115. L'autre côté

31 4 1
                                    

- Vous allez rentrer, à la fin? Ça fait longtemps que vous batifolez dans l'herbe!

Ce fut un Padopoulos furieux qui nous ramena de force sur le plancher des vaches. Le Soleil s'était couché depuis longtemps, nous avions manqué le souper mais nous n'avions aucune envie de rentrer – avec raison. Je tentai de le convaincre.

- On regarde les étoiles, viens donc avec nous!

- Tu regardes les étoiles, nuança Derek. Je les imagine.

- Vous n'avez pas froid? demanda Padopoulos.

- « Ecclésiaste 4v11 : De même, si deux couchent ensemble, ils auront chaud; mais celui qui est seul, comment aura-t-il chaud? », récita mon mari en me caressant la tête d'un bras.

- Au moins, on sait ce que vous avez fait de votre soirée, ricana le gendarme. Allez, ouste!

J'empoignai les béquilles et les tendit à Derek pour qu'il puisse se relever. Je le guidai ensuite pour le chemin du retour jusqu'à sa cellule. Pendant qu'un gardien ouvrait sa grille, je soufflai à l'oreille de Padopoulos :

- Penses-tu que je peux lui parler avant de m'en aller?

Il gratta sa barbe un peu, puis me regarda dans les yeux.

- Il n'y a absolument rien que je puisse faire pour vous maintenant, déclara-t-il avant de rajouter : Je ne suis pas de votre côté. Il te faut assumer ton choix, ma grande.

Je hochai la tête pour faire signe que je comprenais. Je me dirigeai vers mon cachot, Padopoulos sur les talons. Je pris soin de compter soigneusement le nombre de cellules entre Derek et moi.

- Mais qu'est-il arrivé à Jacob Cardin? lui demandai-je soudain.

1, 2, 3, 4. Le gendarme me regarda, bouche bée. 5...

- Tu veux dire qu'il est chrétien?

- Ce n'est pas ma question, insistai-je. 6,7...

Nous étions arrivés. 8. Il me fit rentrer dans ma cellule d'une poussée dans le dos. Il referma la grille derrière moi tout en disant :

- Je le savais! Je vais lui parler, au môme! Avec sa main amputée... Je suis sûr que ce n'est même pas vrai!

- Attends, un peu! Il l'a dit lui-même à votre patron! C'est lui qui n'a rien fait.

Il me regarda, surpris.

- Eh bien, conclut-il, soit Jacob va se retrouver dans de beaux draps, soit M. Ricardo est devenu chrétien. Et je ne crois pas que ce soit la deuxième option. 

L'EnlèvementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant