pour être honnête Sacha, je ne sais pas... Mais je fais confiance à Princeton.

- C'est le meilleur. Il est toujours gentil et il sait super bien raconter des histoires. Il m'appelle tous les jours au pensionnat, avant le couvre-feu, pour m'en raconter une. Des fois elles sont drôles et d'autres fois un peu plus tristes mais je les adore toutes.

Décidemment, ce Princeton m'impressionnait de jour en jour. Derrière son côté arrogant et imbu de lui-même, se cachait une âme blessée au grand cœur. Il vint nous rejoindre avant que j'aie pu continuer ma conversation avec Sacha. Quand nous sortîmes du bâtiment, la petite fille s'empressa de me tenir la main. Ce geste d'affection si soudain me fendit le cœur. Elle était vraiment adorable et, cette simple petite paume chaude dans la mienne, me fit presque oublier tous les soucis que j'avais en tête. Une fois remonté dans le van, Princeton m'annonça qu'il fallait que nous emmenions Sacha dans un lieu sûr. Je lui proposai un hôtel où il pourrait s'enregistrer avec un faux nom et ne pas risquer que sa mère les retrouve.

- Je veux qu'Elena reste avec nous Price.

Cette parole me toucha en plein cœur et je souris aux beaux yeux noirs qui me fixaient. Princeton soupira et semblait gêné de la situation.

- Ça ne me dérange pas. Je veux bien être sa baby-sitter pendant que tu règles certaines affaires. Cela me changera les idées et m'aidera à disparaître pendant un moment. J'ai besoin de me reposer...

Princeton parût hésiter un moment puis finalement acquiesça en me remerciant. Sacha sauta de joie et vint se blottir contre moi. Elle ne fit que me parler tout le long du trajet, c'était une vraie pipelette. Elle alla jusqu'à me détailler ce qu'elle voulait pour Noël, mais aussi quel était son film préféré, sa couleur favorite, la fille qu'elle détestait au pensionnat... Je souriais de bon cœur devant tant d'énergie. Elle respirait la joie de vivre et tout cela était tout simplement magnifique à observer.

Princeton nous emmena directement dans l'East Village et je fus impressionnée quand je compris à quel hôtel nous allions loger : « The Bowery Hotel », un des plus luxueux que l'on puisse trouver à New-York.

Quand je passai les portes du bâtiment, je fus émerveillée. Nous étions immergés dans une ambiance industrielle du début du XXème siècle. Les nombreux meubles en cerisier étaient tout aussi luxueux et de fines bandes en bronze, leur donnait encore plus de valeur décorative. Le hall était légèrement éclairé par des lampes à huile disposées sur des édredons. Le son était feutré grâce aux tapis Oushak disposés sur le sol. De grandes bibliothèques proposaient un large choix de livres issus de la collection de la Pléiade, et des fauteuils semblaient attendre les fervents lecteurs, qui s'installeraient au coin de l'âtre, pour dévorer les meilleurs chefs d'œuvres de la littérature.

Princeton alla nous réserver une chambre et Sacha courut dans le salon aménagé pour les clients, pour s'installer sur l'un des canapés. Je la rejoignis et attendis que son frère nous enregistre. La petite fille mit sa tête sur mes genoux et je la sentis presque s'endormir. Princeton arriva juste à cet instant et je fus surprise de la rapidité avec laquelle il avait pu nous avoir une chambre.

- Euh... Hum... Je suis désolé mais il ne restait plus qu'une chambre de disponible donc, Elena, si cela ne te dérange pas, tu devras être dans la même que nous. Ne t'inquiète pas, il y a deux lits doubles, un petit salon et... Enfin j'ai pris une suite, comme ça nous aurons assez d'espace.

- Ne t'inquiète pas Princeton, le tout c'est que l'on prenne soin de Sacha. De toute manière, je ne pense pas beaucoup dormir cette nuit...

Il me sourit et reporta un regard attendri sur sa petite sœur qui venait de s'endormir sur mes genoux.

- Je nous aie enregistré comme si nous étions mariés et que ma sœur était notre fille, nous sommes la famille Adams.

Je pouffais. La famille « Adams » sérieusement ? Princeton me sourit et je compris qu'il avait sûrement fait exprès de faire référence à cette famille plus que « spéciale ».

Sacha dormait à présent profondément, et je dus la porter pour pouvoir me lever. Princeton me la prit et nous nous dirigeâmes vers l'ascenseur. J'étais à la fois épuisée et surexcitée, l'heure était aux réponses. Il ne pourrait pas m'échapper si nous étions dans la même chambre. Cependant si je devais lui tirer les vers du nez, cela voulait dire que j'allai être, moi aussi, obligée de me dévoiler... Après tout nous étions dans la même galère non ? Quel était le risque ?

May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant