Les démons du passé (partie 2)

997 165 58
                                    




Il régnait un silence de mort dans l'habitacle. Je n'étais pas sûre que ce terme fût approprié à cause de ce que nous avions tous subi dans ce couloir mais c'était le sentiment qui représentait le plus l'ambiance autour de moi.

Princeton conduisait bien plus vite que la vitesse autorisée et je me surpris à écouter le bruit du moteur de la voiture pour me détendre. Un son brutal, un vrombissement puissant qui emplissait mes oreilles et calmait mon rythme cardiaque. Pour une fois j'avais l'impression d'être accompagnée et non pas seule face à mes problèmes. On m'aidait... Jacob était monté devant à côté de Princeton. Les deux garçons semblaient partager quelque chose que j'ignorais encore mais je trouvais que Jacob avait enlevé son costume d'âme blessée. Il semblait plus confiant et presque serein. Cela me paraissait complètement ahurissant vu l'expérience que je lui avais fait subir mais pourtant je sentais que les deux jeunes garçons se comprenaient bien plus que je n'aurais pu l'imaginer. Néanmoins ils ne m'avaient pas laissé beaucoup de temps pour les observer et imaginer les relations qu'ils entretenaient.

Assise à l'arrière avec David, j'agissais en véritable mère protectrice. Je tenais la main de David et resserrais mon emprise à chaque fois que je sentais qu'il en avait besoin. Il tremblait de tous ses membres et l'appréhension transpirait sur son visage enfantin. J'espérais simplement que Princeton avait trouvé une solution durable et définitive pour lui, car il méritait amplement de se reconstruire ailleurs que dans ces quartiers habités par la désolation et la misère. Le brun ténébreux dû sentir ma méfiance et mon anxiété car je croisais son regard dans le rétroviseur et ce que j'y vis me renversa. Ses yeux sombres m'obligeaient à sentir que je pouvais le laisser gérer la situation. Je plongeais la tête la première dans la profondeur de ses pupilles étincelantes.

Plusieurs fois pendant le trajet, qui me parut durer une éternité, il ne put s'empêcher de jeter un regard dans cette vitre qui à présent nous liait... Qu'allait-il penser de moi après avoir vu ce que j'étais capable de faire. Je n'étais pas une fille bien et je le savais mais de voir le regard des autres changer à mon contact était une épreuve bien plus difficile.

Il me semblait que nous étions arrivés à destination car Princeton ralentit la voiture et se gara juste devant un immeuble immense. Je n'arrivais pas à en voir le sommet et les nombreuses fenêtres rendaient le bâtiment quasiment transparent quand les minces rayons de soleils s'y reflétaient. J'invitais David à descendre. J'allais ouvrir la portière de la Maserati quand Princeton me devança et me tandis sa main. Ses doigts longs et fins semblaient délicats. Je mis ma main dans la sienne à contrecœur mais en réalité j'avais les jambes en coton et tenais à peine debout. C'est à cet instant que je me rendis compte que mes blessures devaient être bien plus graves que je ne le pensais. Une migraine s'installa dans tout mon crâne et mes jambes me faisaient souffrir. Cependant, j'avais appris à ne pas montrer la moindre faiblesse et à continuer à avancer même si les choses étaient douloureuses.

« Vous savez, c'est sur le visage de quelqu'un que l'on voit la souffrance qu'il endure. Vous êtes crispée et vous avez du mal à marcher, il faudrait que nous passions à l'hôpital pour des examens supplémentaires ». Princeton avait pris un ton grave et je pus y déceler même une pointe d'inquiétude. Mais je refusais son aide, il était hors de question que je me ridiculise et m'expose plus que je ne l'avais déjà fait.

« Non, ça ira, le plus important c'est David. Montons dans le bureau de ce cher procureur et réglons les choses au plus vite pour garantir sa sécurité. Princeton, ça compte vraiment pour moi et je ne vous serais jamais assez reconnaissante pour ce que vous avez fait, vous... ».

« Allez, on ne va s'épancher, ce n'est pas le moment Miss David ». Il me fit un clin d'œil craquant et reprit son attitude de jeune homme arrogant, sûr de lui, à l'apparence inébranlable.

Je hochai la tête et nous dirigeâmes avec David et Jacob vers le bâtiment luxueux. Princeton semblait avoir ses entrées et assez d'influence pour passer les barrages de sécurité sans aucune difficulté. Comme nous étions avec lui, nous eûmes droit au même privilège. Son pas était assuré et arrivés au cinquantième étage, la secrétaire semblait l'attendre car il lui fit un large sourire et lui indiqua d'un signe la porte du procureur en lui révélant que ce dernier l'attendait.

Princeton nous ouvrit la porte et nous fit entrer avant lui en vrai gentleman, même si je trouvais que le temps n'était pas aux galanteries et aux ronds de jambes.

Le procureur général de New-York était un homme dans la force de l'âge, il était occupé assis à son bureau, des lunettes rondes sur le nez. Il avait une chevelure blanche ondulée, qui lui recouvraient les oreilles.

Quand il vit Princeton entrer, ses yeux marrons s'éclaircirent et il adressa à ce dernier un magnifique sourire de politicien. Quand il se leva de derrière son bureau, je pus me rendre compte de sa taille impressionnante. Je ne l'avais vu que dans des émissions où lorsqu'il était interviewé, il était toujours assis.

« Princeton ! Mon garçon ! Ravi de te revoir. J'ai rempli les papiers que tu m'as demandé et passé quelques coups de téléphone pour que ce jeune garçon puisse se rendre dans l'Etat du Wyoming sans encombre. Il sera emmené par une équipe de US Marshall qui ont fait leurs preuves par le passé. Ils le mèneront directement dans sa nouvelle famille d'accueil en attendant que je puisse faire ouvrir le procès. ». Il sera, je le crains, appelé à témoigner cependant... c'est le deal ».

Eh bien, on ne pouvait pas dire qu'il perdait son temps. Il avait à peine donné une accolade paternaliste à Princeton qu'il retourna s'asseoir à son bureau et nous invita à tous nous asseoir face à lui.

Sa voix grave résonnait dans la pièce tellement l'ambiance était pesante. Je vins m'installer face à lui dans un de ses sièges rembourrés qu'il m'avait montré trente secondes plus tôt. David me rejoint et Princeton ainsi que Jacob restèrent dans un coin de la pièce nous laissant régler les derniers détails.

« Il me faut l'assurance, Mademoiselle, que vous êtes bien Elena David, spécialisée en Sciences criminelles comparées, employée au service « Miss Hampton's Law services » situé dans le Lower East Side ».

Je restai sans voix. En si peu de temps il avait dû parcourir le dossier de David Keywast et avait sans doute trouvé toutes les actions que j'avais effectué cette année afin d'aider le pauvre adolescent.

« Considérez-vous que David Keywast soit un danger pour la sécurité intérieure de l'Etat du Wyoming ?

- Quoi ? Non évidemment ! »

J'avais peut-être été trop virulente dans ma réponse mais le procureur ne s'en formalisa pas. Il continua à énumérer les différentes procédures auxquelles devraient se soumettre David une fois arrivé sur place et en quoi il était important que ce dernier prenne conscience de la chance inestimable qu'on lui offrait.

« Les Sharks ont-ils recontacté Mr David Keywast durant ces derniers jours ? ». C'était la question fatidique, je le savais. S'il y avait la moindre suspicion sur le fait que David pouvait replonger dans le monde de la pègre, sa situation de témoin protégé serait remise en jeu.

« Non... Mais il a été menacé et cela à plusieurs reprises. Normalement il n'aurait pas dû sortir du centre de détention aussi tôt et...

- Mlle David, il ne me semble pas vous avoir demandé de me parler de la compétence de nos services de police. Mais je prends votre tirade comme signe que David Keywast est véritablement en danger sur le sol américain. Il me faut juste votre signature sur plusieurs documents que j'ai fait rédiger il y a une demie-heure ». Pendant que j'effectuai ma tâche, je vis les nouveaux papiers officiels de David à côté de l'énorme main du procureur. J'étais tellement reconnaissante. Cet homme avait tenu parole et Princeton y avait joué un grand rôle.

Enfin... Un poids énorme semblait avoir disparu de ma poitrine. Je sentais mon cœur libre à nouveau de respirer. Un sentiment d'espoir m'envahissait et je ne pus m'empêcher de sourire. David allait être sauvé et j'avais accompli ma mission. Je passais le témoin aux professionnels des cours de justice à présent.

Quand nous sortîmes du bureau du procureur et que la porte se referma, David me sauta au coup. Je grimaçais de douleur mais je ne la sentis presque pas tant la joie que j'éprouvais était forte. Elle enveloppait mon cœur et je sentais qu'en sauvant la vie de David, je m'étais aussi soignée moi-même... Du moins un petit peu...

May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant