La Cité De Délos(Tome 1)

Chapitre 57

Anka gardait la tête baissée en essayant de ne pas attirer l'attention des soldats de la 23ème alors qu'elle traversait la cité de tentes. Jusque là, elle avait eu de la chance. Quelques personnes lui avaient jeté un regard soupçonneux, rien de plus. Connaissant les soldats, ç'aurait pu être bien pire.

Elle avait réussi à s'introduire dans le camp en se déguisant en lavandière car ces dernières  circulaient librement entre les feux de camp. Il n'y avait pas de soldates dans l'armée mais il y avait toujours des domestiques et des civils qui la suivaient dans son périple. Déguisée en une de ces domestiques, elle était aussi invisible que si elle s'était introduite dans le camp sous le couvert de l'obscurité.

Ou du moins elle l'espérait.

Elle ne voulait pas penser à ce qui pourrait lui arriver s'ils l'attrapaient, ou pire, ce qui pourrait arriver à la rébellion. Depuis la mort de Rexus, c'était elle qui avait essayé de remettre la rébellion sur pied, d'assurer aux gens qu'ils pouvaient encore continuer, et encore réussir. Elle avait calmé les disputes, fait passer des messages et trouvé le moyen de persuader leurs sympathisants que ça ne leur retomberait pas dessus.

Chaque seconde qu'elle passait loin de Delos coûtait cher à la rébellion mais elle continua à se repérer dans le camp en tenant son tas de linge comme un bouclier pour se protéger. Elle avait promis à Ceres qu'elle y arriverait quoi qu'il en coûte.

C'était ce qui comptait pour elle et c'était plus qu'il n'en fallait pour qu'elle brave les regards et les sifflets occasionnels des soldats qui la voyaient passer et pour qu'elle en évite les plus grands groupes. Ceres lui avait rendu sa liberté. Sans elle, Anka serait en train de souffrir bien pire que ça.

Le plus dur, c'était de trouver un appelé au milieu de la grande armée de l'Empire. Certains sympathisants lui avaient fourni des informations, la corruption lui en avait apporté d'autres mais, en fin de compte, Anka avait compris qu'il fallait qu'elle suive l'itinéraire des enrôleurs en posant des questions et en espérant que tout irait pour le mieux.

Elle savait que ça ne marcherait pas ici. Si elle demandait où se trouvait Sartes, ça rapporterait autant d'ennuis au frère de Ceres qu'à elle. Anka contempla le camp de l'armée en essayant de comprendre où elle était. Au loin, elle voyait des soldats s'entraîner en ligne et courir pendant que les officiers leur criaient dessus. D'autres creusaient des tranchées ou coupaient du bois pour les palissades.

Elle passa par un espace entre les tentes où un soldat attaché à un poteau se faisait fouetter pour avoir commis une infraction ou une autre. Elle entendit les cris assourdis de l'homme qui mordait une lanière de cuir pour s'empêcher de crier pendant que les autres soldats, probablement des membres de son unité, restaient aux alentours pour assister au châtiment.

Anka ne resta pas le regarder. Ce n'était pas parce qu'elle détestait l'armée qu'elle voulait voir souffrir les individus qui la constituaient. Elle préféra se diriger vers les tentes les plus grandes, qui se dressaient près du centre du camp. Il fallait bien que l'armée garde ses archives quelque part, n'est-ce pas ? Il y aurait forcément des registres du personnel ou des informations précisant qui servait avec qui ou une liste de noms ou une note sur les châtiments infligés aux soldats. Il y aurait forcément quelque chose.

Avec son déguisement, elle pouvait encore plus se rapprocher des tentes qu'elle l'aurait cru. Personne ne l'arrêtait. Elle avait probablement eu une bonne idée quand elle avait décidé de marcher d'un bon pas en essayant d'avoir l'air de savoir où elle allait, alors qu'en fait elle inspectait les lieux du coin de l'œil jusqu'à être sûre de les avoir mémorisés.

Elle trouva la tente qu'elle cherchait à côté du pavillon plus grand d'un commandant et s'y introduisit quand elle se fut assurée que personne ne regardait. Il était logique que le 23ème veuille que leurs adjudants et leurs administrateurs les suivent de près. De plus, il y avait un écritoire avec du parchemin sur une table de voyage pliable, ainsi que de nombreuses boîtes qui contenaient visiblement des archives.