Chapitre 7

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A des kilomètres de distance, Lord Blaku avait déchaîné Ceres et l'avait jetée dans un chariot à esclaves fermé. A présent, elle était assise dans le clair de lune, hébétée, à côté de dizaines de filles dans un chariot-prison qui avançait en cahotant sur la route principale qui sortait de Delos.

La nuit avait été glaciale (elle l'était encore) et, peu protégée de la pluie, Ceres avait frissonné tout le temps et n'avait pas pu dormir. Agrippant les barreaux de ses mains froides, elle était recroquevillée au bout de sa prison mouvante, sur une paille trempée qui puait l'urine et la chair en putréfaction. La pluie s'était arrêtée environ une heure auparavant et, à présent, la lune et les étoiles brillaient.

Ceres avait épié les conversations des gardes, qui étaient assis au-dessus, et quelques-uns d'entre eux avaient dit quelque chose sur Holheim, la capitale de Northland, qui, comme le savait Ceres, était à plusieurs mois de voyage. Ceres savait que, si on l'emmenait là-bas, elle n'aurait aucune chance de revoir sa famille ou Rexus. Cependant, elle préféra enfouir ces pensées dans la partie morte de son cœur. Elle jeta un coup d’œil en arrière et remarqua que la fille qui avait toussé pendant tout le voyage était devenue silencieuse et était maintenant avachie dans le coin arrière, inanimée, les lèvres bleues, la peau blanche.

Une mère et deux jeunes filles étaient assises à côté du cadavre, semblant ne pas se rendre compte du décès de la fille. Tout ce qui intéressait les filles, c'était de se battre pour avoir droit de s'asseoir sur les genoux de leur mère. Il valait mieux qu'elles fassent ça que se rendre compte que la mort était toute proche, se disait Ceres.

Quelques filles assises contre la paroi d'en face de Ceres avaient un air apeuré dans leurs yeux résignés, et quelques autres sanglotaient en silence en regardant en dehors de la cage avec envie. Ceres ne ressentait ni peur ni tristesse. Elle ne pouvait pas se permettre d'avoir peur, ici. Quelqu'un pourrait le remarquer, la considérer comme une faible et se servir de sa faiblesse contre elle. Au lieu de laisser libre cours à la peur, elle atteignait un tel niveau d'indifférence que son sort ne l'intéressait quasiment pas.

“Dégage de ma place”, cria une fille blonde à une autre.

“J'ai toujours été ici”, répondit la deuxième fille, dont la peau lisse et olivâtre luisait dans le clair de lune.

La blonde souleva la fille au teint olivâtre par les oreilles et la jeta sur la paille trempée du plancher. Quelques-uns des filles eurent le souffle coupé, mais la plupart des filles détournèrent le regard en faisant semblant de ne pas remarquer le chahut.

“C'est mon chariot”, s'exclama la blonde. “Toutes ces places m'appartiennent.”

“Non”, dit une fille à la peau sombre qui se leva d'un bond, les mains sur les hanches.

Elles se fixèrent l'une l'autre l'espace d'un instant et, dans la charrette, tout le monde se tut et observa les rivales en attendant de voir ce qui allait se passer.

Avec un sifflement, la blonde poussa la fille à la peau sombre et, en quelques secondes, elles se retrouvèrent par terre en train de lutter. Elles agitaient bras et jambes en criant de toutes leurs forces, pendant que quelques esclaves avides d'action les encourageaient à continuer.

Après un match nul, la fille au teint olivâtre se leva lentement et repartit vers l'arrière, tachetant les parois de la cage de son sang, qui lui coulait du nez. Le chariot fit une embardée et elle gigota en s'asseyant par terre en face de Ceres. Essuyant son sang de sa manche marron, usée jusqu'à la corde et crasseuse, elle regarda Ceres dans les yeux.

“Je m'appelle Anka”, dit-elle.

Le clair de lune rentrait dans la cage et brillait sur le visage de la fille et Ceres se dit que la fille avait les yeux les plus étranges qu'elle ait jamais vus : des iris marron foncé avec des raies de turquoise. Ses cheveux étaient longs, épais et noirs, et Ceres pensa que la fille devait avoir à peu près le même âge qu'elle.

La Cité De Délos(Tome 1) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant