Sous-surveillance (partie 4)

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New-York University, 23h55

            Il lui arrivait de rester tard dans les locaux de la prestigieuse université. C'était habituellement son lieu de réflexion, son échappatoire et la démonstration de ce qu'il avait réussi dans sa vie. À présent, il avait la nette impression de n'être plus qu'un misérable homme... Il avait lutté tout au long de sa vie pour construire sa réputation et enseigner sa passion aux élèves.

Quand on est un jeune professeur, les étudiantes sont ferventes de vos cours pour la simple et unique raison qu'elles espèrent attirer votre attention. Au départ, ce fût grisant et il devait s'avouer qu'il en avait bien profité. Mais les années avaient défilé devant ses yeux à une vitesse fulgurante. Les cheveux blancs avaient commencé à faire leur apparition. La démarche n'était plus aussi assurée et les bancs des amphithéâtres n'étaient plus aussi pleins. Peu à peu, il avait dû user de subterfuges pour à nouveau profiter des joies d'être un professeur. Il ne voulait pas inspirer le respect mais l'admiration. C'était son plus gros défaut : l'égocentrisme. Il n'aurait jamais pu imaginer que ses écarts avec de jeunes étudiantes auraient pu le rattraper un jour. Après tout, elles étaient consentantes et elles y avaient trouvé un certain avantage dans leur note de semestre...

Lorsqu'il avait reçu cette première lettre accompagnée d'un téléphone prépayé, il ne s'était pas méfié. Le premier coup de fil l'avait même fait sourire. Il se croyait inatteignable... Quelle erreur. Quand les menaces avaient été mises à exécution, et qu'il avait été convoqué dans le bureau du directeur de l'Université, il avait pris son harceleur au sérieux. Au départ, cela consistait en de simples petits services : mettre tel élève dans tel cours plutôt qu'un autre, rassembler une classe avec des élèves rigoureusement choisis. Il avait commencé à véritablement se méfier quand on lui avait ordonné de reprendre contact avec son ancienne amie : Vera Hampton. Cette dernière avait reçu soi-disant un mail de sa part, lui demandant si elle connaissait un bon juriste, capable de travailler sur l'atelier de la « délinquance juvénile ». Son amie lui avait conseillé sa jeune recrue, sa petite protégée dont elle n'arrêtait pas de vanter les mérites.

Il était surveillé, en permanence, et la paranoïa était devenue son lot quotidien. Il devait mettre une amatrice à sa place, pour dispenser ses cours de droit, dans le cadre de son cursus spécialisé. Il avait créé cette classe pour réunir les plus prestigieux élèves de l'Université et leur faire découvrir le terrain. Il ne comptait pas laisser son projet tomber entre les mains de n'importe qui... Néanmoins, il n'avait pas eu le choix que de demander à cette Elena David, qu'il ne connaissait ni d'Ève, ni d'Adam, de le remplacer dans cette tâche. Cette jeune femme était fort sympathique, mais il avait dû être le plus hypocrite possible pour lui faire accepter un poste. Le fait qu'elle hésite l'avait profondément énervé, il n'en avait cependant rien montré.

Pour le premier cours de terrain, il avait fallu qu'il envoie précisément six personnes : Princeton Sutherland, Rose Karastov, Tiffany Yuan, Jacob Hershell, Diana Galliano et Gordon Grayson. Aucun lien ne les liait et il n'avait pas compris l'importance de son interlocuteur de les faire intervenir durant cette journée.

Quand il avait appris, qu'ils avaient été attaqués et avaient risqués leur vie, son sang n'avait fait qu'un tour. Il était temps que ce cauchemar se termine...  Lorsque son interlocuteur lui avait ordonné de ne rien faire, il était resté prostré chez lui à réfléchir. Quelles étaient ses options ? Il était piégé, tel un rat au fond d'une cage, sans possibilité de s'échapper. La seule issue était qu'il renonce à jamais à son métier. Sa réputation serait détruite, un millier d'articles circuleraient sur le « harceleur de la New-York University, profitant de ses étudiantes ».

Il regarda autour de lui. Son bureau était luxueux. De nombreuses étagères remplissaient la pièce. Sur chacune d'entre elles étaient disposés tous les ouvrages sur lesquels il avait travaillés, apportés sa pierre à l'édifice, mais aussi qu'il avait écrits. Toute son œuvre serait jetée aux ordures. Cela il ne l'accepterait jamais. Il avait écrit une lettre manuscrite afin de ne pas partir de ce monde sans explication, sans laisser une trace de son passage sur cette terre. Il ouvrit ensuite le tiroir central, fermé à l'aide d'une clef qu'il gardait tout le temps sur lui. Le révolver le fixait avec un air de défi. Serait-il assez courageux pour appuyer sur la détente une fois le canon figé sur sa tempe ?

May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant