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Inès (la bête)


— Lili, Lili... je crois que je viens de faire une belle ânerie... je proclame en sautant sur son lit.


Ce qui la fait sursauter.


— Qu'est-ce que tu me racontes encore ? prononce t-elle encore toute ensommeillée.


Elle se frotte les yeux puis me fixe intensément en attendant que je parle... en vain. Je ne sais pas par où commencer.


— Non ! Non ! Et Non ! Tu n'as pas fait ça ? s'affole t-elle. Inès, tu m'as affirmé que tu ne tomberais pas sous ses griffes, qu'est-ce qui t'a pris ? Comment peut-on être aussi idiote ?

— Que veux-tu ? Je me suis fait embobiner à la perfection ! Je suis faible ! J'aurais dû lui dire non, mais c'était trop dur ! Tu aurais vu son air tristounet... Tu aurais succombé tout comme moi !

— Jamais de la vie ! Je ne couche pas avec un homme car il ressemble à un chien battu, je ne suis pas mère Térésa ! Où vas-tu chercher ces choses là ?

— Mais moi non plus ! Pour qui tu me prends ?

— Je ne comprends rien ! Pourquoi es-tu venue me réveiller, si tu n'as pas couché avec lui ? Il t'a fait du mal ? Tu l'as tué ? Parles ?

— Mais qu'est-ce que tu racontes ? Non ! Rien de tout ça ! J'ai seulement accepté d'être son amie.


Un ange passe... Elle reste bouche bée ! Puis reprend ses esprits et m'annonce :


— Ah ! Ce n'est que ça ! Tu m'as fait peur ! Ce n'est rien de grave, même si je pense que Don Juan a d'autres intentions à ton égard. Restes sur tes gardes ! Sois prudente ! finit-elle par me conseiller.

— Il a accepté de m'aider après la messe, je l'informe.


Mais j'ai l'impression d'avoir lancé une bombe.

Ma sœur se lève d'un bond, surprise de mon annonce, je présume. Je ne peux que la comprendre, moi même, j'ai été étonnée que l'homme qu'on décrit être le plus égoïste de la terre puisse tendre la main aussi facilement.


— Il y a anguille sous roche ! Il faut absolument que je voie ça de mes propres yeux ! Je viendrais également donner un coup de main à l'association aujourd'hui. Je ne vais pas louper un tel truc !


Deux surprises en un jour, c'est trop beau pour être vrai... Généralement, lorsque l'on manque de personnel, je suis obligée de batailler pendant des heures pour que Liliana accepte de m'accompagner, et aujourd'hui, par miracle, elle se propose sans même que je lui demande. Pourquoi ? Pour un mec ! Un homme qu'elle dit détester plus que tout ! Et pourquoi ? Car ils se ressemblent un peu trop et que cela lui procure une étrange sensation.


— Entendu ! Mais ce n'est pas seulement pour les beaux yeux de Faro que tu viens ! Tu serviras les entrées à mes côtés. Et ce n'est pas négociable !


Je me méfie un peu de ma cadette. Quand elle vient à la paroisse, tous les moyens sont bons pour échapper aux tâches ingrates. Elle se défile le plus clair de son temps. Elle disparaît dans la grande salle où elle s'installe à table pour converser et en oublie qu'elle est là aussi pour aider.

Auprès de moi, je pourrais garder un œil sur elle !


— Si tu veux, oui ! Et ton bellâtre, tu comptes le mettre à quelle place ?

— En cuisine. Et ce n'est pas mon bellâtre ! je proteste.

— Si j'étais toi, je le positionnerais à la plonge. Ça serait trop drôle de le voir se dépatouiller avec toute la vaisselle sale !

— Non ! Si je le mets à ce poste, il risque de ne plus venir nous aider.


S'il vient... Car je ne suis sûre de rien !


— Car tu penses sérieusement que ce mec reviendra te donner un coup de main ? Ne sois pas bête ? S'il vient aujourd'hui, c'est uniquement pour tes beaux yeux ! Il veut te mettre dans son lit, c'est tout ! Et quand, il aura compris que c'est peine perdue, alors, il disparaîtra de ta vie en un éclair ! Tu verras !

— Tu ne crois pas qu'il puisse être quelqu'un de bien ?

— Si Abel Faro était bienveillant, la presse en aurait déjà fait son éloge, crois moi ! Abel est tout sauf un enfant de cœur ! Ne te laisse pas avoir avec son regard de braises et son charme incandescent. Beaucoup de filles ont déjà brûlé et perdu leurs ailes. Ne sois pas la suivante !

— Ne t'inquiètes pas ! Je n'ai pas l'intention de succomber à monsieur beau gosse. Mais je peux, peut-être, l'aider à retrouver le droit chemin...


Un rire nerveux sort de la bouche de ma sœur. Elle ne croit pas un instant, que je puisse faire changer Faro, et elle a sûrement raison, mais ça ne coûte rien d'essayer.


— C'est peine perdue ! affirme t-elle. Mais tu peux toujours tenter ! Toi, qui crois toujours aux contes de fées !

— Non ! Je n'y crois pas ! En tout cas en ce qui me concerne ! Mais je suis persuadée qu'il se cache en chacun d'entre nous, une part de bonté. Il faut seulement la retrouver !


Il me semble discerner à la tête que Lili fait, qu'elle ne croit pas un mot de ce que je viens d'énoncer. Elle a du mal à faire confiance aux gens et surtout à la gente masculine.


— Il faut vraiment que tu cesses de vivre enfermée dans ta bulle. L'extérieur n'est pas comme tu l'entends ! Les gens sont malhonnêtes, imbus de leur personne, hypocrites et j'en passe. Tu peux me croire, la bonté est le cadet de leurs soucis. Il est révolu le temps des mousquetaires, maintenant c'est du chacun pour soi ! C'est finit le « Tous pour un et un pour tous » !

— C'est malheureux !


Je sais que l'on vit dans une société du « chacun pour soi » mais à l'inverse de ma sœurette, je suis certaine qu'il y a du bon en chacun de nous...




Publié le mercredi 20 février 2019


ABEL ET LA BÊTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant