Une partie d'échec (partie 3)

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Ma mère semblait connaître les lieux car elle me dirigea dans les dédales de l'hôpital avec une grande rapidité. Le service psychiatrique était un secteur fermé et fortement surveillé, par conséquent cela s'avèrerait plutôt difficile d'y rentrer sans se faire repérer. C'est là que la main de ma mère m'agrippa par le bras pour m'entraîner dans un local ouvert à droite du couloir qui menait au service en question. Je faillis trébucher sur un seau rempli d'eau, qui était resté entreposé dans cet espace confiné. Des produits de nettoyage étaient disposés sur des étagères dans toute la pièce, avec de nombreux cartons remplis d'un tas de paperasses. Il faisait sombre malgré la faible lumière que ma mère s'était empressée d'allumer, pour éviter que nous soyons complètement aveugles. Je n'avais pas remarqué quand nous avons quitté l'appartement de Vera qu'elle avait pris un énorme sac à main. Elle en sortit deux blouses blanches, une au nom de Fanny Livingston et l'autre au nom de Gorgia Grayson. Ma mère me tendit la première comme s'il était tout naturel que je me fasse passer pour un soignant. D'ailleurs, quand je lus ce qui était noté sur la petite étiquette en dessous de mon nom, je vis qu'elle m'avait donné la blouse d'un « Doctor of Medecine ». Autrement dit, cela signifiait que j'avais déjà validé quatre années de médecine aux États-Unis pour obtenir ce titre. Je ne connaissais strictement rien à la profession et encore moins dans le domaine psychiatrique. Comme un étudiant en médecine devait forcément accompagner un Docteur, je ne m'étonnais pas de voir ce titre inscrit sur la blouse de ma mère... Elle était magnifique comme toujours. Elle enleva son maquillage à l'aide d'une glace et de cotons imbibés de lotion démaquillante. Ensuite, elle se rajouta, avec de la poudre grise, des cernes bien prononcées. Effectivement, les médecins étaient connus pour enfiler les heures les unes derrières les autres sans avoir un sommeil réparateur. Elle se fit un chignon avec ses longs cheveux blonds, dont elle laissa quelques mèches rebelles dépasser. Ma mère était très douée pour l'infiltration, il n'y avait aucun doute, d'ailleurs, c'était elle qui m'avais tout enseigné. Quand elle eut finit, elle se tourna vers moi et me regarda avec attention avant de s'attaquer à mon maquillage. Elle me rajouta aussi les traits de fatigue artificiellement, même si je trouvais que mes yeux paraissaient déjà assez fatigués comme cela. Quand elle entreprit de me coiffer, elle releva mes longs cheveux auburn au dessus de mon cou pour les attacher en une couette haute. Là aussi, elle me tira quelques mèches de ma coiffure, afin que l'on croit que je m'étais levée aux aurores pour assurer ma garde.

Une fois qu'elle nous considéra prêtes, elle rangea tout son attirail dans cet immense sac, qu'elle cacha dans un coin de la pièce. Elle me regarda une dernière fois avant de me briefer :

« Tu te nommes, comme ta blouse le dit si bien, Fanny Livingston, tu es mon étudiante de cinquième année. Tu me suis, tu ne fais aucun commentaire et surtout tu fais comme si tu comprenais absolument tout ce que je dis. J'ai déjà fait une infiltration en Ukraine dans un centre hospitalier surveillé. Je connais plutôt pas mal les termes médicaux et j'ai quelques connaissances de base donc je peux me débrouiller mais pour toi je suppose que ce n'est pas le cas n'est-ce pas ? ».

Effectivement, je tournai lentement la tête de droite à gauche pour lui signifier ma réponse. Cependant, je repensai à la fois où je m'étais faite passée en Russie pour une spécialiste en informatique, alors que je ne connaissais que quelques trucs de hacking relativement simples. L'adaptation sur le terrain je savais ce que c'était.

« Bon, écoute, je surveillerai les alentours pendant que tu seras au chevet de cette chère Diana. Pendant ce temps, tu essayes de lui faire comprendre qu'il ne faut rien qu'elle dise. Sa vie est aussi en danger Ellie. Ne la menace pas, écoute-la et tu sauras quelles seront les paroles qui pourront l'apaiser j'en suis sûre ».

Ma mère ne me laissa pas digérer ce qu'elle venait de me dire, elle sortit en trombe du local et m'entraîna à sa suite. Elle se dirigea d'un pas assuré vers les portes battantes qui étaient fermées au public. Il y avait un digicode à l'entrée et je me me demandai comment on allait passer cette étape dans notre opération. Je ne fus même pas étonnée lorsque je la vis composer le bon code. Elle avait dû demander à un de ses contacts de le lui fournir. Quand les battants se fermèrent derrière nous, je me pris au jeu. Je suivais l'exemple de la magnifique blonde qui me précédait. Elle se présenta au lit de plusieurs patients comme si elle faisait une visite de routine. Son texte avait été travaillé et personne ne semblait douter de ses compétences en matière médicale. Elle conseillait même à certaines infirmière un traitement particulier, un dosage différent et d'autres soins à mettre en place. Elle était immergée dans son rôle et tout le monde semblait admirer son aura.

Une fois que ma mère fut sûre que tout le monde dans le service était convaincue de sa qualité et de la mienne, elle me montra la chambre de Diana. Je hochai discrètement la tête et me préparai à appréhender la blonde glaciale. La lutte allait être acharnée et j'appréhendais la rencontre.

Je frappai discrètement à la porte et entrai. Diana avait le teint diaphane et semblait à bout de forces. Personne n'était à son chevet, elle était seule et avait une mine affreuse. Ses avants-bras étaient bandés et étaient le témoin de ce qu'elle avait tenté de faire quelques heures plus tôt. Quand ses yeux éteints se tournèrent difficilement vers moi, elle fût apeurée et entreprit d'attraper la sonnette à côté de sa perfusion, qui était censée prévenir les infirmières qu'il y avait un problème. Il fallait que je fasse vite pour la convaincre sinon j'allais être grillée.

May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant