ABEL ET LA BÊTE

17 (suite)

Je lui tends ma robe de chambre qu'elle enfile à la va-vite, mais le mal est fait ! Rien ne changera au fait, qu'il l'a vu à moitié nue. Monsieur le Don Juan a aperçu ses belles gambettes, alors qu'il m'a vu dans cet accoutrement. Que va t-il penser de moi ?

Ma sœur ne se démonte pas et repart à l'attaque !

— Que voulez-vous ?, l'assomme t-elle de s'expliquer une fois qu'elle ré-ouvre la porte.

— Simplement discuter avec votre aînée !

— Elle a été bien claire hier, elle n'est pas intéressée !, parle t-elle à ma place.

— Ça n'a rien à voir ! Je veux juste lui demander un conseil.

— A quel sujet ?

Je reste cachée, je ne veux pas qu'il me voit ainsi, même s'il est déjà trop tard. Je suis loin d'être à mon avantage, je ressemble à un petit bonhomme vert venu d'une autre planète avec mon peignoir d'un étrange vert et de mon masque à l'argile qui met deux plombes à sécher. Je ne peux pas m'afficher devant lui ainsi, impossible !

— Rien, qui ne vous concerne !, atteste t-il.

Ce qui irrite hautement ma petite sœur. Je la sens sur le point de s'emporter plus que de raison. J'espère qu'il va calmer le jeu.

—Je n'ai aucunement l'intention de lui demander de m'épouser, si cela peut vous rassurer, tente t-il en vain.

— Cela ne me convient pas ! Si vous vouliez jouer avec mes nerfs en revanche, c'est gagné !, s'énerve t-elle. Ma sœur n'est pas en condition pour vous recevoir, comme vous avez pu le constater. Si vous voulez tant vous entretenir avec elle, il va falloir repasser à une heure plus appropriée !

Elle referme derrière elle sans attendre qu'il réplique, ce qu'il fait malgré tout.

— Inès, je ne veux que vous parler, rien d'autre ! Ouvrez moi, s'il vous plaît !

— Ne tombe pas dans son piège !, me prévient Liliana. Je connais par cœur les mecs de son espèce.

— De quel piège tu parles ?

— Il n'a pas du avoir de quoi se mettre sous la dent cette nuit, il se rabat donc sur une nouvelle proie, en l'occurrence toi !

— Ce n'est pas un rapace ou une bête de ce genre, comment peux-tu le comparer à un animal ? C'est d'un être humain dont tu parles !

— D'humain, il n'en est rien ! Comment peux-tu être aussi ingénue ? Tu es trop naïve !

— Je crois à la bonté de l'homme, où est le mal ?

— Nous ne sommes pas dans le monde des bisounours, mais dans la réalité ! Celle-la même qui nous a privé de notre mère !, me rappelle t-elle la cruauté de la vie dans laquelle nous vivons.

Mais au plus profond de moi, j'ai espoir d'un monde meilleur... Et pour cela, il faut commencer par avoir confiance en soi puis aux autres. C'est la seule solution pour être bien !

— Ça ne coûte rien d'entendre ce qu'il a à me dire ?

— Il ne veut que te mettre dans son lit ! Tu es le type de femme pour qui il se damnerait !

— Ne l'écoutez pas ! Je ne veux rien de tout cela ! Je vous jure !, prononce le tombeur de derrière ma porte.

— Je ne suis pas aussi idiote que tu le penses ! Je ne tomberai jamais dans ses filets !

— Dois-je te rappeler ce qui s'est passé lors de la nuit du trente-et-un octobre ?, murmure t-elle.

— Non, c'était un accident de parcours !

Cette nuit là, étrangement, ça été ma plus belle soirée mais également la plus déroutante. J'ai passé un agréable moment en compagnie d'un bel homme très charmant, mais bizarrement je me suis sentie désarmée, ou complètement envoûtée par cette personne, je ne contrôlais plus rien, j'étais entièrement à sa merci !

J'ai cru que cela était dû à son charme, à la forte attirance que j'avais envers lui, mais tout était faux ! Lorsque j'en ai parlé à Liliana, elle m'a avoué que beaucoup d'hommes de la sorte ensorcellent d'une telle manière leur partenaire, qu'elles perdent toutes leurs moyens et restent toutes démunies face à eux.

Mais je ne suis pas stupide au point de retomber dans mes travers et refaire les mêmes erreurs.

— Si tu le dis ! Fais attention !, me recommande t-elle en disparaissant dans la trappe et me laissant seule face à monsieur le séducteur.

Je ne sais pas si je fais bien de l'écouter, mais mon instinct me dit de le faire.

Mais il a intérêt à avoir une bonne raison pour tout ce cinéma, et en plus à cette heure-ci de la matinée ! J'ouvre la porte et l'invite à entrer. Je sais, je ne suis pas présentable et j'ai honte mais il faudra faire avec, il avait qu'à prévenir de sa venue !

— Je n'ai pas beaucoup de temps à vous consacrer, alors dîtes-moi ce qui vous amène et disparaissez !, je le somme de parler alors qu'il reluque ma chambre de fond en comble.

Publié le vendredi 8 février 2019