Alors que Berin progressait sur la route de Delos, il avait le mal du pays. La seule chose qui le faisait avancer, c'était de penser à sa famille, à Ceres. Les journées de marche l'avaient éreinté, la route sous ses pieds était pleine d'ornières et de cailloux mais l'idée de retrouver sa fille suffisait à le convaincre qu'il devait poursuivre son chemin. Ses os ne rajeunissaient pas et il sentait déjà que son genou souffrait du voyage, douleur qui s'ajoutait à celles qui venaient d'une vie passée à marteler et à chauffer le métal.
Cela dit, ça valait vraiment la peine de rentrer à la maison, de voir sa famille. Pendant tout le temps qu'il avait passé au loin, c'était tout ce qu'il avait voulu. Il pouvait se l'imaginer, maintenant. Marita serait en train de faire la cuisine à l'arrière de son humble demeure en bois et l'odeur s'échapperait par la porte de devant. Sartes serait en train de jouer quelque part derrière, Nasos serait probablement en train de le regarder même si son fils aîné prétendrait qu'il n'en était rien.
Et puis il y aurait Ceres. Il aimait tous ses enfants mais, avec Ceres, il avait toujours eu plus d'affinités. C'était elle qui l'avait aidé à la forge, elle qui lui ressemblait le plus et qui semblait le plus susceptible de lui succéder. Le devoir avait exigé qu'il quitte Marita et les garçons et cela avait été dur et nécessaire pour subvenir aux besoins de sa famille. En partant, quand il avait laissé Ceres, il avait eu l'impression de laisser une partie de lui-même.
Maintenant, il était temps de retrouver cette partie.
Berin aurait voulu apporter de meilleures nouvelles. Marchant le long de la piste en gravier qui menait chez lui, il fronçait les sourcils. Ce n'était pas encore l'hiver mais il viendrait bien assez vite. Il avait eu pour projet de partir chercher du travail. Les seigneurs avaient toujours besoin de forgerons car il leur fallait des armes pour leurs gardes, leurs guerres, leurs Tueries. Pourtant, il s'était avéré qu'ils n'avaient pas besoin de lui. Ils avaient leurs propres hommes, plus jeunes, plus forts. Même le roi qui avait semblé désirer son travail avait finalement voulu Berin comme il avait été dix ans auparavant.Même si l'idée lui faisait de la peine, il savait quand même qu'il aurait dû deviner qu'ils n'auraient que faire d'un homme dont la barbe était plus grise que noire.
Ça lui aurait fait encore plus de peine si ça n'avait pas signifié qu'il pouvait rentrer chez lui. La maison était la chose qui comptait le plus pour Berin, même si ce n'était guère mieux qu'un carré de murs en bois grossièrement sciés surmonté d'un toit de gazon. La maison, c'était être attendu et il lui suffisait de penser à ceux qui l'attendaient pour marcher plus vite.
Cependant, quand il passa de l'autre côté d'une colline et revit sa maison, Berin sut que quelque chose n'allait pas. Le découragement l'envahit. Berin savait à quoi ressemblait sa maison. Malgré toute la désolation des terres environnantes, la maison était un endroit qui débordait de vie. Il y avait toujours du bruit chez lui, que ce soit un bruit de joie ou de disputes. De plus, en cette période de l'année, il y avait toujours au moins quelques cultures qui poussaient dans le lopin de terre des alentours, des légumes et des petits buissons de baies, des plantes résistantes qui produisaient toujours au moins un peu de nourriture pour eux.
Ce n'était pas ce qu'il voyait devant lui.
Berin se mit à courir aussi vite qu'il le pouvait après une si longue marche. Il était rongé par l'idée que quelque chose allait mal, avait l'impression d'avoir un de ses étaux serré autour du cœur.
Il atteignit la porte et l'ouvrit brusquement. Peut-être, se disait-il, que tout irait bien. Peut-être l'avaient-ils repéré et faisaient-ils tout pour que son arrivée soit une surprise.
Il faisait sombre à l'intérieur. Les fenêtres étaient encrassées. Et là, il y avait quelqu'un.
Marita se tenait dans la pièce principale. Elle remuait le contenu d'un pot qui lui semblait avoir tourné. Quand Berin entra brusquement, elle se retourna vers lui et, quand elle le fit, Berin sut qu'il avait eu raison. Quelque chose n'allait pas. Quelque chose n'allait vraiment pas.
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La Cité De Délos(Tome 1)
FanfictionCeres,17 ans, fille pauvre et belle de Delos, cité de l'Empire, mène la vie dure et impitoyable d'une roturière. Le jour, elle livre les armes forgées par son père au terrain d'entraînement du palais, et la nuit, elle s'entraîne secrètement avec eux...