Chapitre 32

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Quelle perte de temps, se dit Sartes qui, assis dans leur cour en dessous du saule, pelait des pommes de terre pour sa mère pendant que le vent tirait continuellement sur sa tunique bordeaux. Rexus avait dit à Sartes qu'il était trop jeune pour se battre dans la rébellion et il l'avait renvoyé à la maison le temps qu'il grandisse. Seulement, Sartes se sentait inutile, pensait à la mort de Nesos et, assis dans sa cour, pensait à Ceres qui était piégée dans les murs du palais, maltraitée, instrumentalisée et torturée.

Il jeta la patate dans le pot et se mit à en peler une autre.

Comment Rexus pouvait-il s'attendre à ce qu'il reste ici, assis à ne rien faire, à supporter les conséquences de la guerre sans pouvoir apporter son aide de quelque façon que ce soit ? Il savait qu'il n'était pas trop jeune mais les révolutionnaires ne le comprenaient pas. Ce n'était pas parce qu'il avait une petite carrure qu'il n'avait pas de compétences ou de capacités susceptibles d'être utiles dans le guerre contre l'Empire.

Cependant, il avait eu beau insister auprès de Rexus, Sartes avait été renvoyé à la maison pour tenir compagnie à sa mère, peler des légumes et lui servir d'homme à tout faire.

Quand il entendit des roues craquer contre le chemin en gravier, Sartes leva les yeux. La bannière bleue et or de l'Empire flottait au-dessus d'un chariot fermé et des dizaines de soldats de l'Empire marchaient derrière le chariot en deux rangées parfaitement droites.
La porte de devant de la maison s'ouvrit en grinçant et la mère de Sartes s'avança sur le perron en plissant les yeux en direction de la charrette, en se protégeant les yeux d'une main et en fronçant fortement les sourcils.

“Rentre dans la maison, Sartes”, dit-elle.

“Maman —”

“Rentre dans la maison maintenant !” cria-t-elle.

Sartes poussa un soupir d'agacement et lança le couteau dans le seau d'eau et de patates. En marchant vers la maison, il fulmina, furieux que tout le monde le traite comme un enfant incapable.

“Et ne ressors pas avant que je te le dise, tu entends ?” dit sa mère d'un ton sec.

Sartes claqua la porte derrière lui et s'assit à côté de la table de la cuisine. Il épia la scène par le volet partiellement ouvert et vit le chariot de l'Empire ralentir puis s'arrêter juste devant leur cour.

Un soldat de l'Empire descendit d'un bond du siège du cocher et approcha, un parchemin portant le sceau de l'Empire à la main.

“Nous sommes venus recruter ton premier-né dans l'armée royale”, dit le soldat de l'Empire en tendant le parchemin vers la mère de Sartes.

Sartes vit sa mère jeter un coup d’œil au parchemin sans le prendre.

“Ceres est ma fille et, comme vous le savez, elle va épouser le prince Thanos”, dit-elle.

Sartes se leva et se rendit au volet sur la pointe des pieds. Il écouta attentivement.

“Le roi a décrété que nous devions recruter tous les aînés”, dit le soldat de l'Empire.

“Mon fils aîné est mort”, dit-elle d'une voix tremblante.

“Et tes autres fils ?” demanda le soldat de l'Empire.

“Comment osez-vous me demander ça ?” dit la mère de Sartes.

“Le roi n'a exempté ni toi ni tes fils de votre devoir envers lui ou l'Empire. Donc, je te redemande : as-tu d'autres fils ?” poursuivit le soldat de l'Empire.

“Même si j'avais un autre fils, ce qui n'est pas le cas, il deviendrait bientôt le beau-frère du prince et l'armée royale ne pourrait rien exiger de lui.”

La Cité De Délos(Tome 1) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant