Traînée de force vers le navire-prison, Ceres avançait dans l'obscurité en trébuchant. Autour d'elle, elle entendait les railleries et les insultes des gens devant lesquels elle passait. Elle ne pouvait pas les voir mais elle entendait leur haine et leur mépris soudains se déverser sur elle comme l'eau d'un orage.
Ceres tressaillit quand quelque chose la frappa et rebondit sur son plastron. C'était peut-être un morceau de fruit ou une pierre, elle ne savait pas. Comme elle n'y voyait rien et qu'on contrôlait ses mouvements, elle n'avait aucune chance d'éviter les projectiles. Son plastron et son kilt lui offraient quelque protection mais, en fait, ils la rendaient surtout plus facile à identifier par la foule.
“Assassin !”
“Esclave !”
Le plus dur, c'était d'entendre de la colère chez les mêmes voix qui avaient scandé son nom au Stade il y avait peu. Ceres savait que les membres de la famille royale avaient dû commencer à répandre leurs rumeurs et leurs annonces avant même la fin de son combat au Stade, parce que, autrement, jamais la rumeur n'aurait pu se répandre aussi rapidement.
Elle sentait le métal lui tirer sur les poignets parce que les gardes la tiraient par les chaînes avec lesquelles elle était attachée. Ceres n'allait pas contre le mouvement mais sentait quand même leurs coups secs et leurs mouvements brusques par l'intermédiaire des chaînes. Elle entendait rire les gens alors qu'elle avançait en trébuchant et comprenait que c'était le but. Ils voulaient qu'elle soit humiliée.
Finalement, ils s'arrêtèrent et les gardes lui retirèrent la capuche de la tête, ce qui la fit battre des cils dans la lumière du soleil, qui lui semblait aveuglante après l'obscurité qu'elle venait de traverser.
Une forme énorme se dressait devant elle et il lui fallut un moment pour distinguer les détails du navire qui mouillait en ce lieu. C'était un navire laid et massif, volumineux et rond, en piteux état et avec des équipements rouillés. Le navire-prison semblait être conçu pour faire anticiper aux prisonniers les horreurs qu'ils allaient rencontrer sur l'Île des Prisonniers. Même sa passerelle ressemblait à la colonne vertébrale d'une créature morte depuis longtemps.
Ils y emmenèrent Ceres de force et elle avança en traînant les pieds. Elle eut le temps de regarder en arrière et de voir la foule, cet océan de visages furieux qui étaient tous venus lui montrer la haine qu'ils lui vouaient. Était-ce à cause des choses que les membres de la famille royale avaient dit sur elle ou parce qu'elle avait perdu ou les deux ? Elle ne savait pas.
La passerelle semblait s'étendre jusqu'à l'infini. Ceres pensa à en sauter pour plonger dans l'eau d'au-dessous mais, comme elle était enchaînée, elle aurait immédiatement coulé, en supposant même qu'elle puisse se libérer de l'étreinte des gardes.
Ses pas semblaient secouer la passerelle et, un instant, Ceres se dit qu'elle allait tomber de toute façon. Elle sentit les gardes resserrer leur étreinte sur elle et la propulser vers l'avant, ce qui fait qu'elle atterrit sur le bois râpeux du pont. Au-dessus d'elle, des voiles tachées de noir étaient enroulées sur leur mât et elle vit des marins paresser sur le pont en la regardant de la même façon que les foules d'au-dessous.
Ceres se remit debout mais les gardes la saisirent à nouveau. Ils la traînèrent vers une trappe barrée de fer, ouverte au ciel, puis l'y lancèrent, ce qui fait qu'elle descendit les marches menant vers le bas en trébuchant. Elle essaya de se recroqueviller et de rouler pour éviter de se faire mal mais, même ainsi, l'impact la secoua.
La première chose qui la frappa fut l'odeur des gens, trop nombreux dans un lieu trop petit, la puanteur rendue violente et âcre par la sueur. Il y avait en cet endroit des gens agglutinés et enchaînés. Ceres vit des hommes, des femmes et des enfants mélangés sans ordre ni soin apparents. Certains étaient attachés ensemble en de longues caravanes alors que d'autres étaient attachés au mur. Ceres se mit à se demander d'où ils venaient tous et ce qu'ils avaient fait.
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La Cité De Délos(Tome 1)
FanfictionCeres,17 ans, fille pauvre et belle de Delos, cité de l'Empire, mène la vie dure et impitoyable d'une roturière. Le jour, elle livre les armes forgées par son père au terrain d'entraînement du palais, et la nuit, elle s'entraîne secrètement avec eux...