Chapitre 35

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Ceres était assise sur le sol humide du cachot, le dos contre le mur de pierre froide, entièrement vaincue. Les larmes coulaient incessamment sur son visage. Comment — comment pouvait-elle continuer ? Thanos l'avait quittée. Nesos était mort. Et, pire encore, Rexus …

Elle poussa un petit sanglot et inspira irrégulièrement en se souvenant soudain. Rexus, abattu par derrière, échappant à son étreinte, partant vers l'arrière, tombant par la fenêtre de la tour. Arraché à ses bras au moment où ils avaient été si proches, sur le point de commencer une nouvelle vie ensemble.

C'était trop cruel.

Ceres sanglota. Elle se rendait compte que, maintenant, elle n'avait plus rien à craindre. On aurait dit que même sa vie ne comptait plus.

Au bout d'un temps indéterminé, elle entendit des bruits de pas approcher dans le hall. Elle ne bougea pas. Elle ne se souciait plus de ce que les membres de la famille royale lui faisaient. S'ils  venaient pour la tuer, elle accueillerait la mort miséricordieuse à bras ouverts.

Une femme et trois hommes apparurent de l'autre côté des barreaux. Ceres refusa de lever les yeux mais comprit que la femme était Stephania à cause du parfum à la rose excessivement sucré qu'elle sentait.

Un soldat de l'Empire déverrouilla la cellule mais Ceres continua à regarder par terre. Elle refusait de reconnaître leur présence.

“On t'a ordonné de te rendre au Stade”, dit un soldat de l'Empire.

Ceres ne bougea pas.

“Tu vas participer aux Tueries.”

Ceres sentit la vie la quitter brusquement. Donc, ils allaient quand même la tuer.

Le soldat la saisit par le bras, la redressa brusquement et lui attacha les poignets derrière le dos. Quand Ceres leva finalement les yeux, elle vit sourire Stephania.

Stephania s'avança.

“Avant que tu meures”, dit-elle d'une voix haineuse, “je me suis dit qu'il fallait que tu saches quelque chose.”

Elle se pencha près de Ceres, qui trouva désagréable son haleine chaude.

“J'ai envoyé un messager à Haylon”, dit-elle, “pour qu'il transmette un message très spécial. J'ai dit à Thanos de ne jamais me défier, de ne jamais me ridiculiser. Maintenant, finalement, il a appris pourquoi.”

Elle fit un sourire radieux et satisfait, bien que Ceres ne sache pas pourquoi.

“Thanos”, dit-elle, “est mort.”

Les soldats de l'Empire traînèrent Ceres dans le couloir du cachot qui sentait le renfermé et lui firent monter l'escalier. Ils traînèrent Ceres à l'extérieur et l'emmenèrent dans un chariot clos. Quand la porte fut fermée à clé et que les soldats eurent pris place à l'avant, le chariot sortit de la cour du palais et roula dans les rues de Delos. Ils passèrent devant des maisons et se frayèrent un chemin au sein des hordes de citoyens qui se dirigeaient vers le Stade.

Ceres remarquait à peine ce qui l'entourait; tout passait et disparaissait, flou. Plus rien n'avait d'importance. Tous ceux qu'elle aimait étaient loin ou morts.

Éberluée, elle se rendit compte qu'ils passaient par la Place de la Fontaine et le visage de Rexus lui revint subitement en mémoire. Quelques semaines auparavant, ils étaient ici, heureux, pleins d'espoir, libres.

Et la veille, elle l'avait tenu dans ses bras, il lui avait déclaré son amour et, un moment plus tard, il avait fait une chute mortelle. Comment un être aussi vif, aussi vivant, pouvait-il ne plus être qu'un souvenir ?

A l'extérieur du Stade, le chariot s'arrêta en grinçant. Un soldat de l'Empire traîna Ceres hors du chariot et l'emmena dans les tunnels.

Ils passèrent devant des seigneurs de guerre et des gardiens d'armes. Les chants de la foule s'entendaient jusque là.

Finalement, le soldat la jeta dans une petite pièce et lui ordonna de revêtir l'armure qui se trouvait sur le banc. Il partit en fermant la porte à clé derrière lui.

Seule, Ceres se déshabilla et mit la jupe en cuir et le plastron. Elle se rendit compte qu'ils étaient parsemés de clous en or, confortables et neufs, faits sur mesure pour elle et qu'ils lui allaient parfaitement bien. Elle mit les bottes et remarqua qu'elles étaient à sa taille elles aussi et faites en cuir souple avec des lacets dont les extrémités étaient décorées avec de l'or.

Pendant toutes ces années, elle avait rêvé de devenir seigneur de guerre, de manier une épée dans une arène devant des milliers de spectateurs.

Et pourtant, maintenant,  elle détestait être ici. D'une façon ou d'une autre, le roi et la reine lui avaient volé son rêve, l'avaient terni et l'avaient forcée à se battre pour les gens même qu'elle détestait.

Moins d'une minute plus tard, le soldat de l'Empire revint et lui ordonna de la suivre.

Ils parcoururent le tunnel sombre, passèrent devant des armes, des dizaines de seigneurs de guerre vaincus et leurs gardiens d'armes. Quand elle arriva à la porte, Ceres entendit la foule rugir à l'extérieur et eut l'estomac noué.

“Paulo sera ton gardien d'armes”, dit le soldat de l'Empire.

Elle se retourna et vit Paulo qui, plutôt petit, n'était qu'un tas de muscles avec une peau sombre et lisse. Ses cheveux noirs encadraient un visage en forme de cœur et il avait quelques poils de barbe au menton en dessous de ses lèvres charnues.

“Ce sera un honneur de te servir”, dit Paulo en hochant la tête et en lui tendant une épée.

Ceres ne voulait pas répondre. Elle ne voulait pas de cette réalité.

“Au tour de Ceres et Paulo !” appela un soldat de l'Empire.

Bien que Ceres ne craigne plus pour sa vie, elle avait les mains qui tremblaient et la gorge sèche.

Les portes en fer s'ouvrirent avec un bruit métallique. Ceres regarda dans l'arène et vit deux soldats de l'Empire traîner le cadavre d'un seigneur de guerre vers les tunnels.

Inspirant profondément, Ceres avança dans le Stade.

Le rugissement était assourdissant, la lumière du soleil chaude sur sa peau et la luminosité lui piquait les yeux alors qu'elle scrutait le public du stade bondé.

“Ceres ! Ceres ! Ceres !” scandaient-ils.

Quand ses yeux s'habituèrent à la lumière du soleil, elle laissa son regard se promener dans l'arène. De l'autre côté du stade se tenait un seigneur de guerre barbare. Il avait le bras aussi épais que la taille de Ceres et les veines des jambes gonflées par-dessus des muscles épais et bombés.

Elle serra le pommeau de son épée et comprit que cet homme allait la tuer. Elle jeta un coup d’œil à Paulo et vit son effarement.

Cependant, il était hors de question qu'elle recule.

Avec tout le courage qu'elle avait en elle, elle leva son épée.

Toute sa vie, elle avait été esclave et, maintenant,  malgré l'imminence de la mort, elle se rendait compte que cette partie de sa vie était terminée.

Maintenant, elle allait finalement, d'Esclave, devenir Guerrière.

Maintenant, la mort allait venir la chercher.

Et maintenant, sa vie allait commencer.

La foule rugit.

“CERES ! CERES ! CERES !”

La Cité De Délos(Tome 1) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant