Chapitre 47

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Alors que Berin voyageait vers le sud à la recherche des soldats qui avaient enrôlé son fils, chaque pas lui arrachait le cœur. Chaque pas l'éloignait un peu plus de sa fille, qu'il avait abandonnée dans une cité où elle devrait bientôt se battre à mort. A chaque fois que son pied touchait le sol, il lui semblait faire un choix impossible, un choix qu'il ne faisait que parce que sa fille avait insisté.

Avait-il fait une erreur ?

Berin portait sur lui tous les ravitaillements possibles et ils lui pesaient constamment sur le dos. Sortir de la cité avait été assez facile et, ensuite, il avait poursuivi son chemin sur les grandes routes aussi longtemps qu'il l'avait pu. Après tout, les routes étaient là pour faciliter le déplacement de l'armée, donc, y rester semblait être le meilleur moyen de retrouver l'unité qui avait enrôlé son fils. Il ne quittait la route que quand il entendait arriver d'autres soldats et, à chaque fois que ça arrivait, il se cachait à côté de la route jusqu'à ce qu'ils soient passés. En ces temps troublés, il ne voulait pas risquer de croiser des soldats, des bandits ou pire encore.

Il arriva dans un village après des heures de marche et n'eut aucune difficulté à voir que l'armée y était déjà passée. Le village était trop silencieux, à l'image des lieux qui sont silencieux après l'orage. Berin avait déjà vu ce genre de chose au cours des années où il avait suivi l'armée en tant que forgeron. Rien qu'avec le nombre d'hommes qu'elles contenaient, les armées dévastaient la campagne environnante indépendamment du camp dans lequel elles se situaient. Si une armée restait trop longtemps à un endroit, elle le dépouillait de tout ce qu'il avait et les habitants de l'endroit mouraient de faim. Une partie de Berin soupçonnait que, si l'Empire envoyait son armée attaquer ses ennemis étrangers, c'était simplement pour ne pas avoir à la nourrir au pays.

Il détestait l'idée que Sartes soit prisonnier de cette situation. Face à la brutalité des forces de l'Empire, il ne saurait pas se débrouiller. Il n'était pas assez cruel ou assez fort. Le plus tôt Berin arriverait à retrouver son fils, le mieux ce serait.

Berin vit un petit marché au milieu du village, mais il n'avait plus beaucoup d'étals, maintenant. Ceux qui restaient semblaient ne plus rien avoir d'intéressant à vendre. Sur les charrettes à bras et sous les stores, on voyait autant d'espaces vides que de marchandises à vendre. Berin s'arrêta à l'étal quasiment vide d'un marchand de fruits.

“Est-ce que l'armée vient de passer ?” demanda-t-il.

“Ouais. Et puis ils m'ont pris la moitié de mon stock.”

Berin hocha la tête par sympathie. Maintenant, le village allait probablement connaître une mauvaise période pendant laquelle les marchands et les petits propriétaires allaient essayer de se remettre à flot. Cependant, à ce moment, Berin avait peine à se concentrer sur autre chose que sur ce qui était arrivé à Sartes.

“Sais-tu dans quelle direction ils sont partis ?” demanda Berin.

“Pourquoi ? Tu veux t'enrôler ?” Le marchand de fruits posa la question avec un rire et Berin se força à l'imiter.

“Peut-être. Cela dit, je pense qu'il vaudrait mieux que je continue à forger.”

“Tu es forgeron ?” dit le marchand de fruits. “Dans ce cas, tu devrais rester ici. Il y aurait beaucoup de travail pour toi.”

Berin secoua la tête, mais non sans une pointe de regret. Quelques mois auparavant, s'il avait bénéficié d'une offre de ce style, il aurait pu ne pas quitter sa famille. Ils auraient pu trouver un logement dans ce village et y vivre en paix. Cependant, maintenant, c'était trop tard. “C'est une bonne idée mais il y a choses qu'il faut que je fasse.”

La Cité De Délos(Tome 1) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant