Chapitre 41

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Cérès s'éveilla dans l'obscurité. La pièce n'était allumée que par le clair de lune qui entrait par les volets et par une seule bougie vacillante. Elle s'efforça de reprendre conscience, de se souvenir. Elle se souvint que les griffes de la bête l'avaient lacérée et ce simple souvenir sembla suffire à réveiller sa douleur qui, quand elle se retourna à moitié sur le flanc, lui éclata dans le dos avec assez de violence et de rapidité pour lui faire pousser un cri. La douleur était dévorante.

“Oh”, dit une voix, “ça fait mal ?”

Une silhouette apparut dans son champ de vision. Au premier abord, Cérès ne pût pas distinguer les détails mais, peu à peu, ils se firent plus clairs. Stéphania se tenait là, au-dessus de son lit, aussi pâle que les rayons du clair de lune qui l'entouraient. Elle était l'image parfaite de la femme noble et innocente venue rendre visite aux malades et aux blessés. Cérès était sûre que c'était délibéré.

“Ne t'inquiète pas”, dit Stephania. Pour Ceres, ces mots semblaient encore venir de trop loin, ne traverser le brouillard qu'avec difficulté. “Les guérisseurs de cet endroit t'ont donné quelque chose pour t'aider à dormir pendant qu'ils te recousaient. Ils semblaient assez impressionnés que tu aies survécu et ils voulaient t'enlever la douleur.”

Ceres la vit lever une petite bouteille. Elle était vert terne contre la pâleur de la main de Stephania, avait un bouchon en liège et le goulot qui scintillait. Ceres vit sourire la fille noble et il lui sembla que ce sourire était fait de bords tranchants.

“Moi, ça ne m'impressionne pas du tout que tu aies réussi à survivre”, dit Stephania. “Ce n'était vraiment pas l'idée.”

Ceres essaya de tendre la main vers elle. Théoriquement, ç'aurait dû être le moment de s'échapper. Si elle avait été plus forte, elle aurait pu dépasser Stephania à toute vitesse et foncer vers la porte. Si elle avait pu trouver le moyen de faire abstraction de la confusion qui semblait lui remplir la tête jusqu'au point de rupture, elle aurait peut-être pu se saisir de Stephania et la forcer à l'aider à s'évader.

Pourtant, on aurait dit que son corps ne lui obéissait que lentement, ne répondait que longtemps après qu'elle voulait qu'il le fasse. Ceres eut même peine à se redresser en enveloppant les couvertures autour d'elle et rien que cet effort la submergea d'une nouvelle vague de douleur atroce.

Elle vit Stephania caresser du doigt la bouteille qu'elle tenait. “Oh, ne t'inquiète pas, Ceres. Si tu te sens aussi impuissante, c'est qu'il y a une raison. Les guérisseurs m'ont demandé de faire en sorte que tu reçoives ta dose de leur remède et c'est ce que j'ai fait. Ou du moins en partie. Je t'en ai donné assez pour que tu sois docile. Pas assez, en fait, pour que tu cesses de souffrir.”

“Qu'ai-je fait pour que vous me haïssiez à ce point ?” demanda Ceres, bien qu'elle connaisse déjà la réponse. Elle avait été proche de Thanos, qui  avait rejeté Stephania. “Ça compte tant pour vous, d'épouser Thanos ?”

“Tu manges tes mots, Ceres”, dit Stephania en faisant un autre de ces sourires derrière lequel Ceres ne voyait aucune chaleur humaine. “Et je ne te hais pas. Si je te haïssais, cela voudrait dire que tu serais d'une façon ou d'une autre digne d'être mon ennemi. Dis-moi, t'y connais-tu en poisons ?”

Ce seul mot suffit à faire battre plus vite le cœur de Ceres. L'anxiété se réveilla en sa poitrine.

“Le poison est une arme si élégante”, dit Stephania comme si Ceres n'était même pas là. “Bien plus élégante que les couteaux ou les lances. Tu t'imagines être forte parce que tu as l'occasion de t'amuser avec des épées avec tous les vrais seigneurs de guerre ? Pourtant, j'aurais pu très facilement t'empoisonner pendant ton sommeil. J'aurais pu ajouter quelque chose à ton somnifère. J'aurais simplement pu t'en donner trop et tu ne te serais jamais réveillée.”

La Cité De Délos(Tome 1) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant