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Abel


Elle est là, encore ici ! Toujours aussi jolie, mais avec un regard à faire fuir tout le monde. Je sais, elle m'a surpris en fâcheuse posture, mais pour ma défense, je n'y étais pour rien, c'était entièrement la faute de cette folle de marionnette sur ressorts, qui n'écoutait pas un mot. Elle était persuadée qu'elle pouvait faire mon bonheur... Il m'a fallu un bon quart d'heure pour la convaincre de sortir de mon bureau, sans un esclandre. Mes nerfs étant à vifs, j'ai cru devoir la raccompagner à la sortie dans son plus simple appareil. Mais heureusement, elle a reconsidéré les choses, et est partie de son propre chef, recouverte de ces vêtements plus que scandaleux.

Mais revenons à Inès. Que fait-elle encore là ? Où était-elle pendant tout ce temps ? La connaissant, un petit peu maintenant, j'aurais cru qu'elle serait loin, même très, très loin. Loin de moi et de la gêne que je lui ai occasionné. Qu'est-ce qu'il l'a retenu dans ces lieux ?


— J'y vais de ce pas ! Je suis déjà en retard !

— Attendez ! Écoutez-moi ? je tente de la rattraper par le bras, mais c'est sa main que j'empoigne.


J'ai une sensation étrange en la serrant, comme un choc électrique entre nos deux corps, pourtant ce n'est pas la première fois que je la touche... Et en voyant sa tête, il me semble déceler que ce contact a eu le même effet sur elle. Elle tente de dissimuler cette impression, mais c'était sans compter sur mon œil expert.


— Je n'ai pas le temps pour vos enfantillages ! préfère t-elle se dégager de mon emprise, afin de prendre la fuite, pour éviter d'en parler.


Et je la comprends ! Moi, non plus, je ne veux pas entrer dans ce genre de conversation qui risque de ne terminer nulle part.


— Je veux seulement m'excuser pour ce que vous avez vu dans mon bureau, même, si cela n'était pas de ma faute ! j'essaye de la convaincre de rester un peu.


Je ne veux pas qu'elle parte en pensant que je suis un mec à me taper des prostituées, car ce n'est pas du tout le cas. J'ai beau avoir de nombreux défauts, celui-là n'en fait pas partie. Et cela fonctionne, car elle revient sur ces pas.


— Bien sûre, elle n'était pas complètement nue et dans vos bras, quand je vous ai surpris, non ? ironise t-elle. J'ai une mauvaise vue, c'est ça ? Je devrais peut-être aller voir un ophtalmologiste, pour vérifier d'où me vient ses hallucinations...

— Inès ! Je suis d'accord avec vous, tout m'accable ! Mais croyez-moi, je n'y suis pour rien ! C'est elle, qui s'est jetée sur moi, comme une sangsue. J'ai bien essayé de la faire déguerpir, mais elle s'accrochait à moi. J'ai bien cru qu'elle allait me violer !


Elle rigole. Elle ne croit pas un mot de ce que je viens de dire. Pourtant, je ne dis que la stricte des vérités.


— Abel Faro, violé par une femme ! J'aurais tout entendu aujourd'hui ! se moque t-elle ouvertement de moi.

— Il n'y a pas de quoi rire ! Elle ne voulait vraiment pas s'en aller ! Si j'attrape Marcio, il va m'entendre !

— Marcio ?

— Oui, mon soi-disant ami... Il s'est permis de m'envoyer cette créature car il pensait, à tort, que j'étais en manque. Quel crétin parfois !

— Je vois ! Et elle ne vous a pas plu, vous allez m'avouer ?

— Non ! Elle était très sensuelle, je ne vais pas le nier, mais pas du tout mon style de femme !


Elle réfléchit pendant un temps, un temps inconsidéré, qui me semble une éternité, mais finit par me donner raison. 


— Ok, je veux bien vous croire, mais avant vous devez me prouver votre loyauté !


Ma loyauté ? Qu'est-ce qu'elle me raconte ?


— Surélever mes prix d'achat au taux initial, et montrez-moi à quel point, je peux avoir confiance en vous ! me tend t-elle une feuille avec tous les chiffres des marchandises qu'on achète en exclusivité au sein de sa manufacture.


Elle me fait un petit clin d'œil, ce qui me fait être sur mes gardes. Je jette, vite fait, une vérification aux chiffres et je m'aperçois qu'elle a fait une petite altération, pas énorme mais qui a le mérite de me mettre en porte à faux.


— Allez ! Vous allez vous en remettre ! Avec la marge exorbitante que vous appliquez sur mes produits, vous pouvez bien me les racheter avec un point de plus, ce n'est pas grande chose à votre échelle !


Non, c'est seulement un salaire de l'un de mes collaborateurs qui part en fumer ! Mais ce n'est rien ! j'ironise la situation, car sinon je crois que je vais faire une syncope. Je vais trouver une solution, comme toujours, c'est pour ça que mon père me paye.


— Ça, c'est vos dires !

— Oui, c'est à prendre ou à laisser ! Vous vouliez jouer ? Il faut apprendre à perdre !

— Vous avez gagné ! j'abdique.


De toute façon, je n'ai pas le choix ! Sinon, ce n'est pas un salaire que je perds mais tout un magasin. Les fournitures des Martins sont les plus rentables pour nous. Si je perds leur marché, je peux dire adieu à une grande partie de nos employés.


— Mais ne croyez pas que vous allez m'échapper... je poursuis avant qu'elle m'interrompe.

— Je ne crois rien, mais il faut vraiment que je vous laisse ! Je suis plus qu'en retard ! prend t-elle à nouveau la poudre d'escampette.


Cette fille est vraiment étonnante, elle est tout à fait le genre de personne qu'il me faut dans ma vie, si je voulais d'une relation sérieuse, bien sûr. Mais comme ce n'est pas le cas, je me contenterai de l'avoir en tant qu'amie, si j'arrive à la cerner. Car ce n'est pas en me fuyant en permanence, que je parviendrais à savoir ce qui se passe dans sa petite tête...


— Allez-y ! Je sais où vous trouver ! je la menace très gentiment, afin qu'elle ne pense pas, avoir tout gagné.


Moi aussi, J'ai mes petites tactiques, ne lui en déplaise...


— A bientôt ! se dirige t-elle vers la grande porte d'entrée, afin de quitter les lieux au plus vite.

— Oui, plus rapidement que vous ne le pensez ! je finis en lui mettant un peu la pression.


Je ne sais toujours pas pourquoi elle refuse de me voir, ni même me parler, mais je finirais bien par le découvrir. Et j'ai soudainement une idée, de quand ce jour arrivera... Elle n'a plus qu'à prier secrètement que je tombe malade pour que cela ne se produise pas ! Sinon, elle est cuite ! 






Publié le samedi 13 avril 2019


ABEL ET LA BÊTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant