92. Tout ou trop

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Une photo de mon ancienne maison, entourée de rubans « ne pas traverser » tout autour. Quelques lignes décrivant l'événement : Un homme de 38 ans a été retrouvé hier pendu sur sa terrasse. C'est sa femme qui l'a découvert lorsqu'elle est revenue pour dîner. Les policiers enquêtent mais selon ceux-ci, le dossier risque d'être classé comme un suicide car rien ne porte à croire qu'il s'agit d'un meurtre. J'étais sous le choc.

- Donc il s'est suicidé?

- Oui, ça a fait la une des journaux à l'époque, confirma M. Ricardo nullement bouleversé.

- Comment j'ai fait pour ne pas le savoir?

- Ils te l'ont caché, tout simplement. Ta mère ne voulait pas que tu sois exposée à la vérité.

- J'avais quand même neuf ans, j'aurais pu comprendre...

- Ton père avait laissé un mot. Pour toi. Je l'ai sur moi.

Il le sortit de sa poche et me le tendit.

Pour Axandria

Si ta mère a suivi ma demande, tu ne le liras qu'à 16 ans, enfin, à un âge où tu seras en mesure de comprendre ce que je m'apprête à t'écrire. Désolé que ce soit aussi cru, mais ta mère nous a cachés des choses, à toi et moi. Tu n'es pas ma fille. Tu es l'enfant de ta mère, certes, mais elle a eu une liaison avec un de mes employés pendant plusieurs mois. C'est lui ton père. Cela n'explique qu'en partie mon suicide. J'espère toutefois que tu ne douteras jamais de l'amour que j'aie pu te porter malgré mon absence. Je te souhaite de vivre une belle vie et de ne pas commettre les mêmes erreurs que tes parents – biologiques ou adoptifs.

C'était tout. C'était trop.

- Vous auriez très bien pu écrire cela vous-mêmes, soulignai-je en déchiquetant malgré tout le bout de papier avec rage.

- J'y ai pensé, mais une visite chez toi m'a permis de le trouver. Au cas où tu ne me croirais toujours pas, j'ai moi-même préservé cette coupure de journal.

La fameuse une dans laquelle ils relatent toute l'histoire. La province entière connaissait l'histoire de ma famille avant moi. J'en avais la nausée.

- C'est tout?

- Non. J'aimerais savoir maintenant ce que tu penses de tout cela.

- Quelle importance? Ils ne sont même plus là!

- Voyons, il en reste un. Ton père. Ton vrai père.

Cet homme mettait le paquet pour que je sois déboussolée.

- Il est ici. Il travaille pour moi, maintenant. Veux-tu le voir?

- Quoi? Il est ici? Non, non non! Je veux m'en aller. S'il vous plaît, je peux le rencontrer une autre fois.

M. Ricardo me congédia d'un geste. Avant de m'ouvrir la porte, il me souffla à l'oreille :

- Sijamais tu veux revoir ton père, viens me voir et nous le chercherons ensemble.Tu lui ressembles beaucoup, il ne sera pas difficile à repérer. 

L'EnlèvementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant