99. Voyant rouge

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- Arrête d'être aussi fataliste...

Derek secoua énergiquement la tête.

- Je ne parle pas de ma mort. Je veux dire qu'ils vont m'ôter la vue.

- Hein, quoi? Comment le sais-tu, ils te l'ont balancé comme ça?

- Disons que les forces de l'ordre en ont discuté non loin de ma cellule.

- Comment vont-ils faire ça?

- En me crevant les yeux, peut-être, enfin, de façon à ce que cela fasse mal.

Sympa, comme méthode. Sa cécité crèverait aux yeux – jeu de mots se passant de commentaire.

- Donc je vais te regarder jusqu'à t'imaginer dans chaque coin de mur, plaisanta-t-il.

- Ça me va, j'allais dire la même chose pour tes yeux verts.

Je me souvins tout à coup d'un détail.

- Attends une minute, ça veut dire que tu ne verras pas Gina? Tu vois ce que je veux dire.

- J'en sais rien et je ne comprends pas davantage l'avantage pour eux que je sois aveugle.

Les possibilités de réponse étaient infinies : Incapacité de me voir et de voir les autres, séances de torture encore plus éprouvantes dû au fait qu'il ne verrait pas les coups venir, difficulté de préparer un plan d'évasion (Étonnamment, plusieurs détenus avaient tenté l'aventure. Leur destin s'était joué en moins d'une heure) et plus encore. J'eus la sagesse de ne rien répondre.

- Je me débrouillerai pour que tu sois à côté de moi, le cas échéant, promis-je.

Il ne répondit pas. Il continuait de me fixer l'air las. Je me rendis compte qu'il était épuisé.

- Dors donc, je te réveillerai avant de partir.

- Pas question, déclina Derek.

Il se leva – je me glissai sur le divan pour le laisser passer – et se mit à fouiller la pièce.

- Tu cherches quoi, comme ça?

- De quoi dessiner.

Je sortis un crayon de mes cheveux. Derek me regarda ébahi.

- Aucune chance que j'y trouve un bout de papier?

- Désolé, non.

Un des avantages d'avoir des cheveux aussi particuliers, longs et épais étaient d'y camoufler des petits objets. J'y avais aussi entreposé par le passé de la monnaie, une lime, un coupe-ongles et même une barre au chocolat. Quand nous avons traversé la frontière, j'y avais caché notre argent. Ce jour-là, il ne me restait plus que ce bout de crayon, un miroir et des bonbons à la menthe. Je me retins de lui dire parce que le voyant lumineux rouge de la caméra clignotait toujours, signe que cette dernière était en marche. J'étais d'ailleurs étonnée qu'il n'ait pas senti tout cet attirail quand il jouait dans mes cheveux, et encore plus qu'il ne l'ait pas fait tomber. Je voyais rouge. J'aurais probablement de sérieux ennuis, mais je préférai me concentrer sur Derek cherchant un pan de mur pour dessiner. 

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