100. Crinière de lion

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Pas moyen de dormir. J'avais beau me tourner et me retourner sur mon lit de fortune – les autorités avaient finalement daigné changer le matelas – pas moyen de fermer l'œil. J'avais même étendu mes draps par terre, peine perdue. J'aurais souhaité lire ma Bible pour me remonter le moral mais je ne savais pas où M. Padopoulos l'avait rangée. Avant de me reconduire au bureau du père de Gina, il m'avait en effet fouillé pour s'assurer que je ne partirais pas avec un tel trésor dans ma cellule. Je n'osais pas réveiller Gianita pour l'embêter – à nouveau – avec mes problèmes. Je risquais de la réveiller souvent si j'utilisais ce prétexte.

Nous avions conclu l'heure passée ensemble, Derek et moi, à gribouiller sur les murs. Enfin, il dessinait sur les murs et je le regardais faire. Je ne savais pas sous quel angle observer la situation. À première vue, j'étais mieux de me chercher une corde pour me pendre. Seulement, s'ôter la vie quand on avait passé plus d'une année à s'afficher comme opposée à une loi injuste... Ce n'était que trop pathétique. De plus, on m'avait prévenu dès le début qu'être chrétienne n'était pas une partie de plaisir, gracieuseté de la Bible. C'était à prendre ou à laisser et je n'étais pas du genre lâche.

De toute façon, ils avaient fini par m'envoyer à la lice tout de suite après le souper. Seul moment où j'aurais pu parler à Gina et laisser Derek me contempler, c'était à mentionner. Mon bourreau m'attendait avec un instrument qui me donna la chair de poule. Un rasoir.

- Viens là, que je t'arrache ta tignasse de lion, gronda-t-il en démarrant son rasoir.

J'eus un mouvement de recul et bondit vers la porte. Elle était verrouillée. Sans se presser, mon tortionnaire se dirigea vers moi, empoigna mon bras à m'en laisser une démarcation et se dirigea vers un poteau en bois dressé au milieu de nulle part. Il m'y attacha, face contre le bois.

- Voilà le plan : je te coupe les cheveux. Des questions?

- Je vous en supplie, n'importe quoi sauf ça. Ne touchez pas mes cheveux.

- On ne veut pas risquer que tu aies un couteau dans tes cheveux ou une clé qui te permettrait de t'évader.

- Pour aller où? Je vais mourir de toute façon, alors d'une manière ou d'une autre, je préfère rester ici.

Il semblait réfléchir. Je priais intérieurement pour qu'il me laisse ma crinière de lion.

- C'est d'accord, maugréa-t-il, mais je vais quand même t'abîmer pour compenser.

Il m'attacha les cheveux avec un élastique en basique et découpa ma tenue de sorte à dégager mon dos. Il s'empara ensuite d'un fouet et me le frappa sur le dos. Je ne pourrais pas dire combien de coups il me donna. Peut-être vingt, peut-être trente. Une chose est sûre, il m'en donna suffisamment pour que je n'aie plus un seul cm2 de peau sur le dos. Ça, c'est Cardin qui me l'apprit quand je repris connaissance – évidemment, j'avais fini par m'évanouir– et qui assistait Gianita dans sa délicate tâche de soulager mes souffrances. Malgré les herbes médicinales appliquées sur mes blessures, je n'étais pas prête de me rétablir, d'où l'insomnie. La petite fenêtre au mur laissait déjà voir un ciel rose radieux. Ainsi qu'une ombre. Gina. 

L'EnlèvementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant