Respirant avec difficulté, Sartes courait parmi les tentes de l'armée, un parchemin serré dans la main. Il s'essuya la sueur des yeux. Il savait que, s'il n'arrivait pas assez tôt à la tente de son commandant, il serait fouetté. Il se baissait rapidement et se frayait un chemin de son mieux, car il savait qu'il ne lui restait presque plus de temps. Il avait déjà été retardé bien trop souvent.
Sartes avait déjà des marques de brûlure sur les tibias à cause des fois où il s'était trompé. A présent, leurs piqûres n'étaient que quelques-unes des nombreuses qu'il avait. Il cligna des yeux, désespéré, et scruta le camp militaire en essayant de trouver la bonne direction à prendre dans l'infini quadrillage de tentes. Il y avait des signes et des étendards pour indiquer la route mais il avait encore peine à assimiler leur signification.
Sartes sentit quelque chose lui accrocher le pied. Il tomba et le monde sembla se renverser pendant sa chute. L'espace d'un instant, il crut qu'il avait trébuché sur une corde mais, quand il leva les yeux, il vit des soldats qui riaient. Celui qui se trouvait à leur tête était un homme plus âgé. Ses cheveux longs comme une barbe de trois jours viraient au gris et il avait les cicatrices que lui avaient infligées les trop nombreuses batailles qu'il avait connues.
Alors, Sartes ressentit de la peur mais aussi une sorte de résignation; c'était simplement la vie à l'armée pour un appelé comme lui. Il ne demanda pas à savoir pourquoi l'autre homme avait fait ça parce que, s'il disait quelque chose, il se ferait inévitablement battre. Pour autant qu'il sache, il y avait de fortes chances pour que cela arrive quoi qu'il fasse.
Au lieu de se révolter, il se leva et enleva la plus grande partie de la boue de sa tunique.
“Tu fais quoi, gamin ?” demanda autoritairement le soldat qui l'avait fait tomber.
“J'ai une commission pour mon commandant, monsieur”, dit Sartes en soulevant un morceau de parchemin pour que l'autre homme le voie. Il espérait que ça suffirait à lui éviter les ennuis. C'était rarement le cas, en dépit des règles qui disaient que les ordres avaient plus d'importance que toute autre chose.
Depuis qu'il était arrivé ici, Sartes avait appris que l'Armée Impériale avait beaucoup de règles. Certaines étaient officielles : quitter le camp sans permission, refuser de suivre les ordres ou trahir l'armée pouvait vous valoir la peine de mort. Si on marchait dans le mauvais sens ou qu'on faisait quelque chose sans permission, on pouvait se faire battre. Cela dit, il y avait aussi d'autres règles. Elles étaient moins officielles mais pouvaient être tout aussi dangereuses à enfreindre.
“De quelle commission s'agit-il ?” demanda à savoir le soldat. A présent, d'autres soldats se rassemblaient pour contempler la scène. Comme l'armée fournissait toujours trop peu de sources de distraction, s'il y avait la perspective d'un peu d'amusement aux dépens d'un appelé, les gens venaient y assister.
Sartes fit semblant de s'excuser de son mieux. “Je ne sais pas, monsieur. On m'a seulement ordonné de livrer ce message. Vous pouvez le lire si vous voulez.”
C'était un risque calculé. La plupart des soldats ordinaires ne savaient pas lire. Il espérait que son ton ne lui vaudrait pas de se faire gifler pour insubordination, mais il essayait aussi de ne pas montrer de peur. Ne jamais montrer de peur était une des règles tacites. L'armée avait au moins autant de règles tacites que de règles officielles. C'étaient les règles qui disaient qui il fallait connaître pour avoir accès à une meilleure nourriture, qui connaissait qui et de qui il fallait se méfier indépendamment du grade. Connaître ces règles semblait être le seul moyen de survivre.
“Bon, ben, tu ferais mieux de poursuivre ta route, dans ce cas !” rugit le soldat en envoyant un coup de pied en direction de Sartes pour le faire bouger. Les autres soldats présents rirent comme si c'était la meilleure blague qu'ils aient jamais vue.
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La Cité De Délos(Tome 1)
FanfictionCeres,17 ans, fille pauvre et belle de Delos, cité de l'Empire, mène la vie dure et impitoyable d'une roturière. Le jour, elle livre les armes forgées par son père au terrain d'entraînement du palais, et la nuit, elle s'entraîne secrètement avec eux...