Debout à la proue de son navire, les narines pleines de l'odeur de l'océan, Thanos repéra Haylon à l'horizon et, immédiatement, le regret l'envahit. A chaque souffle qu'il avait pris lors de ce voyage, à chaque centimètre, le regret n'avait fait que s'accroître. Maintenant qu'il était en vue de sa destination, tout lui était soudain évident : d'après tout ce qu'il savait, il comprenait qu'il avait eu tort de ne pas fuir le château et son oncle avec Ceres.
Or, à ce moment, son regret se transforma en honte. Oui, il avait honte d'avoir laissé le roi le manipuler une fois de plus, cette fois-ci en les dressant l'un contre l'autre, Ceres et lui.
Les vagues s'écrasaient contre le navire en dessous de lui et des gouttes d'eau salée éclaboussaient son visage fiévreux. Une brise marine lui courait constamment dans les cheveux pendant qu'il regardait les mouettes plonger dans l'océan pour n'en ressortir qu'avec un poisson dans le bec.
Si seulement j'étais libre, pensa-t-il.
Il avait encore le mal de mer, qu'il avait attrapé une semaine auparavant, quand le navire avait quitté les côtes de Delos pour aller voguer vers le sud. Maintenant, la vue d'Haylon lui donnait envie de plonger dans l'océan, de nager jusqu'à la côte et de vénérer les plages de sable blanc qui entouraient l'île. De la terre, de la terre solide, pensait-il. Il ne s'était jamais rendu compte qu'elle pouvait lui manquer à ce point.
Il fut impressionné par le paradis qu'il découvrit près de lui. A mesure qu'ils approchaient, il constatait que l'île, point névralgique commercial entre toutes les nations de l'ouest, était spectaculairement belle quand on la voyait s'élever de la mer avec les hautes montagnes verdoyantes qui se dressaient derrière la cité et les bâtiments qui renvoyaient un éclat doré dans le soleil du soir. C'était la première fois qu'il venait ici et, plus ils se rapprochaient, plus il aurait voulu effectuer sa première visite en des circonstances complètement différentes, pas pour tuer les habitants ou pour détruire la belle architecture de leurs bâtiments à la splendeur inégalée.
Il suivit du regard la route tortueuse qui courait de l'entrée de la cité et passait des dômes et des tours pour arriver jusqu'au château, qui reposait sur une colline. C'était la route que le général Draco avait décrite lors des réunions stratégiques, la route qu'ils allaient prendre pour s'emparer du château. La route où coulerait le sang. La route qui serait méconnaissable quand ils l'auraient empruntée. Le mur qui entourait la cité était haut mais, avec des échelles, des cordes, des catapultes, des flèches enflammées et des dizaines de milliers de soldats de l'Empire qui attaqueraient tous en même temps, la cité serait assez vite conquise, avait dit le général Draco. Et Thanos savait que c'était vrai.
Quand il se retourna pour regarder son équipage, il remarqua que la tension qui régnait à bord était devenue si épaisse qu'il avait l'impression d'être comme entouré par un mur. Ce qu'il détectait était-il plus que la simple nervosité des guerriers ? Pendant tout le voyage, Thanos avait senti que quelqu'un ou quelque chose l'observait, que des regards lui brûlaient la nuque mais, quand il s'était retourné, il n'avait rien vu ni personne. Il avait décidé de penser à autre chose, s'était dit qu'il devenait paranoïaque mais, dès qu'il n'y pensait plus, il avait à nouveau la sensation soudaine que des doigts froids lui effleuraient la colonne vertébrale.
Il fit un signe de tête au général Draco, qui se tenait à côté d'un homme immense qui portait une armure dorée et un casque à visière. Ce malabar était le soldat de l'Empire le plus grand que Thanos ait jamais vu, un vrai géant. Les autres hommes du navire l'appelaient le Typhon, bien que Thanos ne pense pas que ce soit son vrai nom. Selon la rumeur, le Typhon avait affronté un groupe de vingt guerriers sauvages du nord à la fois et les avait tous tués en moins de cinq minutes.
Le général Draco et le Typhon allaient mener l'attaque contre la grande cité et Thanos mènerait le second groupe de soldats quand les grandes portes de la cité auraient été forcées. Le général Draco leur avait ordonné d'attaquer immédiatement pour ne pas laisser aux rebelles de Haylon la possibilité de rassembler leurs armées, bien que Thanos soit certain qu'ils avaient déjà vu leur flotte et que leur armée était plus que prête à défendre la cité. Cela dit, Thanos savait que personne ne pourrait résister au nombre de soldats que le roi Claudius avait envoyé.
On mit des centaines de barques à rames à l'eau, sur l'océan agité bleu azur, et les soldats de l'Empire descendirent dans les vaisseaux avec leurs armes et leur lourde armure. D'autres embarcations, plus lourdes, portaient des catapultes et des rochers.
Le général Draco invita Thanos à monter dans son bateau et Thanos s'assit avec le Typhon. A côté de l'animal, il ressemblait à un nain.
"N'oubliez pas que le but est de prendre la cité en moins d'une heure, avant la tombée du jour", dit le général Draco. "Tuez tous ceux qui résistent."
"Nous épargnerons les femmes et les enfants, n'est-ce pas ?" dit Thanos.
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"Tant qu'ils obéissent", dit le général Draco. "Tant qu'ils se prosternent devant la bannière de l'Empire et qu'ils promettent de se soumettre au lois du roi."
"Je ne vois pas en quoi les femmes et les enfants pourraient être une menace, même s'ils résistaient", dit Thanos.
"Ce sont les ordres du roi. Je ne les remets pas en question", dit le général Draco d'un ton sec en jetant un regard mauvais à Thanos.
Thanos détourna le regard mais décida de ne tuer ni les femmes ni les enfants, même s'ils se rebellaient.
Ils atteignirent la côte et Thanos bondit hors du bateau. L'eau chaude de l'océan juste au-dessus des genoux, il traîna la lourde embarcation en chêne jusque sur la plage avec les autres soldats de l'Empire. Juste au moment où il jetait un coup d'œil en arrière, Thanos vit le général Draco et le Typhon échanger un regard puis le général hocher la tête avant de se diriger vers la plage de sable blanc.
Tout d'abord, Thanos trouva ce geste un peu louche mais, quand le général se tourna vers lui et lui fit aussi un signe de tête, il n'y pensa plus.
Les bateaux furent tirés sur la côte, les armes et l'artillerie placées dans des chariots et les soldats de l'Empire organisés en douze bataillons, dont un serait dirigé par Thanos.
Il prit place devant ses hommes et les mena vers le sud, le long du littoral, en pataugeant dans une eau à hauteur de cheville. Il sentait courir en lui cette sensation familière, mélange d'excitation, de peur et d' adrénaline : la bataille allait commencer.
Pourtant, alors que Thanos n'avait pas encore parcouru un grand chemin et que l'eau lui éclaboussait encore les chevilles, soudain, sans avertissement, il ressentit une douleur lancinante dans le haut du dos.
Il tomba à genoux, abasourdi, sans comprendre ce qui se passait.
Il ressentit la présence de métal froid dans son dos et comprit soudain qu'il venait de se faire poignarder.
Il resta agenouillé sur place, étourdi, sans comprendre. Ils étaient encore loin d'avoir rejoint l'ennemi.
Ensuite, Thanos sentit qu'on lui retirait l'épée et il hurla. La douleur était insupportable. Il leva les yeux et vit le Typhon s'avancer devant lui et nettoyer la lame de son épée pour en retirer le sang de Thanos.
Le Typhon regarda Thanos avec un large sourire et, à ce moment, Thanos comprit qu'on était en train de l'assassiner.
Et que personne ne venait à son aide.
"Quels sont tes derniers mots ?" demanda le Typhon de sa voix incroyablement grave.
Thanos haleta.
"Qui t'a envoyé ?" réussit-il à demander.
"Je te le dirai", répondit le Typhon, "quand tu seras mort."
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La Cité De Délos(Tome 1)
أدب الهواةCeres,17 ans, fille pauvre et belle de Delos, cité de l'Empire, mène la vie dure et impitoyable d'une roturière. Le jour, elle livre les armes forgées par son père au terrain d'entraînement du palais, et la nuit, elle s'entraîne secrètement avec eux...