14. Balade en moto

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La cloche allait sonner, mais Derek me retenait par le bras pour me forcer à l'écouter.

- Donc tu crois que c'est juste pour une balade que...

- Tu me détestes?

- Je ne te hais pas.

- Mon œil, beuglai-je en me débattant. Lâche-moi, je vais manquer mon cours de littérature.

- Ça m'est égal.

Voyant que je ne saurai jamais quel poème de Guillaume Apollinaire il me faudrait analyser, je lançai mes affaires sur le plancher et regarda Derek droit dans les yeux. Celui-ci reprit la parole.

- Tu es la première fille qui m'ait dit non.

- Désolé, j'ai vraiment l'impression que notre conversation tourne en rond. Je suis désolée si je n'aime pas les motos, tu t'y feras.

- Oublie la moto! Tu n'es pas imbécile, ce n'est pas à la moto que tu as dit non, c'est à moi.

- Je sais. Et alors?

- Habituellement, n'importe quelle autre fille aurait tout fait pour pouvoir me parler. Tu préférais acheter du lait plutôt que de sortir avec Derek Beauchemin!

Regardez-moi cet égo fonctionner à pleine puissance.

- Je ne suis pas ta propriété privée! Je ne tenais pas à me faire embobiner par le cousin de Joe Beauchemin, tout de même! Si c'est de cela dont il est question, je vais t'économiser de la salive : je ne t'aime pas, je n'aime pas la bière, je n'aime pas les balades, j'ai vraiment peur des motos et, aussi stupide que j'étais, je n'allais pas m'en aller avec toi en moto avec mon sac de lait comme baluchon, franchement! Veux-tu que je continue ou tu as saisi l'essentiel?

Pour la première fois en mille ans, Derek me lâcha.

- Tu ne m'aimes pas?

Laissez-moi rire.

- Je ne veux même pas répondre à ta question. D'après toi? Quel égo... Oui, figure-toi, des filles qui n'aiment pas les prétentieux, ça existe encore!

Derek paraissait sérieux. Il me fixait bizarrement.

- Je peux y aller maintenant? Comprends-tu ce que je viens de te dire? insistai-je.

- Va-t-en, marmonna-t-il en fixant ses souliers.

Mais je n'allais pas écoper d'une retenue sans avoir clos la conversation comme il le fallait.

- Écoute, ton cousin, c'est un gars super, d'accord? J'étais une vraie peste, il n'y a pas si longtemps et il m'a enduré jusqu'au bout. Alors...

- Tu n'as pas à me parler si tu n'en as pas envie. Ça paraît que tu pousses.

- Oui, je me force à te parler parce que j'ai déjà une retenue et que je n'ai pas envie de me taper du français si j'ai déjà manqué la moitié du cours. (Je respirai un grand coup pour mettre l'accent sur ce que je m'apprêtais à dire :) Je me force à te parler parce que si quelqu'un devait me trahir, je préférerais que ce soit toi, peut-être parce que tu es apparenté avec une personne qui a compté et qui compte beaucoup pour moi, donc je ne pourrais pas t'en vouloir.

Unmoment de silence. J'attendais, curant mes ongles. Derek ne brisa pas lesilence. Je relevai la tête. Il me regardait. Alors, tout doucement, je luitirai le bras pour l'inviter à s'asseoir à côté de moi.    

L'EnlèvementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant