15. Aveu

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- Je ne voulais pas te mettre dans cet état, dis-je à Derek.

Il ne répondit pas. Comme il semblait chercher ses mots dans le fond de ses poches, j'attendis.

- Je n'aurais jamais cru que c'était possible de changer en si peu de temps.

C'était la première phrase réfléchie qu'il eût dite à voix haute – dans tous les sens du terme. Mais j'allais de surprise en surprise.

- Quand ma sœur est morte, j'ai commencé à perdre la foi. Avant j'étais comme Joe, mais quand Grace est morte... j'avais l'impression que peu importe la force supérieure qui nous avait créé, elle n'était même pas assez impliquée dans nos vies pour empêcher le décès de ma frangine. Elle n'avait même pas 9 ans...

- Elle est morte de quoi?

- Leucémie.

Derek respira un grand coup. Ou il était bon acteur, ou il retenait ses larmes.

- Tout le monde qui venait nous voir disait que c'était le cercle de la vie, qu'elle était heureuse où elle était, qu'elle avait terminé sa mission. Ça me mettait hors de moi! Pourquoi, elle n'était pas heureuse avec nous? Il y avait des cercles de la vie plus courts que d'autres? Pire encore, elle avait terminé sa mission? La bonne blague! Je ne me suis pas dit tout cela sur le coup. Il a fallu peut-être une ou deux semaines. Toutes ces questions ont fait leur bout de chemin dans ma tête. Puis, les réponses – mes réponses – ont commencé à venir à leur tour. J'en ai conclu que Dieu n'existait pas, tout simplement. Ces histoires, c'était bon pour les grands-mères et les enfants. Petit à petit, j'ai délaissé l'église, j'ai changé d'attitude, d'intérêts, de personnalité. Avant de m'en rendre compte, j'étais devenu un être arrogant, prétentieux, moqueur.

J'étais atterrée. Je n'aurais jamais cru que sous cette carapace de dur à cuire se cachait un adolescent brisé, blessé. J'étais sans mot devant son aveu. Il s'en rendit compte. Je dus lui tirer la manche pour qu'il ne se lève pas. J'avais le souvenir d'avoir entendu Joe me souffler mot de sa cousine, mais c'était il y a si longtemps...

- Tu avais quel âge?

- ... 15 ans, je crois.

Il en avait maintenant 18.

Je lâchai son chandail et il put se relever sans opposition de ma part. C'était à mon tour de chercher mes mots dans les plis de ma jupe.

- Merci de m'avoir raconté tout cela... J'ai encore peur de te faire confiance – mais tu peux le comprendre. Au moins, je sais pourquoi tu es comme ça.

Derek attendit que je me relève avant de me demander :

- Joe a vraiment dit que j'étais un lâche?

Je dus me faire violence pour répondre sincèrement :

- Non, il t'aimait bien malgré tout, dis-je pour rajouter : Mais c'est ce que tu seras si tu décides de me mettre en danger.

Pour réponse, il sortit de l'école pour ne plus jamais y remettre les pieds. Le pansement reposait à mes pieds.

L'EnlèvementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant