Ceres haleta quand l'eau s'abattit sur elle. La chute la martelait. Elle tituba sous le choc et dut se battre pour tenir bon. Elle ne comprenait pas du tout pourquoi Eoin pensait que l'endroit idéal pour s'entraîner en arts martiaux tels qu'ils les pratiquaient sur l'île devait forcément se trouver sous une chute, mais, à cet instant elle aurait voulu qu'il choisisse un autre endroit, n'importe où du moment que c'était ailleurs.
Évidemment, Eoin se tenait dans le bassin peu profond d'au-dessous et il était aussi calme que s'il se trouvait sous une pluie d'été. Il semblait tout juste élever la voix pour se faire entendre malgré son vacarme. “C'est le Tissu de Nuages.”
Ceres tremblait sous l'effort mais essaya d'imiter les mouvements d'Eoin. Elle essaya de se concentrer malgré l'impitoyable martèlement de l'eau, mais il était presque impossible de tout bien faire dans le détail et Eoin semblait vouloir lui faire atteindre la perfection dans chaque mouvement. Quand il lui faisait incessamment répéter les mouvements, cela semblait être l'unique domaine où son sourire facile disparaissait.
Elle le vit refaire ce mouvement aller-retour complexe des mains qui ressemblait plus à ce qu'aurait pu faire un danseur de la cité qu'à un cours de combat. Elle essaya d'imiter le mouvement et Eoin secoua la tête.
“Plus lentement.”
C'était le plus dur. Elle avait l'habitude des combats rudes et agités du Stade, mais le mode de combat des insulaires semblait inclure ce qui, pour Ceres, ressemblait à une danse au ralenti. Elle voulait accélérer le mouvement, se battre.
“Quand pourra-t-on accélérer ?” demanda Ceres.
“Quand tu sauras bien le faire lentement”, dit Eoin. Finalement, il sourit. “Tu progresses, mais il faut que tu apprennes à bouger en harmonie avec le monde, Ceres. Apprends les leçons que le monde a à t'enseigner.”
“Et que m'apprend la leçon qui consiste à rester debout dans une chute d'eau ?” demanda Ceres, sur qui l'eau continuait à s'abattre.
Elle vit les mains d'Eoin refaire le mouvement avec fluidité. “Je ne sais pas. Les gens apprennent leurs propres leçons. Le sens de tout ça, c'est peut-être que les choses les plus douces peuvent devenir dures et impitoyables. Peut-être est-ce de laisser tranquillement le monde te couler dessus.” Son sourire s'élargit. “Peut-être que, s'il est inévitable que tu te mouilles, tu pourrais aussi bien l'accepter.”
Ceres aurait voulu protester contre cette affirmation et contre cet interminable entraînement qui ressemblait si peu à du combat. Cependant, avant qu'elle puisse le faire, un des autres habitants de la forêt accourut. Celui-ci était à un stade plus avancé de la maladie que ne l'était Eoin et il était presque aussi végétal qu'humain.
“Eoin, il y a des gens qui débarquent sur la côte en ardoise. On dirait des pillards qui se dirigent vers le village.”
Ceres entendit soupirer Eoin. “N'apprendront-ils donc jamais ? D'accord, j'arrive.”
“Devrais-je rester ici avec Ceres ?” demanda le nouveau venu.
“Je devrais y aller moi aussi”, dit Ceres. “Je pourrais peut-être vous aider.”
Eoin rejeta sa proposition d'un signe de la main. “On peut faire face. Cela dit, tu pourras peut-être apprendre quelque chose en regardant. Suis-moi.”
Il rejoignit le village en courant sur les pistes qui traversaient la jungle et Ceres eut peine à ne pas se faire distancer. Elle était forte et rapide mais Eoin semblait traverser les arbres à toute vitesse avec autant de naturel que s'il en faisait partie. Quand ils atteignirent le bord du village, Ceres était à bout de souffle alors que Eoin donnait l'impression qu'il aurait pu courir une heure de plus.
Elle vit des hommes courir dans le village, les armes à la main. L'espace d'un instant, Ceres pensa qu'ils pourraient être des soldats de l'Empire venus la pourchasser et la peur la traversa, puis elle vit que leurs armes étaient primitives et leurs armures faites de bric et de broc. C'étaient vraiment des pirates et des pillards, pas une armée.
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La Cité De Délos(Tome 1)
FanfictionCeres,17 ans, fille pauvre et belle de Delos, cité de l'Empire, mène la vie dure et impitoyable d'une roturière. Le jour, elle livre les armes forgées par son père au terrain d'entraînement du palais, et la nuit, elle s'entraîne secrètement avec eux...