ABEL ET LA BÊTE

45 suite

Inès (la bête)

— On n'est que trois ! j'informe mon père alors qu'il dépose sur la table une armée de petits-fours, et une dizaine de verres.

— C'est jour de fête ! m'annonce t-il tout sourire.

— Peut-être... Mais on ne va tout de même pas manger tout ça ?

Ne me dîtes pas qu'il a invité du monde ? Et qu'il ne m'en a pas touché mot... OK ! C'est chez lui, il fait ce qu'il lui plaît et je n'ai rien à dire. Mais moi, je ne suis pas obligée d'être présente. J'ai dit oui pour passer du temps avec eux, et non, pour assister à un rassemblement, où je suis certaine d'être le centre de l'attention.

— Il en restera pour demain ! intervient Lili alors qu'elle était restée silencieuse jusqu'à présent, ne se souciant pas de ce qui se trame devant ses yeux. Arrête de stresser ! Et profite !

Elle se lève et commence à déguster.

— Hum ! C'est trop bon ! D'où viennent ces délices ?

— A ton avis ?

— Rosa ? on sort toutes les deux en même temps.

— Qui d'autre ? C'est la meilleure des cuisinières !

Il n'a pas tort ! Rosa, en plus d'être une personne formidable et généreuse, et toujours à mes côtés dans les bons et les moins bons moments de ma vie, et par dessus tout une excellente cuisinière. Je l'admire énormément !

— Elle va venir ? je demande, même si je connais déjà sa réponse.

Rosa est la seule personne qui n'a jamais manqué un Noël à la maison. Elle est toujours venue, même fatiguée et après son service, elle passait toujours nous voir et nous apporter de quoi nous régaler, surtout depuis la mort de maman.

— Elle ne devrait plus tarder ! nous annonce t-il alors qu'on sonne à la porte.

— Je vais lui ouvrir ! propose ma sœur.

Personne ne contredit et elle file vers l'entrée.

— Papa ! Tout est parfait ! Arrête de toucher !

Il n'arrête pas de changer de place les assiettes. C'est étrange, je le sens très nerveux d'un coup. Qu'est-ce qui ne va pas ? Il faut qu'il se calme, c'est qu'une soirée parmi tant d'autres.

— Tout va bien se passer ! je tente de le rassurer.

Il s'approche de moi et me serre dans ses bras le plus naturel du monde. Mon père est préoccupé. Et par ce geste, je comprends qu'il l'est vis à vis de moi.

— Je vais bien ! Ce n'est qu'un mauvais moment à passer, tu verras que d'ici peu, j'irai beaucoup mieux ! Ne te préoccupe pas de moi ! Et profite de ta soirée ! j'essaye de lui montrer que je suis quelqu'un de forte.

Je ne veux pas être un fardeau pour les membres de mon entourage. Ils ont déjà vécu assez de traumatismes par ma faute. Essayons de passer un agréable Noël tous ensemble, je leur dois bien ça !

Lili met un temps fou à revenir avec Rosa. Que fait-elle ? La connaissant, elle doit se risquer à savoir ce qui se trouve dans son paquet ? Rosa nous apporte toujours des surprises quand elle nous rend visite, et ma sœurette est sans cesse impatiente de les ouvrir. Mais à Noël, nous avons le rituel d'attendre le vingt-cinq décembre au petit matin pour ouvrir nos présents.

— Que fait Lili ? je demande à voix haute.

Comme si mon père pouvait savoir, lui, qui est auprès de moi. C'est absurde !

— Je suis là ! me sort Liliana en arrivant dans la pièce. Et voyez qui nous a fait la surprise de venir !

Et là ! Tout mon corps défaillit. Heureusement, que j'étais près du canapé car sinon mes fesses auraient sans aucun doute touché le sol. Je ne sais pas, si ce que je vois est réel, mais cela semble plutôt vrai et invraisemblable en même temps...

— Inès, comment tu vas ? me fait la bise Rosa. Tu as l'air plus en forme que samedi dernier !

Je ne vous l'avais pas dit, mais elle m'a fait la surprise de venir le week-end dernier pour me remonter le moral après ma crise de nerfs. Et quoi de mieux, qu'un énorme morceau de gâteau tout chocolat. J'en ais encore l'eau à la bouche rien que d'y penser.

— Euh... Oui !

— Tu vas bien ma chérie ? me murmure t-elle à l'oreille tout en s'asseyant auprès de moi.

— Il est là ?

Je n'arrive pas à dévier mon regard du sien. Comment peut-il me faire ça ?

— Tu parles de mon filleul ?

Je hoche la tête pour toute réponse. J'ai beaucoup de mal à croire qu'il est chez moi, ici, la veille de Noël...

Publié le mercredi 4 septembre 2019