ABEL ET LA BÊTE

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Inès (la bête)

Pourquoi cet homme a cet effet incontrôlable sur moi ?

Pendant tout le dîner, j'ai évité son regard. Je me suis contentée d'acquiescer de la tête à leurs questions et je suis restée muette tout en gardant mes yeux rivés sur mon assiette. Les Faro doivent me prendre pour une folle, une personne peu accueillante, mais je ne peux faire autrement. Dès que j'ose à peine lever mon regard, tout mon corps se tend et mes joues roussissent, c'est affreux !

— Et si on allait prendre un petit digestif au salon ?, propose mon père à l'ensemble des convives.

— Avec grand plaisir !, assène le grand patron des boutiques Faro, avant de me remercier pour le dîner. Ce repas était excellent ! Inès, vous avez énormément de qualités. Mon fils aura beaucoup de chance si vous acceptez de l'épouser.

Si seulement, il savait... Je ne suis pas une grande cuisinière. Je me débrouille, c'est vrai ! Mais je n'arrive en aucun cas à leur préparer ce qu'ils viennent de déguster.

Quand il s'agit de mélanger autant d'ingrédients dans une seule et unique recette, je laisse volontiers la charge de cette tâche à ma marraine de cœur, une cuisinière hors-pair. Après le décès de ma mère, elle s'est occupée de moi. Elle a tout fait pour me redonner goût à la vie. Elle a toujours été présente pour donner un coup de main à mon père pour nous élever ma sœur et moi. Je lui dois énormément !

Encore aujourd'hui, elle m'est d'une grande aide. Elle ne peut rien me refuser et il faut dire que j'en profite un peu, même beaucoup. Ces plats sont simplement divins, un délice !

Elle est chef de deux grands établissements de la capitale qui ne désemplissent pas. Pour y avoir droit à une table, il faut s'y prendre des semaines à l'avance, sauf ma famille bien sûr ! Nous sommes des privilégiés !

Bon, revenons à ce compliment. Je décide de garder pour moi ce petit mensonge de rien du tout et remercie d'un petit sourire et d'un hochement de tête monsieur Faro. Ce n'est pas ce secret qui fera la différence après tout ! Celui que je dissimule sous une épaisse couche de fond de teint est bien plus grave à mon avis. Mais chut ! Je ne suis pas prête à le dévoiler.

— Je l'ai beaucoup aidé !, déclare ma sœurette voulant également récolter les honneurs.

Liliana n'aime pas passer au second plan. Elle aime être au devant de la scène. Tout le contraire de moi.

Après avoir reçu les félicitations de nos convives, Lili se dresse en maîtresse de maison et accompagne nos invités au petit salon, alors que je reste en cuisine en compagnie de David.

— Il te plaît !, me sort-il m'interrompant dans mon activité.

— Non... Peut-être... Je ne sais pas à vrai dire... je bégaye ne sachant pas vraiment ce que j'éprouve pour ce Don Juan.

— Il te fait de l'effet en tout cas !, devine t-il.

S'il arrive à lire en moi, je n'ose pas imaginer ce que les autres ont pu discerner... Cela me met encore plus mal à l'aise. Je n'aurais jamais dû accepter cette proposition absurde.

On est au XXIème siècle, pas au moyen âge ! Qu'est-ce qui m'a pris ? Je suis tellement à la déroute que je ne réfléchis plus comme il se doit. Il faut absolument que je me ressaisisse. Je n'ai plus le choix !