123. Bouche tes oreilles

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Derek n'avait rien fait de toute l'opération.

- Que se passe-t-il?

Je ne répondis pas tout de suite.

- Ils nous ont entendus, voilà ce qui est arrivé. Et ils nous disent merci.

- Pourquoi?

- De leur avoir donné de l'espoir...

J'étais consciente que ma réponse n'expliquait pas vraiment le livre sur mon épaule, toutefois Derek n'avait pas l'air vexé d'aussi peu de détails. De toute façon, les gendarmes avaient fini par se trouver un plan d'attaque.

- Tout le monde debout! hurla l'un d'entre eux.

Nous nous exécutâmes sans un mot tandis que les gendarmes passaient entre les rangées, bousculant ou frappant les personnes sur leur passage. Ils s'arrêtèrent devant la table à laquelle était assise la petite qui avait écrit psaume 121 sur le tissu de ma combinaison. Paralysée de peur, je retins un cri. Se doutant que quelque chose de gros se passait, Derek se pencha vers moi.

- Est-ce que ça va?

La lumière fut dans mon esprit. Je me levai en trombe.

- Bouche tes oreilles, lui soufflai-je avant de courir vers eux.

- Feu! cria le gendarme.

J'avais à peine eu le temps d'accélérer que déjà tous les enfants gisaient dans une flaque de sang. Ils les avaient tirés. Tous. Je tombai à genoux, tremblant de tout mon corps. Mes mains couvraient mon visage quand j'entendis tout doucement une toute petite voix fredonner.

- Je vendrai ma vie aussi chère...

Un dernier coup de feu la fit taire, m'arrachant un hurlement. Le gendarme qui semblait être le chef s'avança vers moi et me força à le regarder en me tirant les cheveux.

- Tu ferais mieux de retourner manger, ma belle, dit-il avec un rictus, parce que tu aurais dû être celle qui se fait fusiller.

- Pourquoi les avoir tirés, alors? répliquai-je, dégoûtée.

- Pour te donner un avertissement.

Sur ce, il sortit de la salle, sa brigade sur les talons. Les gendarmes ignoraient leur chance que je fus devenue chrétienne. Il n'y a pas si longtemps, il aurait reçu un coup de poing pour m'avoir menacé ainsi. Au lieu, je retournai dignement à ma place.

- Tu ne peux pas mourir demain, déclarai-je à Derek en m'assoyant.

- Je suis d'accord, moi aussi, siffla une voix désagréable dans mon dos.

Je me retournai pour me retrouver face à M. Ricardo. Ce dernier était monté sur la table avec un interphone dans les mains.

- L'horaire de cet après-midi est repoussé à demain, annonça-t-il.

Un murmure parcourut les tables.

- Les lapidations auront lieu aujourd'hui même.

Cette fois, ce sont des cris de surprise qui retentirent. Ricardo redescendait déjà, renversant mon plateau sur moi au passage. Il me prit le bras et m'entraîna à sa suite dans le couloir. Une fois sortis, il me plaqua contre le mur et m'y maintint avec son coude.

- Écoute bien, petite peste, si tu crois que tu peux chanter à ta guise dans ma prison, ça ne se passera pas comme ça. Et tu me prends vraiment pour un imbécile, hein? 

L'EnlèvementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant