Chapitre 71

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Stephania passa les quelques heures qui suivirent à se préparer, aussi bien pour le mariage que pour … autre chose.

Elle passa la plupart du temps à se dire à quel point elle était heureuse d'épouser Thanos, à réfléchir à la robe qu'elle allait porter, au banquet qui allait avoir lieu et à l'impression qu'elle ferait quand elle apparaîtrait à la cour à son bras. Elle était en train de réfléchir à la façon dont ils allaient l'annoncer aux autres nobles et, bien sûr, à toutes les choses qui arriveraient par la suite. Ses femmes de chambre et les dames de la cour s'activaient autour d'elle et semblaient encore plus joyeuses de cette nouvelle qu'elle ne l'était elle-même. Au milieu de toute cette agitation, elle se débarrassa de l'une d'elles avec tact.

“Ça suffit pour l'instant”, dit-elle avec un sourire à l'exaspération bien calculée. “Je pense que je vais me promener dans les jardins. Si j'avais su que c'était aussi fatigant de se marier, je n'aurais pas fait en sorte que Thanos me demande de l'épouser.”

Elles rirent toutes avec elle, bien sûr. Stephania savait qu'elles le faisaient en partie parce qu'elles avaient appris qu'il valait mieux rire quand elle faisait une plaisanterie et aussi en partie parce qu'aucune d'elles ne pouvait imaginer que l'on n'ait pas envie d'épouser quelqu'un d'aussi beau et d'aussi puissant que Thanos. Quelques-unes avaient dû aussi rire parce qu'elle avait dit avec humour qu'elle pouvait faire faire ce qu'elle voulait à un prince de l'Empire.

Cela dit, ce n'était pas une plaisanterie. Il suffisait de savoir le toucher et d'être belle, d'être là aux bons moments … Dans la cour, elle avait si parfaitement joué la timidité qu'il l'avait demandée en mariage. Stephania voulait que Thanos se souvienne de cette demande comme si elle avait autant été son idée à lui que la sienne à elle.

Maintenant, il fallait s'occuper de l'autre affaire. Elle marchait gracieusement dans les couloirs du château, accompagnée d'un nombre minimal de dames d'honneur et d'amies nobles. Alors qu'elle marchait, elle souriait et écoutait leurs bavardages. Dans sa tête, elle triait ces bavardages pour faire la différence entre ceux qui lui étaient utiles et ceux qui avaient peu de chances de l'être, et elle le faisait avec une telle facilité qu'elle avait à peine besoin de les écouter.

Comme Thanos l'avait demandée en mariage, on lui parla d'autres demandes : la fille noble qui épousait un frère d'une famille de la frontière tout étant secrètement amoureuse de l'autre frère, une union entre deux maisons de commerce scellée par un arrangement entre deux nobles qui avaient tout juste quitté l'enfance, une épouse de haute extraction qui avait abandonné son époux quand il était parti à la guerre. Stephania fournit tous les témoignages de sympathie que l'on attendait d'elle pendant qu'elles se dirigeaient vers les jardins. Elle avait emmené une bouteille de vin et deux verres avec elle.

“Toute cette conversation m'a donné un vrai mal de tête”, dit Stephania quand elles approchèrent des jardins. “Pourrais-je vous demander de me laisser seule un ou deux moments ?”

Elles acceptèrent, bien sûr. Les femmes qui l'accompagnaient n'étaient pas assez importantes pour refuser ce que suggérait Stephania et elles le savaient. Quant à celles qui ne le savaient pas, Stephania les avait depuis longtemps exclues de ses fréquentations, ou elle leur avait fait la morale de façon appropriée. Elles ne croyaient probablement pas toutes que Stephania avait mal à la tête, vu le vin qu'elle avait apporté, mais, en toute probabilité, même ces femmes-là pensaient seulement que Stephania voulait dire adieu à un admirateur maintenant qu'elle allait se marier. Après tout, elles en auraient fait tout autant.

Stephania put donc entrer seule dans les jardins. Elle devait bien admettre que le palais avait de beaux jardins. Elle était particulièrement touchée par la façon dont les fleurs cachaient leurs épines.

Ses fleurs préférées étaient les roses blanches à longue tige. Elle avaient l'air si délicates et on les cultivait avec tant de soin qu'elles avaient presque l'air fragiles par rapport aux autres plantes. Pourtant, elles étaient plus que capables de s'enrouler autour d'elles et de les étrangler si elles occupaient trop de place. Stephania tendit le bras pour en cueillir une sans tenir compte de ses épines et elle la mit sous son nez pour pouvoir en absorber le parfum entêtant.

L'homme qu'elle recherchait se tenait à l'autre bout du jardin. Il avait une trentaine d'années, les traits fins et une barbe pointue qui les allongeait encore plus. Ses vêtements étaient de grande qualité, mais moins que ceux des plus grands des nobles. Si Stephania n'avait pas su qui il était, il aurait pu lui faire penser à un de ces petits nobles qui se piquaient d'être des poètes ou des chanteurs et s'en servaient comme prétexte pour aller faire le tour des grandes maisons et courtiser une épouse plus riche tout en obtenant toutes les missions qu'ils pouvaient en attendant d'arriver à leurs fins.

Il était probable que même sa femme de chambre croyait que c'était quelque chose comme ça. Stephania l'espérait. Ce serait dommage de devoir faire disparaître cette fille.

“Xanthos”, dit Stephania, qui s'avança.

“Madame”, dit-il pendant qu'elle s'approchait. Il avait comme un accent mais Stephania n'avait jamais vraiment réussi à déterminer d'où il venait. Il était peut-être feint, comme tant d'autres choses chez cet homme. “Aujourd'hui, votre splendeur éclipserait le soleil lui-même. Vous avez une autre mission pour moi ?”

Stephania sourit.

“Qu'est-ce qui s'est passé avec Thanos ?” demanda-t-elle. “Pourquoi as-tu échoué ?”

Xanthos déglutit et parut soudain inquiet.

“Je ne suis pas responsable des échecs du Typhon”, dit Xanthos. “Je vous avais bien dit que rien n'était sûr dans une bataille.”

Il sourit.

“De plus”, ajouta-t-il, “on dirait que c'est finalement mieux comme ça.”

Stephania dut admettre qu'il avait raison. Finalement, c'était mieux comme ça. Thanos n'était pas mort mais, maintenant, il était à elle et, après tout, c'était peut-être tout aussi bien.

“Peut-être as-tu raison”, dit-elle.

Elle le vit se détendre puis déboucha le vin et remplit les deux verres. Le vin avait un éclat net et pur dans la lumière du jardin.

Elle souleva son verre. “A la réussite.”

“A nous”, répliqua Xanthos, qui but son vin à une telle vitesse qu'il était visible qu'il voulait en finir le plus vite possible.

Stephania soupira et versa son vin dans le buisson le plus proche.

“Pourquoi faites-vous ça ?” demanda Xanthos, dont l'expression choquée montra qu'il venait de comprendre. “Non, vous n'avez pas fait ça, vous —”

Il eut un haut-le cœur, se saisit la gorge et avança d'un pas vers Stephania. Sa main lui agrippa la robe et la serra faiblement. Stephania la retira. Elle regarda la bave s'écouler des coins de la bouche de sa victime, qui tomba à genoux.

“Je ne peux pas me permettre de laisser de traces, Xanthos”, dit Stephania. “Pour ce que le monde en sait, j'aime Thanos. J'ai toujours aimé Thanos. Je suis sûr que tu comprends.”

Elle le regarda tomber puis resta sur place à le contempler en riant jusqu'à ce que, finalement, son corps s'arrête de tressauter.

La Cité De Délos(Tome 1) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant